Composition des personnages

J’écris un roman en 3 mois avec mon fils, épisode 2. La composition des personnages est le terreau de notre roman. S’attacher à eux dès le départ, les relier les uns aux autres et découvrir les rouages relationnels

Salut tout les monde ! Je suis bien contente de vous retrouver pour ce deuxième épisode de notre défi !  La composition des personnages est le terreau de notre roman. S’attacher à eux dès le départ et les relier les uns aux autres est un exercice qui nous fera gagner un temps précieux. Car, découvrir les rouages relationnels qui se mettent en branle autour de notre héroïne éclaire notre chemin. De plus, la composition dramatique nous permet de comprendre les relations qui se trament, et les intentions cachées derrière l’écriture de notre futur récit.

La composition du personnage central

personnage central
"Elle perçoit l’environnement comme un support matériel, comme si elle était reliée à lui", photo de DarkWorkX

Les particularités propres au héros

Line a un besoin vital d’équilibrer son corps dans l’espace qui l’entoure. Durant les premières années de sa vie, l’équilibre est pour elle un enjeu fondamental, comme tous les enfants de son âge. Mais, les humains qui l’entourent détruisent systématiquement ses tentatives. Ça la rend irritable et instable. Comment ça se passe ? Elle perçoit l’environnement comme un support matériel, comme si elle était reliée à lui. Tout objet qui s’y trouve participe à son équilibre corporel, elle calcule son emplacement, son volume et sa masse et positionne son corps en fonction. De sorte que l’espace vide qui la sépare des autres est palpable pour elle.

Elle capte ce qui l’entoure au-delà de ses cinq sens. La protection de notre espace vital, cette zone élastique qui maintient notre sentiment de bien-être, fonctionne bien différemment chez nous, du moins en apparence. Nous sommes conditionnés pour nous appuyer principalement sur la vue, l’ouïe et le toucher. L’odorat et le goût sont minorés et les autres sens que nous possédons sont peu développés consciemment comme l’équilibrioception, ou sens vestibulaire, qui détermine notre sens de l’équilibre. La création de notre super héroïne nous permettra d’explorer ces capacités dont nous percevons inconsciemment le potentiel inexploité. Son comportement n’en est que plus étrange aux yeux des autres. Ça me rappelle « Les enseignements d’un sorcier yaqui », de Carlos Castaneda. L’auteur explique que des fils invisibles relient l’intérieur de notre corps au monde environnant.

Les intentions cachées de l’auteur

intentions cachées de l'auteur
"Pour être libre nous avons besoin d’apprendre à prendre des risques calculés"

Le héros véhicule nos croyances

Line ne supporte pas son lit à barreaux. Elle a le sentiment que son énergie est bloquée. Ça lui donne carrément des convulsions. Elle a peur, ses poumons se compriment, elle a la sensation que tout son corps est entravé. Tiens ! Ça me rappelle la lecture d’un texte que j’avais beaucoup aimé. Celui d’une anthropologue en immersion chez des indiens de la forêt amazonienne. Un père avait construit une sorte de parc pour son bébé avec des branches, mais le bambin avait carrément pété une durite.

Cette chercheuse expliquait que les adultes laissaient les enfants libres de bouger sans surveillance exagérée. Elle avait été témoin d’une scène qui l’avait scotchée : un enfant qui tenait à peine debout jouait près d’un puits qui n’était autre qu’un trou à même le sol. Elle garda son sang froid d’observatrice et nul drame ne se produisit ce jour-là. Ses recherches l’amenèrent à comprendre que laisser l’enfant gérer sa propre sécurité le maintient plus sûrement en vie que s’il est continuellement apostrophé par des « Fait attention ! Tu vas tomber ! ».

Le héros est porteur d’un message

J’avais été marquée par ce texte qui fait écho à ce que je crois profondément. Dans une société où la liberté est une valeur haute, nous nous éduquons à la sécurité avant tout, oubliant que pour être libres nous avons besoin d’apprendre à prendre des risques calculés. Je pense sincèrement que cet apprentissage mérite de commencer aux premiers temps de la vie, accompagné d’une présence affective forte et à d’un maternage poussé.  Mais les exigences de la vie ne nous laissent pas toujours l’occasion d’expérimenter cette approche. Je l’ai pourtant testé au maximum de mes possibilités avec mon fils. D’ailleurs, ça déclenchait des scènes assez drôles dans les aires de jeux où j’entendais les exclamations choquées ou angoissées des parents. J’ai ainsi constaté qu’Anton prenait des risques à la mesure de ses capacités. Mais je m’éloigne de notre sujet.

Le couple central, pilier indispensable de la composition des personnages

le couple central
"Elle ne peut s’endormir si quelqu’un reste à ses côtés, à part Winston, le majordome", photo de Geralt

L’auteur identifie rapidement sur qui le héros va s’appuyer

Line ne supporte donc pas les barreaux de son lit. Elle a la sensation d’être immobilisée, comprimée par un champ magnétique hostile. Elle hurle, étouffe et, rapidement, on installe un matelas à même le sol et on fait disparaître le lit, objet de sa frayeur. Elle ne peut s’endormir si quelqu’un reste à ses côtés, à part Winston, le majordome. Il l’observe à loisir et comprend vite que ce n’est pas un bébé normal. Winston a élevé le père de Line, Antoine.  Il l’a protégé des griffes du grand-père (le père d’Antoine) dont il était l’homme à tout faire. Le job de Winston était principalement de seconder le père d’Antoine dans la gestion des affaires de la famille, il était en charge de ne rien laisser passer qui puisse faire du tord à sa réputation. La mère d’Antoine était une femme absente, organisant des galas et autres soirées mondaines. Si bien que Winston la remplaça dans la gestion familiale. Winston a donc joué un rôle important dans la vie du père de Line. Il a lui-même une fille, aujourd’hui neurologue réputée et chef de clinique. Il y a des chances que Winston puisse discuter du cas de Line avec elle. Ce sera un personnage qui nous donnera des interprétations scientifiques précieuses

 

Le personnage retord qui met l’équilibre en péril

Passons un peu au cas de la nourrice et des autres employés de maison. Winston et la nourrice se répartiront les rôles. Cette dernière s’appelle Élise. Elle est expérimentée et s’aperçoit vite que quelque chose ne va pas, mais elle tiendra le coup pas mal de temps. La famille est influente et Winston fera pression sur Élise pour qu’elle la boucle. Mais Élise a une sainte horreur de la situation, qui va basculer quand le père entrevoit la vérité et que la scène du bac à sable survient (encore que je ne suis pas sûre que les bacs à sable soient un lieu de prédilection pour les enfants de la haute bourgeoisie). J’ai très envie de lire les écrits du couple de sociologues Pinçon-Charlot, qui ont passé leur vie à étudier la haute société française. Ce jour-là, Sarah, la mère de Line, avait choisi d’accompagner la nourrice au parc. L’enfant est encore considérée comme « normale » mais il y a des signes. Sarah écoute les inquiétudes d’Élise, la nourrice, et les prend très au sérieux.

Les personnages de confiance révélateurs de caractères

la famille
"Comment une femme qui se sent prisonnière de son mari ou d’elle-même aurait-elle le courage de tout quitter ? , Travel - Monsterkoi

Un personnage puissant mis en réserve : débriefing avec Anton

On parle de Sarah, la mère de Line. Anton la voit peureuse, introvertie. Moi, j’avais pensé qu’après l’accouchement, le fait d’être une enfant adoptée aux origines inconnues ferait remonter ses angoisses. Certes, Sarah n’est pas sûre d’elle, elle doute de ses capacités en tant que mère, d’autant plus que Line pleure souvent quand elle est dans ses bras. Mais, j’avais imaginé Sarah comme quelqu’un qui lance facilement des pics, des vannes bien senties, qu’elle avait un caractère trempé et que les disputes au sein du couple prendraient des proportions épiques. Anton n’est pas d’accord. Sarah est tout l’opposé de son mari. C’est une femme polie et respectueuse. Il se demande pourtant comment les disputes conjugales se passent si elle est d’accord pour tout. Anton reste néanmoins sur ses positions : Sarah est une femme soumise qui ne fait pas de vagues. Moi, je pense qu’on peut s’arranger avec ça. Lorsqu’on devient mère, on révèle de nouvelles facettes de sa personnalité.

Sarah est peut-être le personnage protéiforme de notre récit

Comment une femme qui se sent prisonnière de son mari ou d’elle-même aurait-elle le courage de tout quitter ? Son foyer, et surtout son enfant ? C’est une question que pourrait se poser le lecteur si Sarah est une personne effacée et angoissée. Bien souvent, une femme qui se sent prise dans la toile d’araignée tissée par son mari et son milieu social rencontre une opportunité, une chance unique qui lui permet de fuir. Pour abandonner son enfant, il lui faut une sacrée bonne raison, même si elle ne se sent pas à la hauteur. Malgré tout, certains troubles ou dispositions psychologiques particulières expliquent une telle décision. Bien sûr, pour Sarah, ce n’est pas le propos. Elle ira trouver ses parents, exigeant qu’ils racontent tous les détails de son adoption. On comprend que Sarah va passer à l’action d’une manière ou d’une autre. Dans le roman, elle disparaît sans que ni le lecteur, ni les protagonistes ne sachent ce qu’elle devient. Quand on retrouvera la trace de Sarah, le mystère s’éclaircira.

Pour comprendre le concept de « personnage protéiforme », écoutez mon podcast « L’archétype du héros » qui se réfère au « Guide du scénariste » de Christopher Vogler.

La composition des personnages ou « composition dramatique »

la biguotte
"On va dire qu’elle est même croyante de fou ! Ça va mettre du peps. Elle croit que Line est possédée", photo de jeffjacobs1990

La composition des personnages a besoin d’un décor et d’une ambiance

Mais revenons à la composition des personnages. Sarah s’est installée dans leur maison de Saint Jean de Luz, avec Winston et Victoire, la cuisinière. Ils embauchent la nourrice et deux employées de maison. L’intérêt c’est que Winston est maître à bord. Il commence à s’occuper de Line la nuit, pour soulager Élise. La nourrice est en effet épuisée. Au début, elle met ses sentiments sur le compte de la fatigue et de l’ambiance tendue entre la femme et le mari. Sarah et son mari Antoine se disputent de plus en plus souvent, même si ce dernier est rarement à la maison. Cependant, Sarah est gentille avec Élise, mais elle est distante avec l’enfant, elle semble même avoir de l’aversion pour sa fille. Je me dis d’ailleurs qu’elle doit forcément retrouver dans le comportement de Line un vécu qu’elle a su maîtriser et enfouir en elle. Il se passe forcément quelque chose dans l’esprit de Sarah, ça carbure la dedans ! Vous sentirez sûrement à ce point de réflexion la nécessité de planter le décor, le plan de la maison, l’atmosphère de la ville et l’entrée de personnages secondaires.

La fonction et le rôle des personnages se précisent

La nourrice est donc affectée dans son travail, elle se sent isolée. La cuisinière n’est pas une copine, et les deux employées de maison sont sympas, mais elles trouvent qu’Élise est trop stricte. Elles sont jeunes et complices, aimant plaisanter entre-elles à son sujet. Victoire, la cuisinière, est au contraire très à l’aise dans cette maison. Elle connaît parfaitement ses patrons, s’entend très bien avec Winston et Sarah lui fait confiance. Victoire emmène Line aux courses et l’installe fréquemment avec elle dans la cuisine. Line est bien avec Victoire qui lui parle beaucoup lorsqu’elle prépare les repas. Victoire est très attentive à l’ordre et à la place des objets. C’est comme une obsession chez elle. Sa dextérité et la fluidité de ses mouvements plaisent beaucoup à l’enfant pour qui la précision des mouvements et l’énergie maîtrisée répondent à ses besoins. Elle est bien dans la cuisine avec Victoire qui constate évidemment qu’il se passe des trucs bizarres. Bref, la nourrice qui suit un protocole stricte se sent mal aimée dans la maison, et a peur de l’enfant.

Notre personnage antagoniste se précise

Line, à l’évidence, n’est pas bien avec Élise, la nourrice, qui s’inquiète d’être renvoyée. Ses références professionnelles pourraient être remises en cause. Avec une famille aussi influente, sa carrière pourrait être foutue. Elle va donc parler à Winston de ses inquiétudes face à Line :

Je n’ai jamais connu une enfant comme ça. On dirait qu’elle veut des choses qu’à son âge on ne peut penser.

— Comme quoi ?

— Quand je lui fais prendre son bain, par exemple, Line pleure si je lui met un jouet qui flotte et, quand je la savonne, je ne peux en aucun cas poser le savon sur le bord de la baignoire. Je dois le poser loin d’elle, par terre où sur la table. Même si je le pose discrètement derrière elle, on dirait qu’elle peut le sentir. J’ai remarqué qu’elle sent des choses sans les voir ou les entendre…

C’est à ce moment-là qu’Anton s’exclame. Ses yeux brillent lorsqu’il me dit : « On va dire qu’elle est même croyante de fou ! Ça va mettre du peps. Elle croit que Line est possédée. C’est cliché mais, c’est trop cool ! » Anton et moi discutons du cas d’Élise. Elle engraine progressivement la mère dans son délire. Non que Sarah croie en une quelconque possession diabolique, mais elle gamberge sur son propre cas de déséquilibre mental lorsqu’elle était enfant. Antoine, le père, doute fortement de leurs allégations, d’autant plus qu’il ne constate rien d’anormal quand il est avec Line.

— C’est logique, intervient Anton, le père est un vrai maniaque !

—Oui, c’est un mec très militaire qui maîtrise tellement ses gestes et son comportement, que Line arrive à supporter sa présence.

Et voilà comment se termine notre épisode 2 ! Le tableau des personnages en présence se dessine de mieux en mieux. Leurs relations, leurs différences et leurs points communs nous permettent de tisser la toile de fond sans toutefois toucher l’objectif, l’enjeu du roman, ni même l’intention des auteurs au cœur de notre futur récit. C’est tout à fait normal. Cette première semaine de défi n’est pas encore terminée. Je sais que certains d’entre vous aimeraient lire rapidement une de ces scènes prétexte dont je parle dans l’épisode 0 de notre défi « J’écris un roman en 3 mois… avec mon fils ».

Mais, contrairement à mes habitudes d’écriture, je m’engage à écrire un roman sur une très courte période et à en rendre compte chaque semaine au lecteur. On est loin du cliché de l’écrivain qui se retranche du monde, dans sa grotte, pour pondre son bouquin. Ce qui nous oblige à monter une structure dès les premiers jours, et c’est pas plus mal, ça nous évite de perdre un temps précieux. Alors, patience, les ami(e)s 🙂 Ça arrive ! Nous avons notre personnage retors (la nourrice), et notre personnage protéiforme, Sarah, incarnant une partie du mystère. C’est énorme ! Alors, je vous dis à lundi les amis lecteurs, co-écriteurs et curieux d’un jour !

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
unique !

Naissance d’une super héroïne

J’écris un roman en 3 mois avec mon fils, épisode 1. Dès la première séance d’écriture, les objections fusent ! Et c’est comme ça qu’on met au monde une super héroïne qui marquera l’histoire du genre !

Salut tout le monde ! Je suis super contente de démarrer ce premier épisode de notre marathon « J’écris un roman en 3 mois… avec mon fils ». Vous allez voir que cette première séance d’écriture est remise à la page dès le premier débriefing avec Anton. En effet, à la lecture de ces premières idées de départ, des objections fusent et je les note en marge pour les intégrer à la séance du lendemain. Pour rappel, j’ai proposé à mon fils de 13 ans de participer à mon projet d’écrire un roman en trois mois sur le thème d’un enfant super hérosSi vous avez raté l’annonce de ce défi, je vous invite à lire mon article précédent où je partage ma méthode des 3 clés pour kiffer l’écriture de votre roman.

L’auteur a ses croyances que je ne saurais voir

l'auteur et ses héros
L'enfant est un conteur fascinant, photo AD_Images

Nous sommes le premier jour des vacances et, la veille, l’idée m’est apparue comme une évidence. J’avais fait part à Anton de mon inquiétude qu’il passe ses vacances sur la PlayStation. Il m’expliquait alors qu’il testait justement un nouveau jeu où il était un super héros, dans un scénario à la « heroes » (série culte contemporaine que je lui avais conseillé). Ça fait plus d’un an maintenant qu’Anton ne lit plus un bouquin. À 13 ans, l’influence parentale a largement perdu du terrain, et les sorties bibliothèque sont de l’histoire ancienne.

Anton avait commencé l’écriture d’une histoire de super héros qui l’a vite mené dans le cloître de la croyance limitante (voir ma vidéo où je parle de sa douloureuse expérience à la dixième minute) Bref, il accepte de participer au défi et, dès le lendemain matin, je lui fais un topo sur ma première séance de travail. Il m’arrête net quand je parle du père de Line. Non, ce dernier ne sera pas ce mec un peu paumé mais sympa, non ! Le père de Line est méchant, agressif, voire violent. Ce qui permettra à Line de s’opposer à lui et de partir sauver sa mère sans lui demander son avis. Mais ne brûlons pas les étapes. Voici, dans l’ordre, comment les choses se sont passées. 

Première séance d’écriture : l’histoire familiale

sous la tempête
Quels sont les pouvoirs d'un enfant sous les tempêtes familiales ? Dessin de AnalyseArt

Un couple au bord de la crise de nerfs

Line est une enfant de 5 ans qui présente des capacités, des super pouvoirs. Sa mère voit qu’il y a des trucs pas normaux. De plus en plus angoissée, elle ne supporte plus le déni de son mari et a même arrêté de travailler pour s’occuper exclusivement de Line. Malgré cela, son mari continuera de nier l’évidence au sujet de sa fille. Il pense que sa femme veut en faire une enfant à part, une surdouée. Pourtant, une amie de la famille, collègue du mari, est d’accord avec la mère : Line n’est pas une enfant comme les autres.

Qui est le mari ? Un informaticien, technicien du son et musicien à ses heures. Il travaille beaucoup mais ne gagne pas lourd. Souvent en déplacement, il tente d’arrondir les fins de mois en créant des sites internet. Mais, son kiff, c’est la musique. Il était DJ étant plus jeune. Elle, elle bossait comme infirmière psychiatrique, un dur métier. Malgré tout, elle adorait son job, elle restait cool et empathique. La situation lui met les nerfs à vif. Les disputes au sein du couple sont de plus en plus fréquentes.

Une enfant pas comme les autres

Bébé, Line était nerveuse. Elle se débrouillait mieux que les autres, tant physiquement que mentalement (capacités motrices et cognitives). Dans les jeux de cubes et autres manipulations, son kiff, c’est l’équilibre des objets, elle fait des assemblages qu’un enfant de son âge semble incapable d’élaborer. Pareil pour son équilibre corporel. Très tôt, elle synchronise ses mouvements et se tient debout à 6 mois.

Quand sa mère reprend le travail, la nourrice est inquiète. Line ne réagit pas comme les autres enfants. Elle ne supporte pas la maladresse des autres bambins, le désordre, la bouffe qu’ils étalent partout. Chaque objet ou aliment qui tombe provoque des crises, elle s’énerve et pleure jusqu’à ce qu’un adulte y remette de l’ordre, c’est flippant.  De plus, Line refuse de manger si elle ne tient pas le biberon toute seule, puis la cuillère. Rapidement, elle refuse les couches, et le pot est donc introduit très tôt. Elle crise en poussette et pour tout ce qui ne lui permet pas de maintenir son équilibre par elle-même.

Un événement tragique se prépare

Le père commence à s’inquiéter, mais il refuse que sa fille aille consulter un psy. En dépit de ses réticences, sa femme conduit Line chez différents spécialistes : une orthophoniste, une psychologue, une psychomotricienne, et même une sophrologue. Mais Line ne coopère pas du tout. À 3 ans, elle entre à l’école maternelle et c’est le carnage ! C’est à ce moment là que sa mère quitte son job à l’hôpital et que la situation va basculer. La première image qui m’est venue est une situation de crise. Une image choc est souvent celle qui fait tilt et qui nous dit : « Là, je tiens quelque chose ! ».

Le débriefing : des éléments clé de l’histoire

Line tornade de sable
"Line crée un tourbillon de sable super violent qu’elle ne maîtrise absolument pas"

Trouver l’origine d’un mystère

De retour de ma séance d’écriture, je lis tout ça à Anton. J’explique aussi que les parents se disputent de plus en plus, que la mère va craquer et quitter la maison, laissant sa fille seule avec son père. Il faut qu’on sache d’où viennent les super pouvoirs de Line. Sa mère est d’origine asiatique, adoptée à la naissance, elle ne connait rien de ses origines (évidemment faut bien un mystère à éclaircir et une histoire logique qui explique les pouvoirs de Line). Je pense que la mère est partie à la recherche de ses racines. Je pense aussi qu’après le départ de la mère, Line sera suivie par un psychiatre pas comme les autres, conseillé par une amie de la famille qui est au courant. Le père n’a pas le choix. Et puis, ce psychiatre est très spécial, il en sait plus qu’il ne veut bien l’avouer. Il pourrait secrètement être en communication avec la mère, qui se retrouve dans un village isolé, une île peut-être, où les gens cachent leurs pouvoirs. D’ailleurs, il existe encore quelques communautés isolées dans le monde. Paraît même qu’on les laisse tranquille pour ne pas leur refiler nos microbes. Enfin, ça, c’est une autre histoire…

Dès les premières lignes, les objections fusent

— Non ! Le père est méchant, dominateur et riche ! Si la mère disparaît, il lui faut de l’argent. Et si elle est en danger, Line voudra partir à sa recherche. Il faut qu’elle en ait les moyens quand même !

— Ok, ça se tient ! Mais ça demandera un peu plus de recherches. Si les parents étaient des gens comme nous, ça aurait été plus simple. S’ils sont riches… j’avais une scène en tête quand j’ai imaginé Line. La fillette est dans le bac à sable d’une aire de jeux, comme celle où j’allais quand vous étiez petits, et là, pour la première fois, la puissance de ses pouvoirs se manifeste. Elle crée un tourbillon de sable super violent qu’elle ne maîtrise absolument pas. Elle et les enfants qui l’entourent auraient pu y rester ! Sa mère arrive à l’en extirper et à calmer la fillette toute flippée. C’est cet épisode qui pousserait la mère à tout larguer et à laisser le père se débrouiller (c’est bien un fantasme de mère, ça !). Mais s’ils sont riches, l’environnement n’est pas le même. La mère n’est pas infirmière et, en plus,  ils ont des gens de maison.

L’apparition du mentor, la figure dominante

Le majordome ! D’accord, le père est un gros riche vraiment pas sympa, mais il y a Winston, le majordome ! Il est noir aux cheveux blancs. Calme, grand, rassurant et bien habillé. C’est le seul ami de Line, c’est lui qui va s’occuper d’elle quand sa mère sera partie.

— Ouais, super idée. En revanche, on n’est pas dans une série américaine, je ne suis pas sûre que l’élite française s’entoure de majordomes noirs et fidèles. Et puis, Winston est un nom britannique. Mais bon, on ne va pas s’embarrasser de détails pareils. L’important c’est surtout de déterminer comment les pouvoirs de Line se manifestent. Pour moi, tout est dans l’équilibre. Imagine-la à l’école et qu’elle maintienne sur sa table une barrière de crayons en équilibre. Regarde (je pause un crayon à la verticale), le crayon ne tient pas facilement debout, tu vois.

La force intérieure confrontée à la force sociale

— Imagine qu’elle en fasse une rangée de crayons devant elle, continuai-je.. Si quelqu’un se déplace et crée un mouvement d’air, elle le détourne sans s’en rendre compte pour maintenir les crayons en équilibre. Mais si quelqu’un vient à poser brusquement sa main sur la table, elle s’énerve. Dans la réalité, si nous étions témoins d’un tel phénomène, il y a peu de chances qu’on se dise : « cette fillette a des super pouvoirs ! ». Les adultes chercheraient plutôt à se débarrasser du problème en se focalisant sur les réactions disproportionnées de Line. La directrice de l’école convoquerait les parents, expliquant que Line est inadaptée au milieu scolaire.

Voilà comment ce premier épisode se termine. Au prochain épisode, nous nous attacherons à avancer sur la question suivante : comment se manifestent les pouvoirs de Line ? Elle possède des pouvoirs kinesthésiques, assurément. Mais comment fonctionnent-ils les premiers mois et les premières années de sa vie ?

Cette question centrale trouvera ses réponses au fil des semaines. Si vous avez des suggestions et des idées, n’hésitez pas à les proposer en commentaires ou directement en réponses par mail. Et comment les adultes peuvent gérer une enfant pareille ? Line ne supporte pas le désordre, la bouffe ou les objets qui tombent, elle a un besoin vital d’équilibrer son corps (voire son esprit) à l’espace qui l’entoure. Pas simple tout ça, et c’est bien l’intérêt. Une telle histoire ne manquera pas de piquant !

Deux épisodes par semaine sont prévus le lundi et le jeudi ! À très vite !

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
unique !

Écrire votre roman : les 3 clés du succès

Vous désirez vous lancer dans l’écriture ? Écrire votre roman sans attendre ? Mais, vous pensez ne pas avoir assez d’éléments pour démarrer ? Découvrez les 3 clés indispensables pour entrer dans le jeu maintenant !

Vous désirez vous lancer dans l’écriture ? Écrire votre roman sans attendre ? Mais, vous pensez ne pas avoir assez d’éléments pour démarrer ? Grande erreur ! Vous n’avez même pas le prénom de votre héros ? Pff… Vous êtes indigne de commencer. D’ailleurs, vous avez une super idée de roman qui vous tient aux tripes mais vous devez d’abord élaborer un plan, puis un scénario, puis… STOP ! Écrire votre roman est une aventure ludique, et vous avez le droit d’entrer dans la partie avec les 3 règles clé que voici. Découvrez ces 3 clés du succès pour entrer dans le jeu dès maintenant ! Vous pourrez également suivre mon défi « écrire un roman en 3 mois… avec mon fils ». C’est tous les jours à partir de lundi prochain (28 octobre 2019). Je vous dis tout en bas de cet article.

Clé n°1 : commencez à écrire votre roman sans même connaître vos personnages

clé n°1 pour écrire un roman
La clé n°1 pour écrire votre roman - photo de Natan Bregalda

Vos séances d’écriture quotidiennes sont votre bouffée d’oxygène

Lancez-vous maintenant ! Les séances d’écriture dont je parle dans mon bonus sont indispensables à l’avancée de votre projet d’écrire un roman, pour vous tenir en haleine. Même si vous ne maîtrisez pas encore les tenants et les aboutissants de votre histoire, commencez à écrire votre roman sans attendre, sans même connaître vos personnages à fond (recevez immédiatement mon kit de démarrage ici – c’est cadeau !). Vous n’avez qu’une vague idée de ce qu’ils font dans la vie ? Vous ne savez même pas encore leur prénom ? Parfois, je colle un nom après une ou deux secondes de réflexion et je le remplace plus tard si besoin (le plus souvent celui qui vient sans réfléchir est le bon). Apprendre à écrire le souffle léger permet d’empiler un nombre invraisemblable d’idées saugrenues et de détails insignifiants, et fera de votre histoire un roman vivant.

Créez-vous un espace-temps protégé et intime

N’ayez pas peur de vous perdre dans une histoire confuse. Vos séances quotidiennes font partie d’un espace-temps spécial. Elles créent une bulle protégée à un moment précis de votre journée, un rendez-vous intime à ne pas rater.  Elles se démarquent des séances de travail dédiées à la structuration du roman. En séance d’écriture, je m’interdis de trop réfléchir. En effet, le jeu est toujours le même : on est dans le rythme de l’écriture sans peur ni reproche. Pas de pause, pas de jugement, pas d’hésitation. Par exemple, quand un mot m’échappe, j’écris le premier qui me vient, et je prends soin de le mettre entre parenthèses pour y revenir plus tard à la correction. Ne fournissez aucune excuse valable pour ne pas instaurer immédiatement votre séance d’écriture quotidienne. Comme l’exercice physique, la séance quotidienne maintient en forme l’écrivain que vous êtes. Cette séance (même de 10 ou 15 minutes par jour) fera de vous l’auteur de votre futur roman.

in love - écriture de poèmes
On est dans le rythme d'écriture sans peur ni reproche, photo emerloppez19

Vos temps de travail et de recherche seront plus dynamiques

Certains objecteront qu’une séance d’écriture est un temps de travail acharné. Katherine Pancole déclare qu’au cours de ses 5 heures de travail quotidien, elle est contente quand elle a pondu deux pages. Je ne parle pas de ces séances-là. La séance d’écriture est pour moi une bouffée d’oxygène qui fait circuler l’écriture dans le sang. Elle ne remplace pas les séances de travail où écriture et recherche se côtoient, où les questions s’empilent, se déchaînent et se décortiquent. Ce sont les temps de submersion qui nécessitent des réponses, obligent à rédiger, corriger, raisonner, critiquer, transformer, épurer, soupeser, remanier. Katherine Pancole illustre bien cette réalité à travers les dessins d’Anne Boudart que vous pouvez retrouver sur la page facebook de l’auteure.

Katherine Pancole
"les séances de travail où écriture et recherche se côtoient", dessin d'Anne Boudart

Clé n°2 : découvrez chaque personnage en les confrontant les uns aux autres

esquisse de personnage
"confrontez les frêles esquisses de vos personnages à des bouts de scènes intuitives", dessin de Mirzet

Esquissez vos personnages sans vous soucier du résultat final

Qui est mon héros ? Comment s’appelle-t-il ? Comment vais-je écrire un roman sans connaître tout de sa famille, de ses amis et de son passé ? Tant de questions se bousculent que vous risquez la surchauffe. Ainsi, si vous confrontez les frêles esquisses de vos personnages à des bouts de scènes intuitives, sans complexe, sans enjeu, sans travail acharné, juste par jeu. Les stratégies, les intrigues, les coups de théâtres, apparaîtront grâce à ce travail d’approche. Là, on apprivoise. Ainsi, vous élaborez, sans vous en rendre compte, le squelette de votre futur roman. Alors, la super intrigue qui vous trotte dans la tête prendra vie, dans la plus pure tradition de l’écrivain heureux.

Écrivez des petits bouts de vie sans vous soucier de leur cohérence

Connaissez-vous suffisamment votre héros pour vous lancer dans l’écriture ? Si vous vous posez encore la question après avoir débuté vos séances d’écriture, dites-vous bien qu’il vit un peu plus chaque jour grâce à vous. Qui est Mia, l’héroïne de mon roman en cours ? Eh bien, je sais qu’elle est belle, le teint caramel, les cheveux aériens et bouclés, les yeux noisette. J’ai élaboré au fil de mes séances un bon nombre d’éléments de sa vie et de son enfance. En somme, c’est comme inventer des petits bouts de vie ! Des dialogues entre personnages mal dégrossis, leurs pensées en arrière plan, leurs sentiments mal perçus ou à peine devinés, leur relation évidente ou leur rencontre fortuite, etc. De là, mes idées se confrontent en vrac ou, au contraire, elles se renforcent au fil des jours. C’est comme si Mia était dans son univers tandis que, moi, je le découvre.

communication de groupe
"Sans l’entourage du héros, il n’y a point de héros." image de Geralt

Créez votre héros à travers le regard des autres personnages

Mon héroïne Mia a un caractère que je ne saurais dépeindre tant que les autres personnages de sa vie ne m’auront pas avoué leurs sentiments. Écrire sur l’enfance de son père adoptif, écrire sur les sentiments de ce père pour sa fille, c’est créer un pan entier de la personnalité de mon héroïne. Sans l’entourage du héros, il n’y a point de héros. Même Robinson Crusoé a son acolyte : Vendredi. La caractérisation de votre personnage se construit au travers de ses traumatismes, de ses réactions face aux autres, de ses haines et de ses passions. Par exemple, son histoire intime explique ses réactions primaires dues aux traumatismes de l’enfance. C’est aussi et surtout le regard des autres qui détermine qui il est et ce qu’il accepte ou non de faire. Qu’est-ce que les autres pensent de lui ? Comment le considèrent-ils ? Que lui demandent-t-ils de faire ?

Pour en savoir plus sur la caractérisation des personnages je vous invite à écouter mon podcast « Comment créer des personnages vivants »

Clé n°3 : préparez-vous à percer les mystères de votre intention

La femme-écriture
"Pourquoi décide-t-elle de partir à l’aventure ? Que cherche-t-elle à se prouver ? J’établis une relation de cause à effet", création de Kellepics

Comment se construit l’écriture de votre roman ?

L’affaire se corse ! Notre héros est souvent le premier personnage que l’on a en tête, il incarne notre idée, notre message. Logique, c’est notre principal outil pour résoudre le conflit, l’enjeu de notre histoire. C’est alors que la question vous démange, celle qui pousse à sortir de l’écriture intuitive, de la zone confortable et douillette de vos séances d’écriture, et à élaborer la stratégie de votre roman : Quel conflit ? À quoi aspire profondément mon héros ? Qu’est-ce qu’il a le plus de mal à accomplir ? À quelle sauce va-t-il être mangé ? Et, enfin, comment va-t-il s’en sortir ? C’est donc là, à ce moment précis que vous devez faire le grand saut et passer en mode pro. Instaurer une plage horaire supplémentaire où l’écrivain insouciant que vous êtes se transforme en coureur de fond, doublé d’un impitoyable manipulateur.

Voir à ce sujet mon fameux article « Secrets d’écrivain enseignés par Derren Brown »

Comment créer le mystère de l’intrigue ?

Que va-t-il devenir ? Que va donc devenir votre héros ? Voilà la question fondamentale. L’importance des autres personnages apparaît alors. Car, en conséquence, que vont devenir les autres ? C’est une préoccupation constante chez votre héros, consciente ou non. Reprenons l’exemple de Mia. Elle se construit autour de sa relation avec Mirko, son père adoptif. Généralement, un héros se construit autour d’une figure dominante, tel un mentor. Ce dernier peut être absent, mais son influence reste dominante. Il cherchera d’autres figures-miroir pour le remplacer. Écrire le parcours du père et de Mia me permet de comprendre la nature exacte de leur relation et d’avancer dans la création d’un objectif de qualité : que cherche mon héroïne, au fond ? Son indépendance ? Pourquoi décide-t-elle de partir à l’aventure ? Que cherche-t-elle à se prouver ? J’établis une relation de cause à effet, je cherche à comprendre si elle fuit, si elle se positionne, si elle cherche à régler un conflit intérieur.

Écrire votre roman c’est en chercher la cohérence !

Ces mystères doivent être percés à jour par l’auteur. C’est pourquoi les va-et-vient entre vos séances d’écriture et votre travail de réflexion est une méthode que je conseille. Elle facilite l’avancée de votre projet. Lors de mes séances d’écriture, je teste des scènes-prétexte pour tester les réactions de mon héroïne. Une scène d’enfance, par exemple, me permet de tester ses capacités. Mia habite chez Flutura, la sœur de Mirko, qui vit dans un village de montagne avec son mari et son fils Milan. On voit les enfants se gaver de framboises, un panier vide à leurs pieds, quand trois gamins débarquent et proposent à Milan de venir chasser le serpent. Dans mon idée, Mia a appris énormément dans la forêt aux côtés de son grand père chamane, puis de Baka, la guérisseuse serbe. Mais, pour que le récit soit intéressant, Mia aura subi un traumatisme psychologique qui lui aura fait tout oublier. Ainsi, ses connaissances sont inconscientes et apparaissent de manière intempestive. Je veux la mettre en situation de réagir vite pour voir comment elle se perçoit elle-même face à la vie.

En résumé, l’auteur d’un roman est le créateur de l’univers !

Vous êtes le garant d’une intelligence supérieure

lettre secrète
"Les protagonistes doivent résoudre une énigme ou un conflit. Mais ce n’est pas gratuit ! " - photo de Pezibear

L’auteur est un incontestable maître du jeu, mais il n’a rien d’un Dieu. C’est plutôt le grand ordonnateur de la vie, celui qui crée les synchronicités, les événements qui poussent le héros à accomplir son destin. Il est à l’écoute, décode les intentions cachées qui poussent les personnages vers ce quelque part impalpable, indécodable pour eux. Ainsi, vous cernez la cohérence du « conflit » qui empêche le héros d’atteindre son but. Il est clairement attiré par quelque chose de plus grand que lui, une force invisible. C’est au fond de lui, quelque part, et vous l’avez compris.

Certes, vous êtes un manipulateur équivoque, mais nul ne sait mieux que vous ce qui est vital dans cette histoire, ce qui est vital pour tous les personnages en présence. Vous avez la mission de les guider vers leur destin, de les aider à écouter leur voix intérieure, vous avez la responsabilité d’être l’intelligence supérieure qui agence l’univers. Vous êtes le garant incontestable de la cohérence de la vie au sein de cet univers.

Gardez les 3 clés d’une écriture vivante

Clé n°1 : Jetez-vous dans l’écriture ! Lors de vos séances d’écriture, ne vous demandez pas si une scène est bonne. Nombre de scènes permettent de créer l’univers de vos personnages, même si elles ne se retrouvent pas forcément dans le roman. Elles ont le mérite de nous faire avancer dans sa construction, ne serait-ce qu’en y ajoutant plus de texture, de matière organique, plus de vie en clair.

Clé n°2 : Cela vous permet de tester l’ambiance, et aussi de choper des idées sur les réactions des uns et des autres. C’est ainsi qu’un personnage peut vous surprendre. Apprendre à mettre les personnages en situation, à chercher leurs repères, se fait aussi en lâchant prise lors de vos séances d’écriture. Vous y découvrirez de précieuses portes d’accès pour comprendre ce qu’ils cherchent vraiment.

Clé n°3 : Mettez en place les conditions matérielles et humaines qui poussent le héros vers un objectif sensé. La question du sens passe par l’étude des relations de cause à effet évoquées plus haut. Les protagonistes doivent résoudre une énigme ou un conflit. Mais ce n’est pas gratuit ! Cette quête les pousse immanquablement vers la révélation de qui ils sont vraiment.

La clé ultime pour réussir l’écriture de votre roman : votre course à l’objectif

C’est bien beau tout ça mais, concrètement, comment garder sa motivation ? Comment croire qu’on va vraiment y arriver ? Depuis que j’ai créé ce blog, il y a un an, j’ai lâché la course à l’objectif. Malheureusement, quand on veut écrire un roman, se fixer une date butoir est un incontournable. La nécessité de pénétrer l’univers de vos personnages devient une course contre la montre et vous transforme, vous aussi, en héros. Pour moi, pas de roman sans date butoir, ne serait-ce que pour entrer dans la course. Qu’on prolonge le délai imparti est une autre histoire.

J’ai donc décidé d’en faire la démonstration en live en me lançant le défi d’écrire un roman en trois mois… avec mon fils. C’est un roman très fun qui a pour thème l’enfant super-héros : Le Projet Line. Il démarre lundi ! Line va grandir mais, en attendant, comment un super héros se débrouille-t-il enfant, et bébé ? C’est la question à laquelle, mon fils et moi allons répondre sous vos yeux, en trois mois.

Le défi est lancé !

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Aldo, mon personnage joker

Comme promis, je vous présente le mec qui se raccroche aux branches, personnage secondaire clé de « La Main invisible ». Celui-ci est fou de prime abord, du moins dans son introduction dans le récit. Mais, comme expliqué dans mon article sur les personnages joker, ses actions auront un impact important dans les aventures de Mia.

Les premisses de l’écriture d’une scène clé : l’introduction d’un personnage

Comme promis, je vous présente le mec qui se raccroche aux branches (voir mon article sur le sujet), personnage secondaire clé de « La Main invisible ». Celui-ci est fou de prime abord, du moins dans son introduction dans le récit. Mais, comme expliqué dans mon article sur les personnages joker, ses actions auront un impact important dans les aventures de Mia. Je vous partage ici le premier jet de la rencontre entre Aldo et Mia, notre héroïne. Des prémisses à retravailler dans le détails, Les dialogues sont succins, donnant une ligne directrice sans prétention, dont la profondeur naîtra en temps voulu, quand les personnages auront trouvé leur incarnation.

Un texte à revisiter du point de vue des personnages :

Mia avait porté le projet amérindrien jusqu’à son terme grâce au soutien indéfectible de Mirko, mais sans la contribution d’Aldo, dit « le moine », l’ennemi serait parvenu à ses fins. Mia et Diulma rencontrèrent le moine au Brésil. Toutes deux s’accordaient une petite pause dans les environs de Belém, à l’embouchure de l’Amazone. Après une soirée bien arrosée avec une bande d’amis musiciens, elles flirtaient aux abords du bar, les pieds dans le sable, riant comme des adolescentes qu’elles étaient. Le moine arriva à grand renfort de cris et d’incantations pour leur « arracher leur ignorance». Ses gestes faisaient penser aux transes africaines des séances d’exorcisme. Elles auraient pu en rire si ses gesticulations ne transpiraient pas autant de peur. Il semblait effrayé par ses propres mouvements, comme si une force avait pris possession de lui. Mais les jeunes femmes restaient impassibles. Le regard rivé sur l’excentrique, elles se préparaient à son approche.

Une rencontre à remplir d’émotions du point de vue de Mia

singe femme Stefan Keller
l'expression d'une rencontre extraordinaire , création de Stefan Keller

Mia se sentit touchée par l’inconnu et s’en étonna. Pourquoi éprouvait-elle soudain de l’intérêt pour cet énergumène ? Il dégageait une tension presque surnaturelle. L’agressivité de ses gestes collait mal avec une certaine hardiesse dans l’expression de son visage. C’était de l’affliction. Diulma, quant à elle, se délectait sans joie du spectacle de son tourment. Néanmoins, toutes deux pressentaient que ce pauvre dévoyé venait à elles dans l’intention désespérée de communiquer, à la recherche d’une écoute compassionnelle. Dans un même élan, les filles prirent le parti de s’asseoir pour mater son incivilité. Elles étaient seules sur la plage. Les rares compagnons restés après la fête s’étaient rassemblés à l’intérieur du bar.

Arrivé à leur hauteur, l’individu cessa ses ânonnements rauques et déchirants qui n’avaient attiré l’attention de personne. L’homme finit par s’asseoir placidement face à elles, sur le sable sec. Dans un demi-silence, il ouvrit les lèvres pour ne rien dire. Il portait une tunique en toile de jute, à l’image qu’on se ferait d’un moine du Moyen Âge. Il emprisonnait ses doigts autour de la corde qui enroulait sa taille et les gratifiait d’une panoplie de mimiques faciales des plus saugrenues. C’était à la fois comique et tragique. Sur la défensive, Diulma et Mia ne pouvaient se permettre d’en rire. On aurait dit qu’il n’arrivait pas à se décider : exprimer sa fureur pour ce que le monde avait de plus laid, de plus vil et dangereux, ou leur exprimer son désarroi le plus profond. Il finit par s’immobiliser, les toisa un long moment pour les aborder finalement avec une certaine civilité.

Un dialogue de structure qui attend les fondements de sa vie

‒ Moi c’est Aldo, dit  le moine. Je reviens de la réserve d’Alto Nanay en Amazonie occidentale. J’étais chez les Indiens Pechico, reprit-il après une courte pause. J’ai parlé aux plantes. Elles m’ont parlé ! Les plantes. Je ne… Je vous assure que… je ne supporte plus… l’ignorance du monde. Je n’arrive plus à l’endurer. Je suis vraiment… perdu, j’ai envie que la mort me porte dans l’univers. Oui je rêve de mourir et de revenir. Chaque nuit je rêve de ma mort. Je veux tous vous tuer ! Pas vous ! se défendit-il bêtement. Les plus dangereux, surtout. Je voudrais tuer tous ces abrutis, ces gringos abuseurs, ces cannibales poilus ! Je veux anéantir ces massacreurs de beauté et d’âmes. Je… je sais qui vous êtes ! Vous êtes les rédemptrices ! Je vous cherchais, je vous espérais, je vous attendais mesdemoiselles, mes sauveuses. Qu’est-ce que vous faites là ?

‒ Moi, c’est Diulma, et elle, c’est Mia. Je suis née dans ce village et nous travaillons avec les Indiens du Para du Brésil mais nous sommes installées au Pérou.

‒ Nous travaillons avec eux à l’élaboration de programmes éducatifs bilingues pour qu’ils accèdent à nos connaissances en économie et en chimie, ajouta Mia avec décontraction.

‒ Ah, je vois, fit-il d’un air ironique, un sourire en biais. Vous êtes les nouveaux missionnaires du XXIème siècle. Des démons colonisateurs au visage d’ange.

Là, Mia éclata d’un rire franc et cristallin dont la blancheur rayonnait dans la pénombre. Riant toujours, elle enchaîna sur une douce dénégation :

‒ Ce sont eux, les Indiens, qui revendiquent ce changement. Nous, nous ne sommes que les anges répondant par miracle à leur appel.

Incrédule, Diulma se demandait pourquoi son amie révélait la nature de leur travail, par ailleurs si confidentiel, à ce pauvre égaré. Elle se retrouva totalement ahurie lorsque, contre toute attente, Mia demanda de but en blanc :

‒ Veux-tu être l’ange déchu qui sauve la planète ?

Aldo releva un peu plus le menton et la capuche de son uniforme glissa légèrement. Les lumières lointaines du bar révélaient un visage clair parsemé de taches de rousseur, et laissaient deviner une tignasse rouge et hirsute. Ses grosses lèvres ouvertes restaient en suspens. Il resta un instant dubitatif, fouillant des yeux le fond des prunelles sombres de son interlocutrice. Son regard fou s’éteignit, accueillit un éclair de lucidité qui détendit ses traits tirés comme sous l’influence d’une onde régénératrice. Son discours irrationnel ne perdit rien de son intensité mais son visage retrouva la belle douceur de celui d’un enfant.

Mes séances d’écriture sans structure m’ont menées à la création d’un monde à venir (accédez à mon bonus offert pour en savoir plus)

L'heure de la terre
La création de l'Amérindrie, "L'heure du monde" de Cristian Ibarra

Au bout d’un moment, Diulma se leva et les laissa causer dans la nuit chaude. Elle marcha vers une grande demeure, majestueuse bâtisse en bois délavé, lovée à quelques pas de la plage et monta l’escalier extérieur qui serpentait jusqu’au balcon sculpté. Elle entra nonchalamment par l’une des fenêtres du premier  et s’affala sur le lit. À son  réveil, Diulma les trouva assis au salon autour d’une tasse de thé. Ils causaient toujours mais, cette fois, Aldo usait d’une voix grave et suave qui n’avait rien de comparable avec l’intonation agressive et nasillarde de la veille. Elle salua Mia et partit déambuler jusqu’à l’entrée de ce qui ressemblait à une boulangerie. La boutique était une baraque surplombée d’un auvent qui abritait un four rustiquement aménagé dans un amas de briques et de terre. Une forte odeur de bois brûlé se mêlait à celle du pain. Lorsque Diulma revint avec le petit déjeuner, Mia lui annonça qu’Aldo prenait part à l’aventure.

Dès lors, Aldo arpenta le monde à leurs cotés, soutenant leur projet à bras le corps. Finalement, Mia eut le nez fin. Aldo joua un rôle crucial au sein de l’organisation. C’est avec un acharnement constant qu’il apprit pas moins de trente-huit langues amérindiennes. Instructeur en chef d’un régiment de traducteurs, Aldo devint la clé de voûte rassemblant et connectant plus d’une cinquantaine de tribus du Pérou et du Brésil, arbitrant dès le début la cohérence amérindrienne. Grâce à son travail, l’Alliance put assurer l’émergence de l’Etat Indépendant Amérindien en étant son principal financeur.

Le mec qui se raccroche aux branches

Le mec qui se raccroche aux branches, ça vous dit quelque chose ? Allez, réfléchissez un peu. Il peut s’agir d’une fille aussi. C’est le mec qui arrive dans un groupe comme un cheveu sur la soupe et qui donne l’impression de s’incruster… vous y êtes ? Aujourd’hui, je vais vous parler de cet accrocheur qui pimente une histoire.

Le mec qui se raccroche aux branches, ça vous dit quelque chose ?

Allez, réfléchissez un peu. Il peut s’agir d’une fille aussi. C’est le mec qui arrive dans un groupe comme un cheveu sur la soupe et qui donne l’impression de s’incruster… vous y êtes ? Aujourd’hui, je vais vous parler de cet accrocheur qui pimente une histoire. Vous y découvrirez Aldo, un personnage de mon futur roman, et Greg, un personnage de la série « Succession ». Le premier est fou, carrément psychotique — le genre de mec qui n’inspire pas vraiment confiance, et le deuxième est du genre réservé, influençable, et qui ne casse pas des briques. 

L’utilité de ce personnage jocker

Le mec qui se raccroche aux branches peut être banal, introverti, voire presque invisible ou, au contraire, troublant et inquiétant. Qu’il ait l’apparence du loup ou de l’agneau, ce personnage présente bien des avantages dans la création d’un récit. En s’incrustant dans le groupe que forment les personnages principaux, il ouvre une zone d’incertitude. C’est une clé des possibles. En clair, il joue le rôle tant convoité du grain de sable.

Comment aborder ce type de personnage jocker ?

Le mec qui se raccroche aux branches permet à l’auteur de jouer sur les contrastes. Pour faire simple, on peut le classer en deux catégories. Celui qui ne semble présenter aucun danger, innocent, faible, dépendant, inexpérimenté mais bien intentionné, et celui dont on se méfie d’emblée et qui aura du mal à s’imposer. Le premier est souvent attachant et permet de placer des effets comiques, tandis que le deuxième peut attirer la sympathie tout en accentuant le suspens. Dans les deux cas, son rôle est de nous faire douter. Que ses intentions soient bonnes ou mauvaises, on sent que son incursion va créer des problèmes.

Dog - Tumisu
La fragilité de l'homme face à son propre pouvoir, photo de Tumisu

C’est tout à fait le type de personnage qui fait douter le lecteur. On n’est sûr de rien, on sent d’emblée qu’il y a un truc qui va déraper. Avec lui, on est sur le fil du rasoir. Pourquoi ? D’abord, il est souvent en position de faiblesse apparente, en marge, et donc instable, risquant de perturber l’équilibre fragile du groupe. Ensuite, s’il est intégré au groupe, personne ne sait encore quel rôle il va vraiment jouer dans la suite de l’histoire.

L’exemple de Greg Hirsch, le cousin qu’on n’avait pas revu depuis notre enfance

La famille Roy au complet - d'après la série de Jesse Armstrong "Succession"

Allez jeter un œil à la série américaine de l’écrivain britannique Jesse Armstrong : « Succession ». L’auteur met en scène la réalité dynastique des conglomérats médiatiques. Un magnat de la presse est sur le point de passer l’arme à gauche, mais la passation de pouvoir à ses enfants n’est pas de tout repos.

Et devinez qui apparaître à l’écran dans la scène d’ouverture de l’épisode 1 ? Le mec qui se raccroche aux branches, bien sûr ! Greg Hirsch est le neveu de Logan Roy, le fondateur de l’empire médiatique Waystar Royco. Ce dernier est sur le point de fêter ses quatre-vingts ans. Greg va débarquer sur la place juste avant l’incident déclencheur et il va essayer de s’incruster, se raccrocher à la famille Roy. Cette famille de dingues est aussi qualifiée de « nid de vipères » par le grand-père de Greg. 

Greg Hirsch
La scène de son arrivée le positionne d'emblée sur la pointe comique de la tragédie

Ces fameuses branches sont une métaphore des personnages principaux qui constituent le pilier de l’histoire, le tronc de l’arbre, le nœud du problème. Je préfère l’image de l’arbre pour structurer une histoire, et de ses branches pour parler des personnages. 

Le placement de Greg dans le scénario de « Succession »

Greg Hirsch est embauché dans l’un des parcs d’attraction de la famille Roy (c’est l’une des branches d’activité du consortium). Sa première journée de boulot tourne au fiasco. Alors sa mère le pousse à partir pour New York demander du boulot à la source, chez la famille Roy. Greg n’a pas vraiment de contacts avec ses cousins puisque son grand père est en froid avec son frère, Logan Roy, le fameux PDG du groupe. Il débarque donc, quelques jours avant les 80 ans de Logan. Sans vouloir spoiler l’histoire, Greg se trouve au bon endroit au bon moment, quand tout va basculer.

Greg est le pion parfait qui atterrit en plein élément déclencheur. Toute la petite famille est donc réunie pour l’anniversaire de Roy Logan, et Greg est de la partie.  C’est là que Roy a une attaque. Transporté d’urgence à l’hôpital, le monde de la finance est en émois. Qui va lui succéder ? Greg se retrouve alors pris à parti en pleine cellule de crise, pour de menu détails. C’est ainsi que son rôle se dessine, en fonction des réponses qu’il apportera à chacun des membres de cette famille qui dévoilent leur émotivité à ce jeune inconnu qui « est quand même de la famille ». Il est parfait pour devenir l’arme secrète.

Le mec qui se raccroche aux branches est toujours un personnage de crise

C’est un personnage très utile pour jouer dans la cour des grands sans éveiller les soupçons. Et, dans le cas où ça foire, il est encore éjectable puisqu’il n’a pas encore sa place au sein du groupe. Pratique, non ? Il s’avère également très utile pour donner du piquant à l’intrigue.

Maintenant, prenons l’exemple d’Aldo, un personnage que je vais mettre en scène dans « La Main invisible » (La Main invisible est mon futur best seller. Ouais, les affirmations positives, paraît que ça marche, à force. Allez, hop ! Tous les matins je me répète « J’écris mon best seller, il sort en septembre prochain ») Ok ! Reprenons.

Dans mon histoire, le mec qui se raccroche aux wagons s’appelle Aldo. Aldo n’est pas de catégorie 1 (le gentil mignon). C’est plutôt le genre de mec qui pousse l’individu sensé à changer de trottoir dès qu’on le voit arriver, même de loin. Il fait partie des accrocheurs (pour faire court) de catégorie 2 (le méchant pas beau). Même s’il semble ouvertement dangereux ou clairement problématique, il aura connecté avec l’un des membres de la structure convoitée.

L’exemple d’Aldo, le fou qui déchire tout

moine Michael Gaida
Aldo dit "le moine", oeuvre de Michael Gaida

Aldo, lui, est carrément le mec qui se raccroche au tronc. Pas d’intermédiaire, il sera intronisé par Mia, l’héroïne. Il rencontre Mia à un tournant crucial de l’histoire, et il a tout de suite conscience que Mia est reliée à une structure plus vaste, constituée de personnages importants, dont la puissance impacte la réalité ordinaire. Aldo veut en être et, contre toute attente, Mia l’enrôle dans l’aventure. Elle mise sur le fou, mais discrètement, et en périphérie.

Aldo est un personnage atypique que j’aime beaucoup. Il est à la fois paumé, psychotique et plein de ressources, évidemment. Je veux qu’il apporte de la profondeur au récit. Sa présence va forcément déstabiliser les relations du couple phare du roman. Une troisième personne nécessitant une attention constante, déséquilibre forcément une relation de couple, non ?

Pourquoi introduire « le fou » dans un récit comme un personnage jocker ?

Revenons à la question de son «  introduction dans le récit » (voir la scène de leur rencontre ici). Aldo, lui aussi, débarque au bon moment — c’est le propre du mec qui se raccroche aux branches. C’est le propre d’un personnage de crise. Il incarne la crise, la dépeint, et permet d’en révéler les rouages. Le fou a un potentiel extraordinaire et inexploité, comme pour bon nombre d’entre-nous. Mais, contrairement à lui, nous usons d’une épaisse couche de filtres pour ne pas nous l’avouer. C’est ce que j’aime chez lui. Il est tellement conscient de la nature extraordinaire de la vie que la gestion ordinaire de notre société le rend proprement malade.

Cette inadaptation aux lois du bien-pensant qui minimisent les risques et capitalisent les assurances matérielles, est viscérale chez lui. Les psychiatres détectent tout bonnement la partie irritée du cerveau, en contiennent les effets dévastateurs, et ont rarement le temps de considérer son système de pensée comme une source d’évolution pour l’humanité.

Le fou est le miroir de l’extraordinaire

Les écrivains peuvent y remédier, lui donner la parole, le fourrer partout, librement, semant le doute. C’est vrai, quoi, le fou dangereux est potentiellement partout et nulle part, finalement. Il permet de mettre des coups de pieds dans la fourmilière, passant librement de la comédie à la tragédie. C’est le rôle du fou, soit dit en passant. Et je suis persuadée qu’aujourd’hui, avec les avancées de la science en physique quantique et en épigénétique, nous réalisons de plus en plus à quel point les « fous » sont dans le vrai.

fantasy-Stefan Keller
Le fou voit l'arbre au-dessus de la ville, oeuvre fantasy de Stefan Keller

Pour moi, le fou est un personnage qui a conscience de la puissance de la vie au plus profond de lui-même. Parfois, cette conscience exacerbée ne parvient pas à trouver d’écho chez l’autre. C’est là que les problèmes commencent. Au lieu de nourrir cette conscience intérieure, il cherche désespérément un répondant à l’extérieur de lui-même. Il ne trouve ni guide ni justification dans le monde qui l’entoure, et c’est le drame.

La conscience se mange de l’intérieur, elle démultiplie les possibilités sans pouvoir en tester une seule. Et lorsque le fou tente d’en expérimenter certaines, toutes les routes lui sont barrées. Mais d’une force ! Pourtant, il ne fait que répondre à la vie ; c’est la société qui semble nier les voies d’accès.

En conséquence, lorsque le fou trouve un carrefour de possibles ‒ un groupe de visionnaires, par exemple, dont la norme est d’accéder à l’extraordinaire ‒ c’est une bénédiction pour lui. Il s’y engouffre et perçoit la lumière au loin ‒ c’est une voie d’accès que l’homme ordinaire ne capte pas.

Seuls les héros peuvent comprendre le fou et lui donner une chance de se révéler

Pour le fou, la connexion avec des êtres d’envergure est possible, c’est à lui de proposer ses services. Le problème (car il y en a forcément un) est que le fou s’immisce dans une structure relationnelle aux règles déjà établies. Et, bien souvent, le fou ne suit les règles qu’à contrecœur, c’est sa force et sa plus grande faiblesse. Cela provoque chez lui de terribles conflits intérieurs. La contribution d’un tel personnage est à double tranchant. D’où son intérêt dans la structuration d’un récit. 

fantasy-portrait Stefan Keller
"La contribution d’un tel personnage est à double tranchant" - portrait fantasy de Stefan Keller

Il peut s’avérer être un atout stratégique énorme pour ceux qui seront capables de miser sur lui. Qui ? Quel type de personnage sait ainsi risquer gros ? Celui qui a appris à encaisser les échecs et les erreurs monumentales qui terrassent l’homme ordinaire — ce vous, ce moi, qui rêverait de se libérer des prescriptions sociales. L’homme ordinaire mise sur la sécurité avant tout, parce que la force qui le pousse à agir est entravée, enchaînée, profondément enfouie en lui. N’est-ce pas ce qui nous enrage le plus, au fond de nous ? Car, naturellement, quand j’écris « homme », j’englobe tout le genre humain. Qui est cet « homme ordinaire » au fond ? C’est vous et moi, n’est-ce pas ? Jusqu’à preuve du contraire.

Aldo sera-t-il à la hauteur des enjeux ? Toute la question est là !

Pour en savoir plus, reportez-vous à sa rencontre avec Mia, mon héroïne. Avec ce genre de personnage, on peut amener le lecteur sur le fil, comme un funambule. L’amener à cette sensation bizarre de quitter ses certitudes sans être confus pour autant. Il ressent l’importance de garder l’équilibre pour achever le parcours du récit.

Lorsqu’il est intégré au groupe, le mec qui se raccroche aux branches reçoit forcément un rôle de confiance. On a tous ressenti ça un jour, on a tous ressenti la sensation de devoir être à la hauteur.

Le lecteur éprouve une imperceptible sensation de déséquilibre

Embarqués dans la réalité ordinaire, nous avons l’impression que seuls les héros peuvent se surpasser. Mesdames, messieurs, il est grand temps de se téléporter de la fiction à la réalité ! Le mec qui se raccroche aux branches n’est autre que ce suiveur qui ne se fait pas confiance, ce vous et moi qui accepte de se transformer en arme, manipulable par d’autres, jusqu’à la maîtrise de sa puissance personnelle.

L’arrivée intempestive du mec qui se raccroche aux branches permet aux stratèges de l’immiscer dans « les affaires », en sous-marin, incognito. Ils veulent, dès le début, jouer sur cette position avantageuse de jocker potentiel. Mon père me disait souvent qu’il faut faire confiance jusqu’à preuve du contraire. C’est à double sens. Prendre en compte la faiblesse humaine dans notre évaluation est le propre des stratégies à long terme.

Le mec qui se raccroche aux branches a un autre avantage dans le récit : il est ambivalent.

Dans mes deux exemples, le lecteur est poussé à se poser la question suivante : Aldo ou Greg va-t-il trahir ceux qui lui ont donné sa chance ?

Leur faiblesse et leur manque d’assise dans le groupe provoque des méfiances mal ajustées, de la discorde et des erreurs cruciales imputées injustement à des membres bien établis du groupe.

Pour finir, le mec qui se raccroche aux branches est aussi un fameux jocker pour l’écrivain, s’il sait le faire jouer sans ostentation mais avec l’assurance qu’il va rapporter une émotion forte.

Le lecteur le trouvera sympathique, haut en couleur, drôle par l’absurde, provoquant parfois un sentiment d’injustice frustrant.

Les 7 lois spirituelles des superhéros
"Les héros ne se laissent pas déstabiliser aussi facilement. C’est le rôle du mec qui se raccroche aux héros de jouer sur ce contraste"

Comment les personnages principaux peuvent-ils passer à côté de ses errements ?

 

Les héros ne se laissent pas déstabiliser aussi facilement. C’est au mec qui se raccroche à eux de jouer sur ce contraste : il met en valeur les lois spirituelles des superhéros.

Je vous invite d’ailleurs à lire « Les 7 lois spirituelles des superhéros » de Deepak Chopra, ou comment utiliser notre force pour changer le monde (et vivre au maximum de ses possibilités).