Le roman fantastique à l’épreuve du devoir de philo

L’auteur de roman fantastique doit-il faire ses devoirs de philo ? C’est avec beaucoup de résistance qu’il aborde la technique éprouvée du plan : problématique, thèse, hypothèse. C’est en explorant le pouvoir de l’intuition qu’il découvre la puissance autodestructrice de son esprit cartésien

L’écriture du roman fantastique à l’épreuve du plan : problématique et enjeu

la résistance au plan
l'écrivain fantastique peut-il faire l'économie de l'exigence implacable de son devoir de philo ?

La résistance au plan

Salut tout le monde ! Je suis en pleine phase de résistance. Certains écrivains se sentent plus en phase en déroulant les pages de leur futur bouquin, s’assignant même un nombre de mots obligatoire par jour, tandis que d’autres ne démarrent l’écriture qu’une fois leur plan établi. Moi, je balance entre les deux. Depuis que je « travaille » l’ossature de mon premier épisode, j’ai l’impression sordide de sortir de l’univers de mon roman. Où sont passés mes personnages ? Leurs actions ne se résument qu’à des fiches stériles que je ne parviens pas à faire exister dans ma tête. À contrario, j’aime la sensation d’immersion dans leur vie lorsque, chaque matin, je tisse un lien avec mes personnages, en allant les retrouver quotidiennement sans tout calculer à l’avance. Je les approche, je les devine, je suis comme une espionne qui les observe et les analyse. Avec ma nouvelle tactique d’approche, je ne me sens pas dans mon élément, c’est indubitable.

L’exigence de structure

Quand je dis « travailler »(le plan) entre guillemets, c’est parce que je bricole. Ma tête n’est pas habituée à penser en terme de structure, quand bien d’autres se sentiraient perdus s’ils accumulaient de la matière sans pouvoir l’ordonner dans un cadre préétabli. À la réflexion, ne suis-je pas en plein vagabondage intellectuel, justement ? Je sais que certains écrivains écrivent au fil de l’eau et que ça ne les empêche pas d’achever leur manuscrit. Et puis, je sais surtout que mes deux premiers bouquins « manquent de structure« . Même si je suis contente du résultat, je ne suis pas dupe. L’inspiration seule ne mène pas à l’excellence, et encore moins au best-seller recherché ici. Peut-être n’y parviendrai-je jamais. Mais, encore faut-il tenter le coup ! Alors, oui, je vais m’accrocher et continuer ces « fiches-actions » et « fiches portraits » qui s’abattent sur les murs de ma chambre, punaisés comme dans une mauvaise série policière.

L’ordre atteint son but

Les murs sont envahis de post-it et de caractères manuscrits qui ne me parlent pas. J’ai aussi tracé une longue ligne au feutre noir pour faire office de chronologie. Pour l’instant, je n’y ressens nulle vie et ça ne m’éclaire pas. Plus je colle et punaise ces mots, moins ça me rassure, et plus je m’éloigne de mon but. C’est à n’y rien comprendre. Mon cerveau serait-il en rébellion contre ma tentative d’ordonner ses idées ? Je ne vais pas me laisser faire. Une amie m’a envoyé une technique de plan qu’elle utilise depuis ses années de fac de philo. J’ai beaucoup d’estime pour son travail. Directrice de publication, elle est suffisamment calée pour que je prenne son document de trois pages au sérieux. Il m’apparaît si obscure que j’en ai mal au crâne. Je ne me démonte pas et commence à le décortiquer point par point. Et, ô miracle, il me parle. Je vous partagerai ici les deux premiers points. Le troisième nécessitant un temps de réflexion pour mon prochain article.

Les  pouvoirs intuitifs enfermés dans l’esprit cartésien : thèse et hypothèse

mental et intuition
le pouvoir de l'intuition n'est-il qu'une affabulation de l'esprit ?

L’enjeu de nos pouvoirs

Premier point : définition du problème et de son enjeu. Ça, c’est facile. Le problème est le suivant : Cécile s’aperçoit que son enfant a des pouvoirs (d’ailleurs, ce n’est pas très développé pour l’instant). Tiens, si je me focalisais sur ce sujet central ces prochains jours ? Mon plan serait peut-être plus facile à monter. L’enjeu est de cacher les conséquences de cette révélation au commun des mortels ou, du moins, d’en maîtriser l’impact. Deuxième point : construction de la problématique (thème, thèse, problématique). Là, j’ai du mal à comprendre. Serais-je butée, voire irrécupérable ? Disons que je suis face à ma plus grosse lacune : la construction. Bah, oui, c’est bien ça. Je me suis même aperçue récemment que j’avais du mal à viser un résultat, pour tout, en fait. Allez, ça se corse mais je m’engouffre dans la faille. Même pas peur, je me lance ! Mon thème entre dans le registre du fantastique mais pas dans le genre monstres et compagnie. Car, pourquoi inventer du fabuleux quand la réalité en produit déjà ? Je veux au contraire le révéler.

La thèse du pouvoir intuitif

Je veux étudier la réalité de nos pouvoirs intuitifs. S’ils existent vraiment, pourquoi n’apprenons-nous pas à nous en servir ? Je pense que c’est une longue histoire. C’est mon thème, assurément. Et, ma thèse, quelle est-elle ? Disons que, dans l’absolu, nous avons tous la capacité de développer notre pouvoir intuitif, selon notre éducation, notre apprentissage, les circonstances de notre vie et le développement de notre personnalité. Je définirais ce pouvoir intuitif comme une connexion à soi-même poussée à l’extrême, passant les limites de notre intellect et perçant les frontières de notre mental. Il nous permettrait alors de capter des informations. Ou, plutôt, d’être l’information elle-même ! Menant à la télépathie et autres aberrations surnaturelles pour nos pauvres esprits cartésiens. Je vous partage à ce sujet une référence que j’estime digne de foi. J’appelle Corinne Sombrun à la barre (voir la vidéo en fin d’article). J’ai lu tous ses bouquins et j’aime son retour d’expérience.

La question du refoulement

Mais, reprenons le plan. J’ai donc à formuler ma problématique. Où est le problème à résoudre ? Je dois réduire ma question à sa plus simple expression : comment développer son pouvoir intuitif dans une culture éducative enfermée dans l’intellectualisme pur ? Vaste question qui ne définit pas assez le problème traité dans mon roman : les pouvoirs de Line sont inconnus, rejetés et considérés comme nuisibles (car exprimés). Cécile, sa mère, a elle aussi des pouvoirs, mais elle a su les refouler étant enfant. Comme nous avons tous appris à le faire. La souffrance qu’on s’inflige ainsi est le problème. Comment le résoudre ?  En apprenant à accepter nos capacités intuitives, à en faire une force, à s’en servir. Comment ? C’est toute la démonstration que j’ai prévu de développer dans ce roman intitulé « Le Projet Line« . Line deviendrait une source d’inspiration pour le lecteur.

L’hypothèse de l’auto-destruction

Le troisième point demande réflexion : redéfinition de l’énoncé. Okay mais, c’est quoi mon énoncé ? Nous aurions une capacité intuitive dont nous ne concevons pas la puissance. Refoulée, coupée du champ informationnel, elle dérive, et nous nous en détournons, nous déformons les informations auxquelles nous serions naturellement reliés. Résultat, nous apprenons très jeunes à nous détourner de nous-mêmes et alimentons une opposition intérieure qui mène à l’auto-destruction programmée. Redéfinir l’énoncé devrait conduire à émettre une hypothèse de sortie de crise, non ? Une sorte de réveil intérieur ? Mais, pour parvenir à quoi ? Pour aller où ? Vers un nouveau rapport au monde ? Ça manque de substance. Le point positif est de s’en apercevoir. Je me posais encore la question quand un ami me parle de l’infirmière de Roswell. Et là, un nouvel horizon se présente à moi. Affaire à suivre…

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Rédiger le premier épisode du Projet Line en 3 mois

Je comparerais volontiers le romancier à un cartographe car j’ai constamment l’impression de sillonner un univers préexistant à mon arrivée. Et, je suis en charge de le restituer sur une carte. Mais, il peut devenir chorégraphe ou metteur en scène.

Premièrement, rédiger la scène d’ouverture

l'identité culinaire du roman - Photo de Pexels

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
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Serai-je prête à Noël pour rédiger ce premier épisode ?

J’ai rédigé une ouverture du roman avec Élise, la nourrice. C’est une bonne idée car Élise est un personnage qui doit éveiller de l’inquiétude chez le lecteur. En l’état, ma scène d’ouverture ne tranche pas dans le vif. Elle risque de faire fuir le lecteur. Ça peut marcher si j’arrive à susciter une certaine angoisse, à générer une alarme et de l’ambiguïté. J’ai rédigé son arrivée à Saint Jean de Luz. Je pourrais ensuite présenter Cécile et Antoine. Puis, revenir sur Élise qui sonnera chez ses nouveaux employeurs. Le lecteur se sentira alors inquiet pour la famille qui fait entrer un serpent dans la maison. Pour rédiger la scène d’ouverture, je dois élargir le spectre des questions.

Pourquoi la scène d’ouverture me préoccupe-t-elle autant dans la rédaction de mon plan ?

Un roman est un univers cohérent, un système de valeurs. Pour créer cette cohérence de valeurs, incarnées par les personnages, je rédige une première chronologie, quitte à la remanier par la suite. J’affinerai ensuite les actions et les portraits grâce à une nébuleuse de questions que j’ai posées en cours d’écriture. Par exemple, pour Élise, j’ai encore beaucoup d’éléments à rédiger. Si elle représente un danger pour Line, elle devrait susciter une réelle inquiétude chez le lecteur dès les premières lignes. Rédiger la scène d’ouverture pose les questions essentielles qui permet de rédiger le plan général. Comment et pourquoi Élise trouve sa place au sein de la famille ? Voilà une question qui interroge la cohérence générale du roman.

Pourquoi  je rédige le portrait d’un personnage clé qui ouvrira la porte de l’univers ?

Je note une seule question qui devra articuler l’épisode entier, et je décris un seul personnage pour l’incarner. Élise a des compétences rares, une intelligence éducative qui la rend précieuse. C’est un outil tranchant; elle est à la fois dangereuse et indispensable. Pour la mettre en scène d’ouverture, je dois comprendre pourquoi et comment elle se rend indispensable, pour la famille et pour le roman. Elle inculque quelque chose d’essentiel à Line. C’est un élément fondateur car l’histoire du comportement de Line s’explique à travers l’éducation qu’elle reçoit. Pour écrire le comportement d’un personnage, il faut partir de son désir. Comprendre quelqu’un c’est comprendre son désir. Ce dernier se construit en fonction de l’histoire qu’il se raconte.

Deuxièmement, inventer le désir de chaque personnage principal

Élise, l'incarnation du trouble

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
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Comment le désir personnel fait écho à celui des autres personnages ?

Ce qui rend une personne compréhensible, c’est son désir. Le désir est à la base de toute action, de toute vie. C’est à lui qu’on fait appel pour avancer, pour vivre et survivre, pour tout, en fait. Celui d’Élise est de servir la volonté de Dieu. La nourrice ne reculera devant rien pour être à la hauteur de la mission divine dont elle est investie : façonner l’homme en instrument de Dieu, former de grands hommes ! Ceci étant posé, la question cohérente est : que désire la famille pour l’éducation de Line ? Et, comment Élise peut-elle incarner deux facettes opposées sans se faire virer ? Elle changera de poste qui l’entraînera sur une mission encore plus dingue.

Comment inventer l’évolution d’un personnage en réponse à son désir ?

Élise deviendra-t-elle un fléau ? Mystère. Je sais pourtant que les déviances d’Élise ne passeront pas inaperçues. La nourrice ne peut être congédiée pour des questions de confidentialité, et se retrouvera coincée au service des d’Haranguier. Elle en éprouvera un profond ressentiment, ce qui n’est pas en cohérence avec ses valeurs. Il lui faudra donc sublimer ce sentiment en se donnant une mission plus haute. Sauver le monde de ce diable de Line ? Je ne sais pas jusqu’où Élise ira, mais je compte sur elle pour pimenter le jeu de l’intrigue. Je rappelle aux nouveaux lecteurs que la dévotion malsaine d’Élise est une invention d’Anton, mon fils avec qui j’ai commencé la rédaction du Projet Line (j’écris un roman en 3 mois avec mon fils).

Comment chorégraphier cette danse de désirs ?

Je comparerais le romancier à un cartographe plutôt qu’à un chorégraphe. J’ai constamment l’impression de sillonner un univers préexistant à mon arrivée. Et, je suis en charge de le retranscrire sur une carte. Cet univers est mesurable et à portée de découvertes, de représentations et de schématisations. Mais, il est vrai que, comme pour une danse, le rôle et la place de chacun est à mesurer au centimètre près. Qu’est-ce qui fait qu’Élise a sa place dans la famille et dans la suite de l’histoire, pour rendre cet univers (ou cette danse) cohérent ? La cohérence de ses valeurs joue avec celle des autres. On ne rédige pas un portrait sans prendre en compte tous les autres. Les costumes doivent se répondre.

Troisièmement, rédiger toutes les questions émanant de ma ronde de portraits

Diapositive précédente
Diapositive suivante

Pourquoi j’écris des scènes d’action avant de rédiger ma galerie de portraits ?

Je sais, c’est mal.  Au lieu de faire la rédaction de mon plan, je plonge dans un univers inconnu. J’annonce une échéance impossible à tenir dans cet ordre de marche. Au bout de 12 mois, je n’ai toujours pas rédigé de plan. Ouais, c’est très mal. N’empêche, même repoussées, les échéances de 3 mois, ça motive. Pourquoi rédiger dans cet ordre ? Pour m’imposer une dynamique d’écriture. Je rédige ensuite mes portraits en fonction d’une liste de questions directement tirées de mes scènes d’action. Maintenant, je peux écrire mon plan à partir d’une grille de questions propres au roman en cours, et rédiger ma chronologie d’actions. Je m’appuie sur une grille de portraits des acteurs principaux en action.

Pourquoi je parle d’acteurs après avoir parlé de personnages et de portraits ?

Ça correspond au ton de mon expérimentation actuelle. Pour ce roman, je me suis fixée deux objectifs : rédiger un plan et travailler l’écriture scénaristique. D’ailleurs, les lecteurs ont bien remarqué la dynamique d’action et le manque criant de descriptions dans la rédaction du premier jet. C’est une démarche sentie, puis conscientisée. Pour moi, cette conscientisation de l’écriture fait partie du travail d’élaboration du roman. J’y tiens, même si c’est long, fastidieux, en dehors des clous, en apparence. C’est aussi une question d’époque. Aujourd’hui, nous vivons l’image, nous respirons l’écran, et nous pensons scéniquement. Malheureusement, nous jouons à la création sans apprendre à nous en amuser. « S’amuser à jouer au créateur qui joue à créer », comme dirait Sidonie Bergot qui transmet cette notion dans ses ateliers

Est-ce que je me prends pour un metteur en scène de roman ?

Carrément ! Je convie mes acteurs principaux pour rédiger mon plan : la chronologie d’actions comme ligne d’appui, et la grille de lecture qui interconnecte tous les rôles entre eux. Rédiger les scènes d’action c’est constituer le squelette d’un organisme complexe (le roman). Disons que cet organisme vivant a un système de valeurs cohérent constitué de cellules (les acteurs), et chaque cellule a un rôle, une fonction déterminée pour faire vivre cet organisme (l’univers romanesque). Mes acteurs principaux sont mes cellules les plus précieuses. Interconnectés, ils amorcent l’action, en interaction avec les acteurs secondaires directement liés à eux et à l’intrigue principale. C’est la forme de la toile d’araignée, avec Line au centre.

La semaine prochaine, je vous partagerai mes techniques de création : un mur, des fiches cartonnées et des punaises pour rédiger notre premier épisode !

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
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Une intrigue secondaire est un chemin qui mène à la question centrale du roman.

L’histoire de Cécile et Henry est une intrigue secondaire qui joue des coudes pour prendre sa place dans la trame principale du Projet Line.

Là, je bloque. L’histoire de Cécile et Henry est une intrigue secondaire qui joue des coudes pour prendre sa place dans la trame principale du Projet Line. Nous ne sommes qu’au début du roman alors que j’imagine déjà Cécile et ses complices fomenter un coup tordu contre ce personnage patibulaire de Likun. Si je me laisse déborder par cette intrigue passionnante, j’aurai peut-être du mal à l’imbriquer dans le premier épisode. C’est le  genre de scrupule qui aide à se poser les bonnes questions : où, quand, et comment finira donc cette intrigue ?

Les questions sont des chemins dont la destination n’est pas la réponse

route
"Le lecteur doit toujours retourner sur la route principale."
route
"Comment positionner les acteurs principaux ?"

Le roman est un maillage de routes à parcourir : où, pour où, pourquoi, et comment ?

Je vais laisser décanter cette affaire pour revenir à l’intention qui sous-tend le roman : déterminer la nature des superpouvoirs de Line. C’est, en quelque sorte, une recherche sur le pouvoir de la nature qui nous constituent. Dans un roman, le lecteur doit toujours retourner sur la route principale. C’est tout l’intérêt de la structuration du roman : comment relier les routes secondaires à l’axe central ? Et, comment s’assurer que leur parcours enrichisse l’exploration ? Cécile ne doit pas prendre la vedette, nous sommes bien d’accord, et ce n’est pas mon intention. Mais, Line n’a que deux mois, elle ne peut animer les dialogues ou poser un diagnostique. Alors, je perçois l’enjeu de ce début de roman : instiller l’idée que le « cas Line » est créé de toutes pièces par son entourage. Question : comment positionner les acteurs principaux qui façonnent notre héroïne aux premières années de sa vie ?

Ces questions sont les feux de route qui éclairent l’explorateur

La fin de mon roman apportera LA question et annoncera le début de la véritable aventure. Pour commencer, je pose l’enjeu de la création d’un individu social. Comment devenons-nous le produit de notre entourage et du système qui le conditionne ? Si je me suis engagée dans cette intrigue secondaire (voir les deux épisodes précédents), c’est pour apporter des éléments de réponse dans le registre du fantastique. Mon postulat : considérée comme une enfant perturbée, voire «  malade », Cécile a appris à réprimer ses pouvoirs. En définitive, Cécile devient ma clé d’entrée pour parler de l’origine des superpouvoirs de sa fille, Line. J’explore ainsi les questions de déviance enfantine, de normalité et de moulage éducatif. J’ai déjà écrit quelques scènes où elle est envoyée au Japon à l’adolescence. C’est là-bas qu’elle apprendra à maîtriser ses « problèmes », avec un vieil ami de son père : Shiito. Vous savez, les histoires de super-héros me fascinent. Ils abordent la question du jugement et du préjugé qui nous enferment dans des cases. Maintenant, je m’interroge encore : quelle véritable question émerge de ce parcours ?

superpouvoirs
le registre des questions souterraines : les histoires de super-héros

Comment devenons-nous un super-héros ?

C’est ça la vraie question. Un super-héros obéit à des lois, comme tout le monde (voir les 7 lois spirituelles du super-héros de Deepak Chopra) Ces lois traduisent les « déviances » traitées par les normes de la société, ce qui alimente l’absurde et réprimande la liberté de penser. À ce propos, j’aimerais vous partager la vidéo d’un personnage singulier qui parle de la mise en case : Sébastien Villalba. Il va publier un bouquin qui promet de décortiquer la mode du « pervers narcissique ». Se qualifier à travers des cases pose le postulat suivant : nous sommes sensés nous définir et répondre à des attentes. Aujourd’hui, les cases de la psychiatrie ont fini par s’imposer communément. J’opte pour en sortir.

Mais, dans le registre des questions souterraines, la véritable question demeure face aux lois : comment assumer sa propre liberté ? N’est-ce pas l’enjeu central pour tout à chacun ? Comment ? Par le jeu, bien sûr ! Nous avons aujourd’hui accès à une banque de connaissances infinie, profitons-en ! Expérimentons les techniques d’auto-détermination actuellement transmises.

Chaque question traversée dessine la réalité du parcours, et les routes se construisent à mesure qu’on les foule

mur
"ce subtil travail de construction pour atteindre un équilibre "

Parcourir le chemin de la responsabilisation

Sadguru propose actuellement une session de formation pour apprendre à utiliser notre système corps-esprit-énergie. Nous disposons d’une technologie vivante que nous pouvons apprendre à utiliser POUR nous et non CONTRE nous-mêmes. Le but étant de gagner en lucidité. Bingo ! Au moment où j’écris ces lignes, je découvre une session de formation proposée par Sadhguru et, bien sûr, je m’y inscris immédiatement. Vous pouvez en faire autant, on pourra échanger à ce propos si le cœur vous en dit. J’écoute Sahdguru sur youtube depuis un an environ, et je m’en inspire pour créer les personnages qui soutiendront ma super-héroïne dans son élévation spirituelle. Perso, j’utilise ses conseils pour mes exercices du matin et j’aimais l’écouter pour apaiser mon esprit. Il accompagne ce subtil travail de construction pour atteindre un équilibre fondé la responsabilisation consciente. Se sentir entièrement responsable de nos pensées, de nos actes, de nos relations aux autres et de notre bien-être, c’est le propre du super-héros.

Mon intrigue secondaire soumet nos jugements à l’épreuve de la normalisation

Mais revenons à Cécile. Elle sera donc mon élément clé pour dérouler le sujet passionnant de la « déviance » sociale tout au long du roman. Je rappelle que le super-héros est le réceptacle de nos jugements liés aux attributs de la normalité. Bon, ceci étant dit, une intrigue secondaire doit avoir un début et une fin, prétexte à enrichir le sujet central du roman. Le « don » ou le « pouvoir » d’un super-héros est nié par la société. Notre personnage doté de superpouvoirs doit donc transformer le « problème » en solution. Son premier réflexe est d’adhérer aux normes imposées, puis de se rendre compte que s’il apprend à utiliser son pouvoir pour enrichir les autres, il doit changer d’angle de vue. On arrive au « parcours du héros ». Un cheminement psychologique qui demande d’assumer son potentiel. S’il construit son équilibre intérieur, il accède à la responsabilité de ce potentiel qui, par cette force autonome, perd sa dangerosité pour soi et les autres.

imbrication

L’écriture d’un roman est une technique de maillage

Pour l’instant, je ne sais pas comment l’histoire de Cécile et Henry va s’imbriquer dans le premier épisode du Projet Line. Je ne sais donc pas comment elle prendra fin, ni même quelle conséquence elle aura dans la suite de l’histoire. Pour le savoir, c’est comme dans la vie : un pas devant l’autre et on réfléchit à chaque pause. Pour imbriquer les deux intrigues, deux questions s’imposent : comment évolue l’affaire et comment évolue le cas Line ? Cécile n’est pas seule. Entre la nourrice, la nounou américaine, les employés dévoués et le reste de la famille, Cécile n’est pas le pilier de l’histoire. Line, même bébé, peut guider le lecteur sans sa mère. Je retourne en arrière dans mes écrits et je m’aperçois que je prévoyais déjà la rencontre avec Henry. C’est fou de constater que le fil du récit se tisse un jour après l’autre, et que j’oublie tranquillement son existence…

Le romancier peut associer la discipline du tisserand à la liberté du créateur

grillage support de création
la grille est un support de création : limites et sorties en continuelle imbrication

La discipline quotidienne du tisseur d’histoires

L’esprit est bien fait, faisons-lui confiance. Des fois, je me dis que nous sommes des tisseurs d’aventures. Comme l’araignée, nous fabriquons des fils tellement solides et transparents qu’on peut être sûr qu’une fois tissés, ils restent en place et supportent notre construction. C’est pourquoi je crois en la constance dans l’écriture, et j’affirme qu’une séance quotidienne est le pilier fondateur de l’écriture d’un roman. Apprendre à être libre dans ses séances est tout aussi essentiel que d’en faire une discipline. Je m’explique : toutes les scènes que j’écris depuis des mois ne suivent pas la chronologie. Un jour Line a deux ans, un autre elle en a quinze ! Pourquoi ? Pour deux raisons. D’une, je cherche toujours à respecter l’impératif de liberté intuitive propre à cet exercice d’écriture quotidien. Démarrer le matin en étant libre d’écrire ce que je veux comme je veux fait partie du deal. De deux, je m’impose cette année d’écrire un plan du roman. Avec cette méthode non chronologique, je suis parvenue à une vision générale de ce plan, explorant l’univers de mon héroïne par morceaux, sautant allégrement les années selon mes envies.

plan du roman
Plan du Projet Line - ébauche d'une chronologie
mots auto-suggestion

La patience d’ange des créateurs d’univers

J’ai ainsi ébauché un plan, inventé des personnages qui ne sont pas encore arrivés pour ce premier épisode. Et, heureusement ! Car, si je publie le premier épisode à Noël, je dois être capable de le relier à l’ensemble à venir (honnêtement, je me donne deux ans pour écrire ce roman : no stress). Ainsi, j’ai tout loisir de ménager le suspense, d’introduire des éléments dont le lecteur comprendra plus tard les implications (comme c’est déjà le cas pour notre ami Henry). Maintenant, j’aimerais attaquer les recherches. C’est passionnant mais énergivore. J’ai un peu peur de m’y laisser engloutir et de m’éloigner du ronron des séances. Perspective inquiétante mais riche ! Inventer des superpouvoirs, c’est se coller aux avancées scientifiques et aux lectures ardues. Pour l’instant, j’avoue ne pas avoir trouvé le fil sur lequel tirer, et dont tout découlerait. J’ai déjà tiré des scènes intéressantes de mes précédentes tentative mais, elles restent anecdotiques. Ces recherches devront me permettre d’élaborer un système cohérent pour expliquer les pouvoirs de mes héroïnes, en rapport avec la réalité de nos propres capacités extra-sensorielles. Affaire à suivre…

Comment mes personnages se dessinent morceau par morceau

Voilà la suite du film ! Je réfléchis actuellement à la nature des superpouvoirs à inventer pour ce roman. Dans cette scène, c’est une autre surprise qui m’attend : : le personnage de Guilem dont le rôle s’étoffe.

Voilà la suite du film ! (voir l’épisode de la semaine dernière ici) En aparté, sur un autre cahier, je me souviens avoir écrit une autre scène qui décrit l’enseignement de Cécile au Japon avec Shiito. Je l’avais déjà oubliée. C’était un après-midi chez Lili, un bar du Havre nouvellement ouvert à un carrefour des vents du marché au poisson. Pas hyper confort, mais il y avait le soleil de l’été indien. Cette scène fait avancer ma réflexion sur la nature des superpouvoirs à inventer pour ce roman. Pour sûr, elle trouvera sa place dans un autre article. Ici, c’est une nouvelle surprise qui m’attend : le personnage de Guilem. Évidemment, vous ne pouvez vous en apercevoir dans cette scène mais, je suis heureuse d’avoir ouvert une nouvelle case pour ce second rôle. Chaque personnage soude le passé et le présent de l’histoire, participe à relier les uns aux autres dans la trame compliquée du « Projet Line ».

L’insertion progressive d’éléments clés du passé de Cécile : un souvenir de l’enseignement de Shiito

Maître Shiito
"Ne te défais pas de tes dons, Cécile. Apprivoise-les." Photo de StockSnap

Cécile se mit en route. Elle se laissait si rarement embarquer par ses visions qu’elle dû faire un effort surhumain pour se concentrer sur sa conduite. Cécile n’aimait pas se sentir différente. Des souvenirs de Shiito affluèrent. C’était son mentor, son ami, son sauveur. « Ne te défais pas de tes dons, Cécile. Apprivoise-les. Fais appel à eux au moment où tu en as le plus besoin. » Jusque là, c’est ce qu’elle avait fait mais, à chaque fois, elle avait l’impression d’être suspendue à la réalité. Elle se sentait tellement déphasée que le risque d’avoir un accident était, lui, bien réel. Elle en était là de ses radotages quand son téléphone sonna. C’était Winston. Soulagée, elle bifurqua à hauteur d’Arcachon et se gara sur le bas-côté pour le rappeler.

Un rapprochement nouveau entre deux personnages principaux se profile

CHUT !
"Madame, vous allez bien ?" Photo de Sam Sander Williams

— Bonjour, madame, j’ai bien eu votre message, je peux être chez Guilem dans vingt minutes.

Cécile ne répondit pas tout de suite. Elle avait une folle envie de hurler.

Madame, vous allez bien ?

Winston était un vieil homme fin et sensible, qui avait l’étonnante capacité de deviner son état intérieur. Une qualité précieuse qui l’avait souvent aidée à gérer le quotidien, jusqu’à son propre mariage.

Je suis près de Mios, sur l’A660, j’en ai pour un moment, à vrai dire.

— Voulez-vous que je vienne vous chercher ?

Cécile hésita. Un long silence parcouru le temps de sa réponse. Oui, finit-elle par dire.

— J’ai vos coordonnées GPS. Guilem m’accompagnera, nous arrivons.

— Merci, Winston.

— Je vous en prie, madame.

Mes interrogations sur la nature des superpouvoirs déteignent sur le personnage de Cécile

force
"Ils étaient tous impliqués maintenant, pour le meilleur et pour le pire." Photo de Ian Lindsay

Il ne l’avait jamais vue dans cet état, pensa-t-elle. La dernière fois qu’elle avait fait appel à ses dons, c’était il y a deux ans, et elle avait pris soin de s’éloigner de chez elle. Ni Antoine, ni Winston n’avaient pu en être témoins. Elle avait pourtant remarqué que le vieux majordome avait changé de comportement à son égard. Par déférence, s’était-elle persuadée. Son exploit n’était certes pas passé inaperçu. Aujourd’hui, elle devait bien avouer que c’était plus que ça. Winston captait sa différence et, avec Line, il n’avait plus à faire semblant. Ils étaient tous impliqués maintenant, pour le meilleur et pour le pire. Antoine lui-même ne serait plus dupe encore longtemps.

J’entre de plein pied dans le sujet du fantastique

la société fantastique
"Cécile accédait aux portes de l’acceptation" Photo Stefan Keller

Une nouvelle crise déforma son visage. Dans le rétroviseur, elle vit ses traits se transformer, lui renvoyant la figure de Likun. Même ses pupilles devinrent grises l’espace d’une seconde. C’était insupportable. À ces moments-là, Cécile se détestait, même si les leçons de Shiito avaient porté leurs fruits. Au lieu de hurler en se demandant bêtement « pourquoi ? », elle entra en elle, fouillant désespérément les racines de son être. Cécile se recroquevilla sur elle-même au point de ressembler à un fœtus ; si menu, si minuscule, qu’elle en oublia jusqu’à l’existence de son propre corps. Cécile accédait aux portes de l’acceptation, comme disait Shiito — elle parvenait au tréfonds de son être, dans un lieu inaccessible pour la plupart des mortels, un lieu où le vide prenait sens. L’existence était à contretemps et l’espace inconsistant.

Tout personnage inaccessible est abordable à travers le regard d’un autre

à travers l'autre
Sa personnalité se dessine à travers le regard de l'autre - photo Stefan Keller

Winston repéra la Corvette de Cécile sur la voie opposée. Il s’arrêta pour la rejoindre à pied, tandis que Guilem prenait la prochaine sortie pour les rejoindre. Winston traversa la quatre voies avec assurance. Arrivé à hauteur de la voiture, il cru d’abord qu’elle était vide. Cécile était aplatie sur son siège, la tête dans le vide vers le plancher. Ça lui ficha un coup. Il tapa plusieurs fois à la vitre sans provoquer de réaction.

Là, je « pause » l’histoire pour nourrir le narrateur. Et, je me demande en aparté : « qui est Guilem ? »  Comme je vous le disais en conclusion de mon article de la semaine dernière, c’est nouveau dans mes séances d’écriture. Focus structuration en marche !

J’apprends à jouer entre l’écriture au long court et la création du récit

jeu d'écriture
je compte peut-être une centaine de personnages à mettre en scène... Photo Anrita

Sachez qu’après 10 mois d’écriture, à raison d’une heure par jour en moyenne (Ce n’est pas un rythme de pro, j’en conviens, mais c’est le mien pour l’instant. Disons que le déclic se fera au moment où il se fera.), je compte peut-être une centaine de personnages à mettre en scène. Une bonne vingtaine mènent la danse. Guilem est le gardien d’Iturria, la maison de Saint Jean de Luz. Un homme placide et discret qui saura donner des conseils avisés à Line au cours de sa vie. Il habite chez sa mère mais vit la plupart du temps dans le pigeonnier d’Iturria qu’il a aménagé pour s’adonner à sa passion : la création de modèles réduits en bois.

L’écriture au long court donne l’occasion d’identifier ses personnages morceau par morceau

une personnalité
". Je lui invente des femmes… Non, une seule, qu’il voit par intermittence." Photo Richard Reid

Donc, qui est Guilem ? Résumé de notes : je parle de son père, des valeurs transmises, de ses études de théologie. Je lui invente des femmes… Non, une seule, qu’il voit par intermittence. Une femme qui voyage beaucoup pour des missions d’évangélisation. Encore une qui pourrait avoir un rôle dans le roman. Guilem la rejoint parfois à l’étranger. Je comprends soudain qu’il est très lié à Winston et qu’il y a une cave aménagée chez sa mère, un QG pour lui et Winston, les hommes de l’ombre. C’est une longue histoire de famille… Cécile a eu l’occasion d’utiliser ses services. Du coup, l’homme qu’elle a chargé Frankie de retrouver connait ce lieu pour l’avoir utilisé en 2004. Nous sommes en 2008.

L’histoire se trace au gré des rencontres

magie des rencontres
"Un roman est une incursion dans un univers qui se dévoile" - photo Stefan Keller

Je vous épargne le reste de mes notes. Vous remarquerez que je ne connais pas encore la mère de Guilem mais, je ne vais pas manquer de la découvrir dès qu’on atterrira chez elle. Et je vais donc aussi rencontrer ce fameux agent chargé d’aider Cécile dans cette affaire, celui sensé l’avoir soutenue en 2004. Quand je vous dis qu’un roman est une incursion dans un univers qui se dévoile, comme s’il existait déjà avant l’arrivée de son auteur, vous comprenez que je ne vous mène pas en bateau. Quoique…

J’ai tout pouvoir sur la façon dont leurs relations s’intensifient

relations de confiance
la confiance se construit de manière invisible- Photo Gerd Altmann

Quand Guilem rejoignit Winston, rien n’avait bougé. Ils se regardèrent en silence, se demandant ce qui avait bien pu se passer. Finalement, Cécile se releva au ralenti. Les cheveux en vrac et l’air complètement déjanté, elle avisa ses compagnons d’infortune avant de déverrouiller l’habitacle. Ni Winston, ni Guilem n’osèrent bouger le petit doigt. Cécile se frictionna le visage des deux mains — son maquillage s’étala un peu plus autour de ses yeux — et refit sa queue de cheval. Elle sortit enfin, pieds nus, pour se planter en face des deux hommes éberlués.

— Désolée, messieurs, vous ne me voyez pas sous mon meilleur jour. Vous savez ce qu’on dit : nos faiblesses sont à la hauteur de nos forces.

Guilem ôta sa veste et la déposer avec précaution sur les épaules de Cécile.

— Je prends votre voiture, dit-il en s’installant au volant.

— Rejoins-nous chez toi, lança Winston. Madame, vous pouvez marcher ?

Cécile ne pipa mot. Elle avança vers la Mercedes garée à quelques mètres de là et se glissa sur la banquette arrière. Elle avait besoin de s’allonger. Winston démarra sans demander son reste et roula en silence pendant l’heure de trajet qui les séparait de leur destination.

Un cadre, une image, une âme pour chaque lieu de vie du roman

âme des lieux
"Je tombe sur cette grande maison près du lac Mouriscot, à Biarritz." - l'âme des lieux

Je m’arrête là pour aujourd’hui. J’ai fureté sur Google Map et sur les sites de vente immobilière pour trouver la maison de Guilem. Des éléments de son histoire me sont progressivement apparus, jusqu’à ce que je tombe sur cette grande maison près du lac Mouriscot, à Biarritz. Elle a été construite par William Marcel en 1929. Gageons que cet architecte a bien connu le père d’Antoine. Le plus drôle, c’est que je ne sais encore rien de ce dernier. Je n’ai même pas la certitude qu’il soit mort. Je sais qu’il était un homme d’affaire féroce et je que cette maison a joué un rôle dans sa vie. Rien n’est encore inscrit dans le marbre, cette maison aura une âme, c’est mieux pour un décor d’action mais cela n’ira peut-être pas plus loin. Et, c’est déjà bien d’avoir un cadre visuel pour ma prochaine scène. Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine. D’ici là, amusez-vous bien.

Comment évolue l’écriture de mon roman ?

Quoi qu’il se passe dans ma vie, je me réveille le matin avec un objectif en tête : ma séance d’écriture. J’ai commencé mon roman il y a de cela dix mois. Son titre, peut-être provisoire, est : « Le Projet Line ».

Le rôle phare de mes séances d’écriture

Le personnage fort du roman
"Elle avait tiré ses longs cheveux noirs en queue de cheval. Simple, mais dure et inaccessible."

Quoi qu’il se passe dans ma vie, je me réveille le matin avec un objectif en tête : ma séance d’écriture. Évidemment, je peux passer une semaine sans… En fait, même pas. J’ai toujours un cahier dans mon sac et, au réveil, il accompagne le café, toujours. J’ai commencé mon roman il y a de cela dix mois. Son titre, peut-être provisoire, est : « Le Projet Line ». J’ai déjà entamé le cinquième cahier. Celui-ci est beaucoup plus gros que les précédents, car plus le temps passe et plus je conçois mon roman comme l’univers foisonnant de la réalité.

La vie de Line d’Haranguier, mon héroïne, est reliée à ses parents (puis, comme c’est un récit fantastique, au plus loin de ses origines inconnues), au milieu socioprofessionnel de la haute bourgeoisie, au monde industriel, au réseau de relations étrangères, à la politique française de ces quinze dernières années, à des recherches sociologiques et scientifiques, à l’éducation et à l’enfance. Ça fait beaucoup d’approches passionnantes, toujours reliées à mes séances d’écriture où évoluent des personnages dont l’individualité se dévoile progressivement sous mes yeux (ou sous ma plume selon le point de vue).

Les séances d’écriture sont le miroir de mes intentions

restaurant à Bordeaux
"Cécile entra au Mélodie. Les lumières plaquées en vagues sur les panneaux de bois n’avaient pas de prise à travers ses lunettes de soleil."

Certes, j’ai une intention de départ. Line est au centre de celle-ci : cette enfant a des pouvoirs extra-sensoriels, et elle devra percer le secret de ses origines pour s’accomplir. Le roman doit brosser le tableau de ses premières années de vie jusqu’à ses seize ans, là où tout commencera. J’ai très vite compris que mon intention était de montrer comment une jeune fille parvient à s’élever spirituellement pour embrasser son destin. Comment elle parvient à maîtriser son pouvoir, à l’assumer, à accepter l’adversité comme le seul moyen de s’accepter elle-même. Mais, en chemin, je m’aperçois que le plus important est de comprendre d’où l’on vient. Ce travail nécessite de découvrir qui est sa mère, qui est son père et tous les personnages qui gravitent autour d’eux. Toute cette logique sociale donne sens à un seul individu : le centre de la toile. Nous sommes le centre de la vie, et c’est peut-être ce qu’il y a à retenir de tout ça. Nous aurons le temps d’y revenir, croyez-moi. Aujourd’hui, j’aimerais vous partager une scène qui concerne la mère de Line. Cécile d’Haranguier a de plus en plus d’importance pour moi. Elle devient la clé de voûte de la personnalité du roman. Et, plus je la mets en scène, plus elle devient forte.

Une scène révélatrice de mon processus d’écriture

portrait
"Simple, mais dure et inaccessible."

Nous sommes encore au début de l’aventure. Cécile d’Haranguier s’est retranchée dans le fief familial, celui de la belle famille, en fait, à Saint Jean de Luz. Henry, un personnage qui prendra une extrême importance au cours de l’histoire, est un ami intime de Cécile. Un ami de jeunesse qui lui a causé par le passé pas mal de soucis. Là, il revient à la charge en lui déposant un lourd fardeau. Cette scène a une introduction, une entrée en matière qui n’avait pas de but préconçu. J’écris d’un jour à l’autre sans toujours savoir de quoi le lendemain sera fait. Je peux même dire qu’une scène fait la suivante. J’ai donc préalablement mis en scène Cécile d’Haranguier au saut du lit, quelques semaines après son installation à Saint Jean de Luz. C’est à travers le regard de Victoire, la cuisinière, qu’on comprend que Cécile n’a pas pour habitude de ne rien faire, et que l’ennui commence à la gagner. Elle touche à peine à son petit déjeuner lorsqu’elle avise un message d’Henry…

« …un de ses plus proches collaborateurs et amis. Il lui proposait un rendez-vous sur Bordeaux le jour même pour, disait-il, lui proposer une affaire exceptionnelle. Cécile connaissait Henry depuis la fac. Ils avaient eu une relation très fusionnelle à une période de leur vie. Passionnés d’art, ils avaient sillonné l’Europe à la recherche d’œuvres perdues, notamment celles volées par les nazis pendant la guerre, représentant des milliers de wagons remplis du patrimoine français. Ils avaient été inséparables jusqu’à ce qu’Antoine débarquât dans sa vie. Henry s’était senti trahi sans rien en laisser paraître. Au lieu de partir de son côté, il s’était accroché. Cécile avait trouvé ça malsain, mais elle pensait que sa passion pour l’art avait eu raison de sa frustration.

Cécile entra au Mélodie. Les lumières plaquées en vagues sur les panneaux de bois n’avaient pas de prise à travers ses lunettes de soleil. Elle avait tiré ses longs cheveux noirs en queue de cheval. Simple, mais dure et inaccessible. Ses talons hauts claquaient sur le dallage, attirant l’attention des hommes comme des femmes. Un bustier bleu clair aux broderies argentées qu’elle avait acheté au Japon, se prolongeait d’une jupe droite suffisamment courte pour ne pas paraitre trop stricte ; elle était d’un jaune si pâle qu’elle rappelait l’argenté des hérons du nuido. Henry était attablé au fond du restaurant. Il était seul, mais trois couverts étaient dressés. Il l’avait vue. Son émotion était palpable, ce qui inspira un sentiment de mépris dans le cœur de Cécile. Elle s’en voulut. Alors qu’elle était arrivée à sa hauteur, il finit par fermer la bouche avant de se lever, comme réveillé par son parfum. Ils restèrent face à face. Lui, souriant à moitié. Elle, retirant lentement ses lunettes pour mieux le dévisager. Henry lui indiqua un siège, celui situé en face, laissant la place du tiers entre eux.

— Tu attends quelqu’un ?

— Oui, je suis heureux que tu sois à l’heure. J’ai à te parler du projet avant qu’il n’arrive.

— Je suis toujours à l’heure. De qui s’agit-il ?

— Ah ! L’homme avant le projet, je te reconnais bien là ! D’abord, merci d’avoir accepté mon invitation, Cécile. T’as pas changé, toujours aussi resplendissante. Je vais te présenter le directeur de Solaris, une boîte de Bordeaux qui fait dans le fret. Il travaille avec un courtier d’art de la côte ouest et cherche un intermédiaire pour l’acheminement d’une commande.

— Et, tu ne lui suffis pas ?

— C’est un énorme contrat et je suis toujours à Paris.

— Mais encore ?

— Tu le sais bien, Cécile. C’est trop gros pour moi. J’ai pas le réseau pour ça…

— Et pas vraiment le choix j’ai l’impression.

— J’ai dû te recommander pour… Écoute, Cécile, j’ai un peu merdé dans ma dernière transaction. Ils ont plus confiance en moi. T’es la seule à pouvoir m’aider sur ce coup là.

— Il est où le marché ?

— Dubaï, Djibouti, Alexandrie…

— Je vois, et ensuite ?

— Tu t’arrêterais là.

— Israël, Moscou ?

— C’est pas le deal.

— Toi non plus tu n’as pas changé. Toujours attiré par les embrouilles. Et, quand le vent tourne, tu penses à moi pour me refiler la patate chaude…

— Non, t’y es pas du tout. Ils cherchent un agent de contrôle sur la côte, pas un négociateur. Tu serais en relation avec l’Orient mais tu n’as pas à assurer la réception. Juste à vérifier la cargaison à l’embarquement.

— Et, en cas de problème, sur qui ça retombe ?

— Justement, il est là, dit Henry en faisant un signe.

Cécile remit ses lunettes et ne se retourna pas. Ce n’était pas la première fois qu’Henry la bernait. Elle s’était plus d’une fois laissée allée dans ce mécanisme houleux. Sûrement par complaisance. Qu’est-ce qui l’avait si souvent poussée à accepter les initiatives risquées d’Henry ? Un certain attrait pour ses fantaisies. Cécile devait bien avouer qu’elle aimait l’aspect récréatif de ses manigances. Elle se trouvait toutes sortes d’excuses… par intérêt ethnologique, somme toute.

Un homme imposant se tenait à sa droite. Il avait le visage hâlé des hommes du sud, rasé de prêt, un sourire amusé sur des lèvres fines, et les yeux brillants, d’un gris clair intense. Vision troublante, éveillant un sentiment inattendu que Cécile dissimula avec plaisir derrière ses lunettes fumées. Il avait un charme surfait, mais ça fonctionnait plutôt bien.

— Cécile, je te présente Émile d’Auvilliers. Émile, Cécile d’Haranguier.

Cécile retira son pare-feu avec une lenteur calculée avant de le regarder droit dans les yeux. Il n’avait pas tendu la main.

— Enchanté, madame. Henry affirme que vous êtes l’homme de la situation, susurra -t-il sans se départir de son sourire.

— J’espère que vous avez pris vos renseignements. En revanche, Henry a fait en sorte que je ne puisse en faire autant. Je vous conseille donc de rester discret à propos de vos affaires. J’espère que vous goûtez aux privilèges de la prudence, Monsieur d’Auvilliers ?

Émile d’Auvilliers paru soudain intéressé, jeta un œil sur Henry qui se doutait déjà que Cécile mènerait l’entretien ; il fit comprendre en se rasseyant qu’il préférait passer la main. Émile tira alors la chaise qui lui était destinée et se tourna résolument vers Cécile.

— Je vous remercie d’être venue, je suis le directeur de l’ADESCOR, une compagnie de fret bordelaise. Nous négocions un contrat avec une société allemande spécialisée dans le transport d’œuvres d’art. Je ne vous cache pas que notre angle de tir est faible. J’ai demandé à Henry s’il connaissait quelqu’un capable de contrôler la cargaison avant le chargement. Vous me direz qu’on peut faire appel aux douanes mais, ils ne sont pas toujours disponibles et, nous avons surtout besoin de tester la fiabilité de notre nouveau partenaire. ADESCOR n’a jamais emballé ce genre de produit. Nous avons absolument besoin d’un expert qui confirme que la liste d’embarquement correspond à ce qu’on va mettre dans le cargo. Vous comprenez ?

— Il y a toujours un délai entre le contrôle et l’embarquement, je me trompe ?

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Que l’agent de validation n’est pas responsable de ce qui est fixé dans la carlingue.

— Je vois où vous voulez en venir. C’est un risque pour ADESCOR, et c’est pourquoi nous travaillons avec une boîte de sécurité au top.

— Je sais parfaitement comment ça fonctionne, Monsieur d’Auvilliers. Le risque, comme vous dites, n’est jamais nul.

— Bordeaux n’est pas le Havre. Vous étiez dans l’affaire des Degas en 2004, n’est-ce pas ?

— Vous avez de bons enquêteurs, je suis flattée de l’intérêt que vous portez à ma carrière. Vous devez donc savoir que je suis retirée des affaires ?

— J’aime analyser les faits, madame d’Haranguier. La maison Delvoye d’Haranguier est toujours debout, et vous êtes retranchée sur la côte ouest. C’est tout ce que je retiens. J’attends plutôt de savoir si vous avez la force de vous confronter à la Deutch Volang Kunst.

— Et, moi, je suis curieuse de connaître vos conclusions sur le scandale des Degas en 2004.

Henry se tortilla sur sa chaise. Il était loin d’avoir prévu que la conversation déterrerait cette affaire qui avait faillit coûter cher à Cécile et à son père. À cause de lui. Malgré ça, Cécile avait passé l’éponge et assumé toute la responsabilité face à l’accusation. Émile toisa Henry avant de revenir sur Cécile.

— Vous savez gérer les situations critiques, c’est indéniable. Un des Degas n’était pas enregistré. Vous risquiez un procès pour contrebande…

— Et pour vol de propriété d’État.

— Exact, et pourtant vous avez réussi à retourner l’accusation en votre faveur, évitant un faillite programmée et quelques années de prison. Obtenir des remerciements officiels pour avoir sauvé une œuvre volée par les nazis était un coup de maître.

— Savez-vous au moins comment je m’y suis prise ?

— J’avoue avoir pris un malin plaisir à suivre votre stratégie. Mettre la Deutch Volang Kunst sur la sellette demande un réseau puissant et, si je puis me permettre, de sacrées couilles.

Cécile réfléchit une seconde.

— Vous pensez qu’en me retirant des affaires je perds mon influence. Vous piégez Henry et vous me coincez par la même occasion. Vous êtes un esprit logique, Monsieur d’Auvilliers, contrairement à votre patron qui a un coup d’avance sur vous, je suppose. Il doit sûrement mesurer les implications de ce que vous vous apprêtez à faire. Je ne sais pas qui vous êtes mais, croyez-moi, la partie est loin d’être gagnée.

— Oh, je suis un esprit rationnel, effectivement. Et je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez. Voyez-vous, j’ai un contrat à honorer qui requière vos compétences. C’est aussi simple que cela Madame d’Haranguier. Je vous veux dans mon équipe. Et si quelqu’un a les moyens de vous convaincre, je n’y vois aucun inconvénient. Mon problème est le suivant : la DVK fait partie du marché et, si je peux obtenir votre expertise…

— Monsieur d’Auvilliers, ne me prenez pas pour une de vos futures employées, l’interrompit-elle. Vous ne m’aurez pas. Je suis venue parce qu’Henry a toujours été mon point faible. C’est mon petit grain de sable que vous n’auriez pas les moyens de me souffler dans l’engrenage. Je ne sais pas qui est derrière tout ça mais, j’ai des préoccupations bien plus personnelles à gérer actuellement, et qui dépassent de très loin l’affection que je porte à Henry. Je vous conseille donc de cracher le morceau ou ne revenez jamais me menacer.

Émile d’Auvilliers sembla méditer, hésiter peut-être. Cécile  avait compris qu’il avait un joker dans sa poche. Elle dévia son regard sur Henry qui ne put le soutenir. Qu’est-ce qu’il a encore fait, ce con ?

— Je travaille effectivement pour un homme puissant, qui aime l’art. Connaissez-vous Ahmad Likun, Madame d’Haranguier ?

— De réputation…

— Henry a fait preuve d’une grande imprudence. Il y a quelques mois, il était chargé d’obtenir un tableau de maître pour Monsieur Likun. Malheureusement, il pensait pouvoir se servir sur la transaction au-delà de ce qui était convenu. Monsieur Likun n’aime pas qu’on se serve de son nom à son insu. C’est un homme qui cultive l’exactitude. Un homme droit et précis qui inspire le respect. Il ne fait de cadeaux que s’il le désire. Personne ne force la main de Monsieur Likun. Notre cher Henry est intrépide. C’est une qualité, soit dit en passant. Mais, il a mis Monsieur Likun en colère, et c’est surement la pire chose qu’il ait fait de sa vie.

Cécile connaissait l’épouvantable renommée de cet homme. Il appartenait à un milieu qu’elle n’aurait jamais approché sans garanties en béton. Henry était une tête brûlée qui pensait toujours pouvoir s’en sortir, dieu sait pourquoi. Être dans le collimateur de Likun ne signifiait qu’une chose pour Henry : la mort. Cécile déglutit alors qu’Émile d’Auvilliers éprouvait une réelle satisfaction à la voir blêmir. Elle avait enfin saisit qu’il connaissait les règles de l’amour et de la guerre. Maintenant, c’était à lui de jouer.

— Monsieur Likun vous estime beaucoup, Madame d’Haranguier. Lorsqu’Henry a piaillé votre nom comme son dernier recours, Monsieur Likun consentit à lui accorder un sursis le temps de cette rencontre ; un dernier vœu, en quelque sorte. Henry semble croire que vous seriez capable de régler ce léger différent.

Cécile bouillait. Elle ne pouvait détacher son regard d’Henry dont l’accablement frisait l’état de prostration du condamné à mort.

— Combien ?

— Combien quoi ?

— Combien de temps ?

— c’est difficile à dire. Combien de temps peut coûter la vie de votre ami ?

— Vous avez perdu votre finesse d’esprit, Monsieur d’Auvilliers. Dommage, je commençais à vous apprécier. Dites à Monsieur Likun que s’il veut négocier mes services, ce sera en échange d’une expiation complète et sans condition. Qu’il prenne directement contact avec moi (Cécile se leva et remit ses lunettes fumées). Je ne veux plus vous revoir, c’est ma toute première condition. Sur ces mots, Cécile partit sans se retourner.

Au sortir du « Mélodie », Cécile tremblait. L’amertume, la colère et la peur provoquaient un tel état de fébrilité qu’elle s’éloigna rapidement. Elle chaloupait sur ses maigres talons mais, son cerveau en ébullition recensait le nombre d’options qu’elle avait à sa disposition. Arrivée à sa voiture, elle composa le numéro de son ancien chef de sécurité.

— Frankie, tu te souviens de 2004 ?

— Bien sûr.

— J’ai un remake dans les pattes. Ça urge, soit très discret. J’ai un nom : Ahmad Likun. Bordeaux, Dubaï, Djibouti. Aucun contact avant mon prochain appel. Et, trouve-moi qui tu sais. Où qu’il soit.

— Je préviens ton père ?

— Non, personne à part lui. Et, fais vite.

— Tu veux pas que je descende ?

— Surtout pas. Je veux une discrétion absolue. La tête d’Henry est mise à prix et c’est moi son joker.

— Putain de merde, Cécile, laisse-le crever.

— On réglera ça plus tard. Pour l’heure, fais ce que je te dis et, surtout, trouve notre homme.

— Je m’y mets tout de suite.

— Frankie ! Sans lui, nous perdons. Personne ne doit savoir, c’est bien compris ?

— C’est comme si c’était fait boss. Tu peux compter sur moi.

— Je sais.

Cécile resta un long moment à regarder les quais de la Garonne. Les mains posées sur le volant, elle pensait à sa position. Quitter la maison Delvoye, lâcher ses clients et partenaires avait un prix. Le retour de bâton était aussi violent et rapide qu’un boomerang. Maintenant, face à tout ça, elle était seule. Merde, merde et merde ! finit-elle par hurler en assommant le volant. Deux mois qu’elle a abdiqué et la voilà obligée de reprendre la main. Non, mais je rêve ! Elle fit l’inventaire de tout ce qu’elle savait de cette vermine de Likun. Elle devait déjà être surveillée. Machinalement, elle observa les alentours. Entre panique et colère, elle pensa à Line, à Iturria, leur maison de Saint Jean de Luz, à Winston… comment gérer le problème ? Le problème ? Mais, il était loin, le problème.

Cécile fut submergée par des images d’Afrique, de Djibouti, de Portland, elle avait un goût de souffre dans la bouche, et des cliquetis d’armes percutaient ses neurones comme autant d’avertissements. La partie se jouait en plein territoire africain. Cécile sortit de la voiture, s’approcha du quai et retira ses chaussures. Respirant calmement, elle se sentit portée loin de Bordeaux, loin du fleuve, loin de France. L’image d’un visage cramoisi, mangé par une barbe hirsute, au regard dur, sauvage, fou, s’imposa. C’était Likun. Elle avait parfois des flashs puissants, imposants et réalistes qui ne la trompaient jamais. C’était lui qu’elle devait affronter, elle le savait. Au-delà de l’image, des impressions fortes et spécifiques la mettaient sur la voie. Cécile accusa le coup et se laissa imprégner par les images, traverser par les odeurs, envahir par les sons. Debout face à la Garonne, Cécile s’abandonnait, bercée par le mouvement de l’eau, les bras le long du corps, aussi rigide et souple que le roseau. Respirant à peine, elle se laissait porter par le courant de ses sensations. Likun n’était pas en France mais en Somalie, à Puntland pour être précis, en prise avec des problèmes bien plus graves qu’une cargaison d’art. Elle avait donc une longueur d’avance sur lui. Mais, à proximité, une femme l’épiait, Cécile pouvait la sentir, elle pouvait la voir. À quelques dizaines de mètres de Cécile, elle l’observait aux jumelles depuis sa voiture — une africaine, une combattante, une tueuse. D’Auvilliers la rejoignait, accompagné d’Henry. Combien étaient-ils vraiment ? Peu, très peu pour l’instant. Elle était sur son terrain et devait prendre l’avantage, monter un coup. C’était maintenant. Cécile reprit ses esprits plus apaisée que jamais. Elle retourna à sa corvette et appela Winston. Il ne décrocha pas. Elle laissa un message laconique stipulant de la rejoindre chez Guillem. »

Dix mois d’écriture avant d’entrer dans le vif du sujet

quais de la Garonne
"Elle avait parfois des flashs puissants, imposants et réalistes qui ne la trompaient jamais. C’était lui qu’elle devait affronter, elle le savait."

Plus j’avance dans mon roman, et plus je m’aperçois que je ne connais pas mon héroïne, Line, la fille de Cécile. C’est normal, au fond, puisque j’ai le projet d’écrire un premier roman sur son enfance. Je rêve de créer une héroïne que les lecteurs auront appris à connaître, et d’enchaîner sous forme de BD sur sa vie d’adulte, la vie d’une super-héroïne. Donc, s’attacher à Cécile, la mère, percer le secret de ses origines, c’est bien ma première mission. Et, parallèlement, je forge la personnalité de sa fille, Line d’Haranguier. Line est une future héroïne ! La scène que je vous ai partagée est importante pour moi. Elle assoie la puissance de la mère et définit son rôle majeur pour l’histoire, pour moi, et pour le lecteur. C’est la cloche du départ, le signe que je démarre vraiment le récit. Après dix mois d’écriture, je savoure le moment. Je peux enfin entrer dans le vif du sujet : la nature des superpouvoirs de mes personnages.

L’écriture de l’histoire bascule vers l’écriture du récit

visions
"Respirant calmement, elle se sentit portée loin de Bordeaux, loin du fleuve, loin de France. L’image d’un visage cramoisi, mangé par une barbe hirsute, au regard dur, sauvage, fou, s’imposa. C’était Likun."

J’ai aussi voulu vous partager cette scène car c’est là que j’ai compris que j’arrivais à un tournant. À ma façon d’aborder mes séances d’écriture. En effet, quand j’ai improvisé l’arrivée d’Émile d’Auvilliers (mes séances sont uniquement dédiées à l’improvisation), j’ai fait un encart, comme j’ai écrit en marge :  « qu’est-ce qu’il a en tête ? ». Mes séances d’écriture intègrent désormais deux dimensions. J’ai écrit tout ce qui s’était passé et que Cécile ignore. Au lieu de rester plongée dans le rôle du narrateur, j’ai pris de la hauteur et basculé dans le rôle… de l’auteur. De l’histoire, je suis passée au récit. Logique, me direz-vous. Croyez-le ou non, l’exercice n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Personnellement, pour en arriver là, j’ai dû instaurer une habitude, l’ancrer à ma vie, en introduisant un espace-temps immuable et sacré, dédié au « rôle de l’écrivain » pour guider mon inconscient. Aujourd’hui, ce rôle m’habite suffisamment pour élargir l’espace sacré. Je n’ai plus besoin de démarquer les rôles.

Comment écrire un roman sans perdre l’attention du lecteur

Comment écrire un bon, un excellent roman ? C’est la question qui m’obsède et à laquelle je réponds en écrivant « Le Projet Line ». Décortiquer en live ma méthode d’écriture. Voilà ce que je nous offre !

Comment attribuer un sens à son roman et toucher le lecteur

garder un secret est une torture
"La sœur n’a pu échapper à la pression et ne s’en est pas sortie. Dans le roman de Line, le lecteur doit vivre cette pression exercée sur notre héroïne."- La torture du secret : photo de Comfreak

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
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Comment mon roman vogue entre l’écriture des scènes et la construction d’un suspense

"Je peux me raccrocher à la question centrale : à quoi sont destinés les superpouvoirs de Line ?" - Photo de Comfreak

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
unique !

Après l’article sur le suspense et les textes que nous avons échangés ensemble, j’écrivais une scène, ce matin, où Line se retrouve seule dans le jardin de l’école avec sa professeur de biologie. Line vient d’arriver dans son nouveau pensionnat. Ses parents l’y ont déposée le matin même pour sa toute première semaine. En attendant l’arrivée des autres enfants, elle se trouve avec Estelle Frausier, docteur en biologie cellulaire, passionnée de botanique et reconvertie en institutrice dans une école privée de Bordeaux. Bien évidemment, cette école n’est pas commune. Rien de spécial pour des enfants spéciaux, non. C’est une école que seuls les plus riches peuvent se payer avec les meilleurs professeurs. Quand l’argent est disponible, tout est possible, non ? Alors voilà, Line devine la pensée d’Estelle frausier et, naturellement, y répond. Estelle est surprise de la coïncidence, mais elle ne se dit pas, au premier abord, que Line lit dans les pensées. Non, bien sûr que non. D’ailleurs, si vous y pensez, il en faudrait beaucoup pour que quelqu’un se dise qu’untel sait lire dans les pensées ou a des superpouvoirs. Je me demande soudain s’il est judicieux de commencer ce roman en révélant au lecteur que Line a des pouvoirs extrasensoriels. Cependant,  remettre en question tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent serait bien embêtant, vous en conviendrez.  Yves Lavandier dit qu’un bon écrivain en est capable. Il appelle ça « l’épreuve de la poubelle ». Je préfère me dire que je divague. De plus, je peux me raccrocher à la question centrale que j’ai identifiée précédemment dans mon article sur le suspense : à quoi sont destinés les superpouvoirs de Line ?

Comment j’explore les questions qui se rattacheront au point de vue défendu dans mon roman

mécanismes mentaux
"La sœur de Joe devint mentalement déséquilibrée" - Mécanismes mentaux Photo de Comfreak

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
unique !

Je me suis abonnée à INRESS TV. Des tas de vidéos sous forme d’entretiens et d’émissions y sont accessibles sur les sujets qui nous intéressent pour le roman. Joe Mc Moneagle, médium ayant travaillé pour les services secrets américains, parle de son parcours. Lui et sa sœur jumelle avaient des dons de voyance et, rapidement, leurs parents ont exigé d’eux qu’ils n’en parlent surtout à personne. Joe raconte que sa sœur n’était malheureusement pas à l’aise avec ça. Elle était apparemment incapable de garder « ça » pour elle. Probablement obsédée par l’obligation de cacher sa clairvoyance, elle éprouvait le besoin de confier ses visions et, face à la question du tabou et à l’incompréhension de la société, voire à l’hostilité de son entourage qui aurait préféré ne rien savoir, sa frustration a dû se retourner contre elle. Obligée de consulter un psychiatre, elle fut rapidement mise sous prescription médicale. Joe croit qu’elle fut victime de déséquilibres mentaux à la suite de cette prise en charge

Dans l’émission, il ne donne pas plus de détails sur son enfance. C’est dommage, mais ça me donne matière à réflexion. J’ai déjà envisagé l’enfance de ma super-héroïne sous la pression de cette réalité. Dans une société rationaliste, je pense qu’une tendance à la schizophrénie menace toute personne sensible ayant un don développé de clairvoyance (vision à distance et médiumnité). 

La sœur de Joe devint mentalement déséquilibrée. Lui s’en est plutôt bien sorti. L’armée a fait appel à un gaillard solide. L’idée que, dans cette situation, la femme ne se retrouve pas sur un pied d’égalité avec l’homme me traverse l’esprit.

Comment je mesure ces questions selon la tension émotionnelle qu’elles génèrent

Les parents auraient-ils évalué le problème différemment pour le fils et la fille ? Différencié leur éducation chez l’un et l’autre, même inconsciemment ? Le garçon bénéficie souvent de plus de latitude, l’inquiétude parentale étant souvent moins exacerbée que pour une fille. Il est donc possible que la pression fut plus forte sur la sœur. Plus sensible à cette position, manifestant peut-être aussi plus d’empathie, la sœur se retrouve dans un cercle vicieux, exacerbant l’anxiété de ses parents. L’empathie n’est pas forcément une attitude positive envers l’autre, genre bisounours. Je pense au contraire que quelqu’un capable de s’identifier aux souffrances d’autrui se trouve dans une situation délicate à gérer. Certes, la relation parent-enfant est très particulière. Mais, généralement, la plupart d’entre-nous cherchons à éviter de s’approprier les problèmes des autres, de les faire nôtres, n’est-ce pas ? S’en détacher permet de mieux les canaliser. Dans une attitude excessive, l’empathique peut non seulement souffrir face à la souffrance d’autrui mais, de surcroît, penser que le problème de l’autre est le sien. La confusion mentale n’est pas loin. 

Donc, voilà où se loge ma question n°1 pour le scénario du roman : Line va-t-elle en parler ? Depuis qu’elle est petite, Winston, le majordome, lui a appris à mesurer l’étendue de son secret. Line est sensée être plus intelligente que la moyenne de ses contemporains parce qu’elle intègre les informations avec un feedback de son mentor qui, naturellement, lui apprend à utiliser ses connaissances acquises grâce à ses dons. Entendre son père et Winston penser à la gestion des usines doit bien lui être utile. Elle apprend plus vite et plus en profondeur. Le soutien de Winston lui a donc donné une grande longueur d’avance.

Comment se poser les bonnes questions pour maintenir le lecteur en éveil

Maintenez votre lecteur en éveil par la magie de l'écriture
"Va-t-elle se trahir ? Si oui, va-t-elle se sortir du piège qu’elle aura tissé ?" La sorcière, photo de Comfreak


Line n'est pas seule...

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Les questions qui tiennent le lecteur en haleine doivent être reliées au sens profond de l’histoire

"Peut-être ne savons-nous pas tisser les fils correctement." La Toile de Ilona

Malgré tout, en débarquant à l’école, la multiplicité des interactions va forcément compliquer ce travail d’intégration et peut-être même la déséquilibrer. Va-t-elle savoir gérer ? La question n°2 suit la première : le lecteur doit-il savoir que Line a des pouvoirs ? Je ne peux pas faire autrement. L’intérêt du travail effectué n’aurait plus du tout le même sens. J’imaginais le lecteur aussi ignorant qu’Estelle, surpris par cette petite qui semble lire dans les pensées… Mais, le lecteur ne peut ignorer que Line a des pouvoirs. Je devrais réécrire tout le scénario. Vous me direz : ton scénario n’est pas encore écrit. Bah, si, quand même un peu. Il y a la scène du bac à sable qui réactive les cellules dormantes de l’ennemi. Il surveille  Cécile, la mère de Line, depuis son adoption il y a trente ans. Non, même si le lecteur connaît l’existence des pouvoirs de Line, il ne sait pas à quoi ils sont destinés. Moi non plus, d’ailleurs, pas encore. Et, la question est : va-t-elle se trahir ? Si oui, va-t-elle se sortir du piège qu’elle aura tissé ?

"J’imagine la sœur de Joe, prisonnière d’une toile d’araignée qu’elle a elle-même tissée" - photo de Cari R.

C’est un peu comme ça que j’imagine la sœur de Joe, prisonnière d’une toile d’araignée qu’elle a elle-même tissée. C’est peut-être les autres qui l’emprisonnent en l’encourageant, par ignorance, à s’entortiller dans ses fils. Il est possible que nous soyons tous des tisseurs sans le savoir, que l’existence de la toile nous échappe, et que l’ignorance nous aveugle et nous emprisonne. Ou peut-être ne savons-nous pas tisser les fils correctement. Joe et sa sœur les voient, eux. Mais, tandis que l’un apprend à les tisser, l’autre n’en a pas eu le temps.

Comme les fils invisibles de la toile, les questions de l’auteur tissent la trame de son roman

le centre de la toile
"Nous sommes, en quelque sorte, le centre d’une toile d’araignée qui nous relie aux autres" Photo de Johannes Plenio

Tiens, ça me fait penser au personnage de la tisseuse écrit par Déborah Harkness dans « Le Nœud de la sorcière » (voir mon article à ce sujet). Ce livre parle aussi du besoin vital de maîtriser l’art de tisser. Chez les sorcières, le tissage énergétique est un don. Il y a aussi l’histoire des fils invisibles de Castaneda, qui partent du nombril et nous relient au monde. Nous sommes, en quelque sorte, le centre d’une toile d’araignée qui nous relie aux autres. Lorsqu’ils bougent sur nos fils, nous sentons les vibrations émises, comme celles que provoque la mouche piégée dans la toile. Une toile multifonctionnelle : moyen de communication, organe de défense et arme d’attaque se confondent. 

histoire de super-héros
"Les questions sont invisibles mais bien présentes" Spiderman, par Dušan Naumovski

Dans une histoire de super-héros comme celle de Line ou de Spiderman, les questions sont invisibles mais bien présentes. Alors, Line va-t-elle s’engluer dans son propre piège ? Ses parents vont-ils pouvoir l’aider ? Quel plan Andy Shartz (le méchant) va-t-il fomenter ? Il pourrait l’aider à tisser la toile pour mieux la maintenir sous son emprise. Une grande bataille s’engage alors. Antoine, le père de Line, a les moyens de protéger sa fille. La mère, Cécile, est reliée aux pouvoirs de sa fille. Aidée de Thomas, le psychiatre, parviendra-t-elle à la sortir de là ? Et si le roman était un labyrinthe de souterrains, des souterrains temporels ? Lorsqu’un héros s’engage dans l’initiation, tout le monde doit suivre dans l’obscurité de ces souterrains, à tâtons.

Un super-héros est un leader. Non seulement il voit les fils briller dans l’obscurité des souterrains mais, il sait également comment les tisser pour remonter à la surface. Oui, Line devra apprendre à voir les fils (ses pouvoirs) et à comprendre leur triple fonction : moyen de défense et d’attaque, moyen de communication.

Trouver la question qui maintient le lecteur en éveil, c’est trouver le centre de ses préoccupations

l'araignée tisseuse
"Line est face à un adversaire redoutable, mais le lecteur ne devra le découvrir qu’à la fin." Photo de SplitShire

Je suis sûre que les parents de Line sauraient sortir leur fille de là ! Mais Line acceptera-t-elle leur aide ? Déjà, elle aura subit les séquelles de son inexpérience de tisseuse (confrontation avec le corps médical). Ensuite, notre méchant de l’histoire, Andy Shartz, pourra très bien opter pour une autre tactique. Bien que responsable des déboires de Line dans le monde cruel de la psychiatrie, il finira par l’attirer dans un piège bien ficelé. Pendant un temps, Line lui sera redevable. Secouée, ne sachant plus à qui faire confiance, elle finira par lui manger dans la main. C’est ce qu’il pense en tout cas, et le lecteur aussi. Ce que j’aime le plus dans les romans, c’est quand le héros semble se rallier à l’ennemi, avec un plan que le lecteur ignore. Line a trop souffert pour faire entièrement confiance à qui que ce soit. Si elle sait lire dans les pensées, elle doit pouvoir s’en sortir, non ? Mais, Andy Shartz est expérimenté. Bien que Line ait grandi, Shartz a un avantage sur elle : il connaît les mécanismes de ses pouvoirs et leurs origines. Et il a une armée de « sujets psi » à son service.

Alors, encore une fois, comment notre héroïne va-t-elle s’en sortir ? Line est face à un adversaire redoutable, à sa mesure (et le lecteur s’en doute mais ne devra le découvrir qu’à la fin). Pour l’instant, Shartz est le gros méchant. Il lui proposera une porte de sortie, alors qu’il est le vrai responsable des problèmes psychologiques de Line. Le lecteur fulminera, sachant qui il est vraiment, ou pas…

comment notre héroïne va-t-elle sortir ?
Qu’est-ce que le lecteur ignore ? Surréalisme, par Gerd Altmann

Pour résumer, deux questions importantes : qu’est-ce que le lecteur ignore ? Est-ce que Line va pouvoir tenir sa langue et éviter de gros ennuis en gardant l’étendue de ses pouvoirs secrète ? En clair, quelle est sa force de stratégie et son talon d’Achille ?

Tension, pression, injustice : l’émotion est le matériau nécessaire à l’orchestration suspense

le lecteur doit vivre cette pression exercée sur notre héroïne
"Épouvantés de traiter leur fille de névrotique ou plus certainement de schizophrène" Photo de Szilárd Szabó

J’imagine le sort de la sœur de Joe. L’angoisse de ses parents. En plus, ils avaient deux exemples opposés : la maîtrise du secret par leur fils et l’incapacité de leur fille à tenir sa langue. Ils devaient vraiment être malheureux de savoir la vérité sans trouver personne à qui en parler. Épouvantés de devoir se plier aux exigences du corps médical et enseignant, et traiter leur fille de névrotique ou plus certainement de schizophrène.

 Leur fille devait être perturbée, forcément, mais ils n’ont trouvé aucune aide appropriée. Il a dû y avoir beaucoup de discussions entre eux et leurs enfants, parfois dramatiques. La sœur n’a pu échapper à la pression et ne s’en est pas sortie. Dans le roman de Line, le lecteur doit vivre cette pression exercée sur notre héroïne, comme sur son entourage. Personne n’est insensible à l’injustice, selon son degré d’implication…

 Nous devrons vivre cette tension crescendo, qu’elle devienne insupportable, comme si nous vivions nous-mêmes ce drame au sein de notre propre famille. Mais, l’intérêt dans tout cela est de comprendre comment la toile est créée, comment il est possible d’en connaître les points d’amarrage, et les mécanismes de fabrication. Je cherche ce qui nous rassemble dans notre quête de l’équilibre : découvrir comment se servir de nos fils pour être capables de tisser notre propre toile.

La quête de l'équilibre
On en revient toujours à cette question d'équilibre - Le Yin Yang de Cari R.

C’est ça, au fond, que le lecteur cherche à apprendre : comment être au centre de la toile sans se faire piéger ? L’auteur a exactement le même espoir. Il y a un nœud, au cœur de notre humanité, constitué de deux fils, celui de la science et celui de la spiritualité. Notre seul espoir est peut-être d’apprendre à le dénouer. Affaire à suivre…