La trame invisible de toute cette saga tient dans cette phrase.
On démarre dans le monde de la normalité où Diana s’est forgé une identité. L’héroïne se considère comme nous et l’identification peut opérer. Après que Diana ait consulté le fameux livre sans avoir cherché plus loin, nous passons progressivement dans le monde des « créatures ».
Ce glissement permet de transposer les problématiques morales, religieuses et politiques d’un monde à l’autre. Ainsi, la remarque de Sarah, la tante de Diana (une sorcière, évidemment), se révélera tout aussi pertinente dans le monde des créatures :
« La prochaine fois qu’on te donne un objet magique, comporte-toi comme la sorcière que tu es, et non comme un imbécile d’être humain. Ne l’ignore pas et ne te dis pas que ton imagination te joue des tours. (L’ignorance délibérée et le mépris du surnaturel figuraient tout en haut de la liste des griefs de Sarah envers la race humaine.) »
Notez au passage la manière dont l’auteure traduit une pensée derrière la parole d’un personnage, par un autre protagoniste. Le même problème se révélera petit à petit jusqu’à la fin. Celui de l’ignorance délibérée et du mépris pour l’inconnu :
« Est-ce vraiment exact que nous formons quatre espèces distinctes, ou bien démons, humains, vampires et sorcières ont-ils un ancêtre commun ? Sarah prétendait que les sorcières avaient peu en commun avec les autres créatures et je m’étais toujours demandé si ses convictions reposaient sur autre chose qu’un vœu pieux ou la tradition. À l’époque de Darwin, beaucoup pensaient qu’il était impossible qu’un couple d’humains ait produit tant de types raciaux. Quand certains européens blancs considéraient les noirs africains, ils préféraient la théorie de la polygénie, selon laquelle les races descendaient d’ancêtres différents et sans relation. »