— Mia, souffla Linika à quelques pas de la petite occupée à observer le va et vient des fourmis. Veux-tu venir cueillir des myrtilles avec moi ?
— Qu’est-ce que c’est des myrtilles ?
— C’est comme de l’açaï
— On pourrait en faire du jus ?
— Oui, ou une tarte, et c’est ce que nous allons faire.
— Comment sais-tu qu’il y a des…
—Des myrtilles. J’en ai repéré…
— Je n’ai pas envie d’y aller.
— Tu as peur ?
— Oui, tout me fait peur ici. Tout est différent. Ça ne ressemble pas à ma forêt. Je crois qu’il y a beaucoup de fantômes, ici.
— C’est possible. Mais, ensemble, nous apprendrons à les connaître et à nous en faire des amis.
— Comme le faisait mon grand-père ?
— Pas forcément, nous n’avons pas besoin d’aller les voir chez eux. Nous pourrions juste leur faire signe, leur faire comprendre qu’on ne les dérangera pas. Et je te promets qu’ils nous laisseront vivre tranquilles.
— Baka, je ne veux pas vivre ici.
— Mia, ma douce, ce n’est que provisoire. Je te promets que nous ne resterons pas longtemps ici.
— Promis ?
— C’est promis ma douce.
Les myrtilles se cachaient derrière des lierres d’une telle envergure qu’il fallait avoir l’œil aguerri pour les découvrir. Finalement, Mia entra dans sa nouvelle demeure avec moins de tristesse qu’à son arrivée. Les hommes qui les avaient conduites jusqu’ici reviendraient demain avec du matériel, pour réparer cette vieille maison perdue dans cette forêt inconnue, qui ne ressemblait en rien à celle qu’elle avait quittée si précipitamment. Ni singe, ni tapir, ni sumauma gigantesque dont les contreforts protégeaient tout le village. Mia était seule, complètement seule. Elle avait rarement vu sa mère mais, cette fois, elle comprenait qu’elle ne la reverrait peut-être jamais. Le plus dur était d’avoir quitté tout ce à quoi elle se raccrochait depuis sa naissance. À sept ans, Mia n’avait plus aucune attache.