Comment sortir de la théorie de l’effondrement sans changer notre vision du temps ?

J’en veux à la science-fiction, largement diffusée, qui appuyait une vision de l’effondrement en nous plongeant dans un avenir inévitable, qu’on ne verrait pas venir, faute de solutions.

Notre vision erronée du temps a-t-elle fabriqué la théorie de l’effondrement ?

abeille bionique
Notre vision de l’effondrement a attribué au futur son caractère inévitable. Photo de Marian Anbu Juwan

« La France est en ruine », s’exclame Gilles Raveaud lorsqu’il dépeint la situation économique et politique de notre pays. « La croissance économique est létale », soutient Aurélien Barrau pour expliquer la cause de l’effondrement écologique. Quant à Juan Branco, il rapporte minutieusement que « la pratique de l’information s’est effondrée ». Voilà pourquoi j’en veux à la science-fiction ! Largement diffusée, elle appuyait une vision de l’effondrement en nous plongeant dans un avenir inévitable, qu’on ne verrait pas venir, faute de solutions. Où sont les solutions apportées par les auteurs de frissons high-tech ? Pourquoi nous abreuver d’histoires futuristes tirées trop logiquement du présent ? Pour enfermer notre vision du temps dans un présent logique et sublimé, fonctionnant simplement, selon les lois d’une causalité à sens unique. Dans cette orgie de prophéties, notre esprit a acquis la certitude qu’elles allaient se réaliser.

 Cette nouvelle conception du temps transformera-t-elle notre vision du monde ?

La vison collective
La fabrique de l'effondrement. Photo The Digital Artist

Nous pensons le monde avec une conception temporelle qui ne coïncide plus avec nos connaissances actuelles en physique. Notre niveau de compréhension du monde est dépassé par la Science. En conséquence, notre vision du temps est proprement obsolète. Mais nous gardons le voile, en maintenant nos habitudes de penser, d’enseigner et de prophétiser. Trajectoire figée. Nous avons tous en nous ces croyances profondes d’un avenir tout tracé, figeant tout espoir de transformer notre destinée. Dans une société qui clame sa rationalité, cette vision archaïque en fait sourire plus d’un, ne serait-ce que pour éviter de pleurer sur le gâchis planétaire auquel nous participons tous. Quelle est donc cette conception nouvelle qui ouvre une vision différente du temps et offre matière à solutions pour agir sur l’avenir ? Et, si le futur nous influence, même quand on ne s’en souvient pas, en quoi ça peut nous aider à le transformer ?

Notre perception de la réalité peut-elle dépasser les lois de la causalité ?

La physique quantique peut-elle nous sauver du temps ? Photo de John Hain

Les découvertes récentes de la physique quantique font échos à une vision du temps dont les lois de causalité semblent s’appliquer en sens inverse, du futur vers le présent. Parfois, cette vision nous apparaît, étrangement familière, ce qui généralement nous inquiète. Seuls les plus acharnés persistent à découvrir l’invérifiable. C’est là toute la beauté de la Science. Alors, à ses manifestations furtives, au détour d’une vision signifiante, certains chercheurs chassent sans relâche le filon de la réalité. C’est ainsi qu’une nouvelle « vision spatiale du temps », comme l’affirme Philippe Guillemant, se heurte à l’inertie de nos croyances, de notre foi en la loi de causalité du temps, ordonnée et linéaire, invoquant le présent comme le grand créateur du futur. Une nouvelle vision émerge, qui nous permet peut-être de sortir du scandale de l’effondrement immédiat qui, décennie après décennie, nous enlise toujours plus, sans la moindre perche à l’horizon.

Un changement de croyances nous permettra-t-il de changer l’avenir ?

évolue ou crève
peur, trahison, culpabilité, tout aide à croire que l'avenir est foutu. Photo de John Hain

Pour créer la perche, devons-nous apprendre le chant d’appel au futur ? Comme les oiseaux appellent le soleil aux premières heures de l’aube ? Et, cesser de rendre hommage au présent comme s’il était maître du temps ? Mais, pourquoi pas, les amis ! Est-ce qu’un changement de croyance détruirait le voile qui cache les barreaux de notre vision actuelle ? La vision d’une destruction des espèces nous est désormais familière. Si bien qu’un avenir différent n’est pas vraiment pensé, tout juste suggéré, discuté, tempêté, et finalement soumis au vote… Pourquoi s’est-elle imposée, cette vision d’effondrement ? Car, elle est vécue comme la conséquence d’un progrès dont nous nous sentons redevables. La culpabilité d’être en vie est un sentiment originel dont parlent les mythes. Manipulée par le pouvoir politique, cette culpabilité est dangereuse. La force d’inertie que nous vivons actuellement face aux ordres en est une incroyable illustration.

Soutenir la résistance scientifique pour sortir d’une conception dualiste

Le monde des possibles de la science moderne perce difficilement ce voile culturel et idéologique du progrès fantastique de l’intelligence artificielle, comme si notre avenir était déterminé par notre présent. Rien n’est plus faux d’un point de vue de la conscience, de la transpiration quantique qui explique aujourd’hui une toute autre lecture de l’évolution des espèces. Nulle école, aussi prestigieuse soit-elle, n’oserait remettre en cause ses manuels. Mais, avant même de regarder notre façon d’accueillir des découvertes scientifiques dérangeantes (à priori elles le sont toutes), pourquoi ne pas interroger d’abord notre vision binaire du changement ? Cette vision du changement de paradigme s’oppose à celle d’un renforcement des acquis. Préservation urgente des espèces naturelles contre adaptation urgente du vivant avant effondrement. Pour la première solution, il est trop tard. Pour la deuxième, « on est tous cobayes ». Pour la troisième, nous devons soutenir la résistance scientifique.

La différence entre chercheur et intellectuel a-t-elle une importance pour Emmanuel Macron ?

Quelle différence entre Michel Onfray et Emmanuel todd ? Aux yeux de Macron, aucune. Ces intellectuels gratuitement contestataires n’ont ni intérêt, ni légitimité politique.

Quelle différence y a-t-il entre un intellectuel et un chercheur ? Je reviens sur une question posée à Emmanuel Todd sur un tacle de Macron contre « les intellectuels comme Michel Onfray ou Emmanuel todd ». Aux yeux du président, ces intellectuels gratuitement contestataires n’ont ni intérêt, ni légitimité politique.

Quelle est la différence entre un chercheur et un intellectuel ?

Par médias interposés, Emmanuel Todd répond à Emanuel Macron qu’il n’est pas un intellectuel, mais un chercheur. Bon sujet de philo. Je pense voir la différence. Et, il est bienvenu d’en souligner l’importance. Le protocole de recherche est une arme tranchante, trop souvent bafouée, minimisée, manipulée aussi, pour faire passer des vessies pour des lanternes. L’expression est vieillotte mais cadre bien avec mon propos. Car, je pense au siècle dernier, où la « recherche et développement » a fait ses preuves. À tel point que le protocole devient garant de la vérité. En même temps, toute vérité n’est pas bonne à dire… Alors, petit à petit, le prestige du protocole s’est retourné contre nous. Une multitude de superstructures se sont mises en place afin d’être les garants du garant, les gardiens du sésame de la vérité. Logiquement, ce jeu ne devrait pas avoir de limites, les garants des garants, trouvant à leur tour des garants…

Les amis de Macron ne font plus de sentiments, ils ont leurs amis pour ça.

Que voulait dire Macron en affirmant à un journaliste qu’il n’avait pas d’estime pour les intellectuels comme Todd ? Que notre intelligence (ou du moins la sienne) dépasse de simples spéculations intellectuelles ? Qu’il prend en compte, lui, une réalité plus vaste ? Qu’une recherche présidentielle appliquée calcule, de facto, les conséquences de ses expérimentations ? Une telle expérience grandeur nature, dans les domaines croisés de l’économie, de la politique et des technologies, n’est pas du domaine des théoriciens. Cette intelligence particulière fait fi des préjugés et des sentiments. Cette intelligence-là sait accepter les conséquences néfastes du progrès. C’est une logique tenace qui pousse à maintenir le cap des amis de Macron. Le meilleur ami de Macron, c’est Xavier Niel. Le président aime quelques puissants amis. Tous les autres n’ont pas l’honneur d’en être. Macron et les siens s’accordent avec les conglomérats de la chimie, de l’énergie et de la technologie.

La recherche de la vérité est filtrée par nos superstructures institutionnelles

Au final, l’intellectuel et le chercheur ont un point commun : la quête de vérité. Tous deux éclairent notre compréhension. L’intello pousse à réfléchir, le chercheur donne matière à réfléchir. La différence est subtile. Par contre, du côté de Macron et ses amis, c’est leur haute conscience de la réalité qui les autorise à expérimenter sur le vivant, directement. Ce sont eux qui s’approprient la recherche appliquée avec la logique suivante : puisque la nature est déjà modifiée par la chimie, lutter contre l’inexorable progrès est une perte de temps. Dans cette logique, le temps nous est compté, effectivement. Modifié aujourd’hui par la génétique et les ondes électromagnétiques, notre avenir est tout tracé si l’on se contente de le calculer en fonction du présent, peu réjouissant, comptabilisant une pollution exponentielle en route pour notre extermination. Dans un tel schéma, je suis persuadée que Macron et ses amis ont une vision du sauvetage.

La vérité disparue du monde macroniste par manque de conscience politique

L’argent est le moyen, pas la fin. Et c’est là qu’on ne doit pas se tromper. L’argent garantit la valeur de leur mission. Sa perte est toujours synonyme de dépréciation (de soi) pour les tenants d’un capital (symbolique et matériel). Pas seulement une dépréciation de capital, mais aussi de leur intelligence, des solutions qu’ils imposent. Le gain assure la valeur de leurs fondements d’appartenance à une conscience supérieure. L’avenir qu’ils défendent ne peut être contesté. Quel est cet avenir ? Maîtriser la transformation accélérée du vivant pour s’y adapter. Pour cela, l’expérimentation est indispensable, tout autant que le pouvoir et l’argent nécessaires pour mener leurs expérimentations. Le chercheur ou l’intellectuel n’a pas plus de vertu. La différence est seulement individuelle, selon la conscience de sa responsabilité. Et aussi pratique, en fonction des moyens d’expérimenter sur le terrain macroéconomique. Là encore, on pourrait y opposer l’approche individuelle du sentiment de responsabilité.

La responsabilité dont je parle n’est pas un sentiment mais la véritable quête de l’homme. Un état d’être conscient à la vie. Un état inconnu dans le monde de Macron où la vérité ne compte pas.