Le cadre de l’histoire se dessine et les personnages prennent place

Soledad est ma porte d’entrée. L’œil par lequel je vois et j’interroge : suivez l’écriture d’une nouvelle noire en 21 jours en cliquant ici

Hello tout le monde ! Vous suivez en direct l’écriture d’une nouvelle noire pendant 21 jours pour le concours « Quai du Polar » 2021. Je vous parle aujourd’hui, presque une semaine après le démarrage de ce défi, de la mise en scène de départ. J’arrive à voir le camp des héros : le labo et l’équipe de recherche.

Je cadre l’histoire en imaginant la vie des personnages principaux

labo de recherche
Le camp des héros est celui de l'Affaire Roundup : des scientifiques engagés pour la vérité. Photo de Weipeng Lin

— La vision tronquée de la médecine darwinienne a parlé !

C’est amusant, de créer une « anti ». Soledad discute, se rebelle par des phrases assassines, toujours en rapport à ses conceptions peu orthodoxes de la biologie moléculaire, navigant entre épigénétique et physique quantique. C’était la fille sympa qui se la ramenait. Mais, elle était douée et savait pourtant rester à sa place. Sa présence au labo était appréciée, notamment par Renaldi Sirrar en personne. Soledad lui donnait certaines directives pertinentes grâce à son regard décalé, justement. Là, c’est différent, le résultat de leurs recherches a provoqué un tel ras de marée que toute l’équipe est dans la tourmente. À chaque pression subie, venue des lignes ennemies ou de l’intérieur du campus, l’équipe relève la tête comme un seul homme. Une équipe soudée sur laquelle Sirrar s’appuie. Jusqu’à ce que le professeur Sirrar reçoive un coup de fil qui va déclencher notre histoire.

Un coup de fil déclencheur fait basculer la vie de l’héroïne Soledad

coup d'alarme
L'évènement déclencheur permet de faire basculer la situation de départ. Photo Sam Williams

Un matin, dès l’aube, on annonce à Sirrar que sa jeune assistante, Soledad, fait partie du camp ennemi. Ceux-là même qui font tout ce qui est en leur pouvoir (et ils en ont, des leviers de pouvoir !) pour les écraser. C’est un coup de poignard que Sirrar reçoit en plein cœur. Soledad Valenski est donc la fille d’Artus Wolden, un chef d’industrie en cheville avec Tomason ? Comment cette info est-elle passée inaperçue  ? Soledad a-t-elle sciemment caché le nom de sa famille ? Est-elle une infiltée ? Après la douleur, la colère livre bataille à la raison. Soledad est plus que ça ! Ces derniers mois, la tension était si forte que le comportement étrange de la jeune assistante passait en dommages collatéraux. Tout le monde est à cran et un brin paranoïaque. Que Soledad se démarque, une fois de plus, n’avait rien d’alarmant. On est en guerre, bordel ! Et Soledad est leur taupe !? Non, c’est impossible. Soledad est pourtant virée sur le champ.

J’ai trouvé le nœud de l’intrigue : une tentative de meurtre et une héroïne impliquée chez les méchants

meurtre

La tension est énorme. Jusqu’au jour où elle prévient Sirrar qu’il ne doit pas se rendre à sa conférence à Londres. Elle sait quelque chose. Elle a entendu des choses… En fait, elle n’est pas là pour le tuer, mais pour le sauver. Comme je vous le disais hier, ça a l’air d’une formule bateau, mais c’est vrai. Même mise à l’écart, Soledad connaît les deux mondes qui s’affrontent. Lors de ma lecture de « L’affaire Roundup à la lumière des monsanto papers », j’imaginais les hommes et les femmes qui œuvrent sans état d’âme (preuves à l’appui), à la commercialisation du roundup et des OGM… Quelle partie du cœur s’anime en eux ? Soledad, mon instigatrice, vit donc dans ces cœurs-là. Soledad sait ce que font et ce que pensent les deux parties en guerre. Moi, je ne sais pas. J’imagine une famille de chimistes. Des hommes passionnés, imbus de leur savoir et du pouvoir qu’il confère. 

L’ennemi est puissant et capable de tout, sorti tout droit de la réalité

ennemi mortel
Face à l'ennemi sans scrupule, comment se mettre dans la peau de mon héroïne autant que dans celle du méchant ? Photo de Comfreak

Je ne sais pas pour vous mais, moi, je rêve parfois des alchimistes ; ne sachant jamais quelle part de folie rejoint la partie héroïque ou blasphématoire de leur célébrité. Dans son livre, Séralini parle d’une scientifique, grand stratège de l’ex-firme « Monsanto », occupant le même poste aujourd’hui chez Bayer. Comment une scientifique devient-elle le chef d’orchestre de la manipulation médiatique pour la plus grande industrie chimique du monde ? Comment imaginer le système de pensée d’un tel ennemi ? Car, nous sommes tous logés à même enseigne : nos traumatismes nous façonnent à l’image de nos propres mensonges. Soledad a forcément un côté de moi. Je m’identifie légèrement à elle, puis je la laisse vivre. Évidemment, Soledad est ma porte d’entrée. L’œil par lequel je vois et j’interroge : quelle éducation a-t-elle reçue, et par quels artifices ? Quels sont les obsessions inconscientes qui la rongent ? De quoi cherche-t-elle à se libérer ? Des questions « bateau » ? 

La suite demain, abonnez-vous pour connaître l’issue de cette nouvelle, à écrire avant le 31 mars pour le CONCOURS DE NOUVELLES NOIRES « QUAIS DU POLAR » 2021. Soyez nombreux à vous abonner !  Reste 17 jours.

Comment écrire un roman sans perdre l’attention du lecteur

Comment écrire un bon, un excellent roman ? C’est la question qui m’obsède et à laquelle je réponds en écrivant « Le Projet Line ». Décortiquer en live ma méthode d’écriture. Voilà ce que je nous offre !

Comment attribuer un sens à son roman et toucher le lecteur

garder un secret est une torture
"La sœur n’a pu échapper à la pression et ne s’en est pas sortie. Dans le roman de Line, le lecteur doit vivre cette pression exercée sur notre héroïne."- La torture du secret : photo de Comfreak

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
unique !

Comment mon roman vogue entre l’écriture des scènes et la construction d’un suspense

"Je peux me raccrocher à la question centrale : à quoi sont destinés les superpouvoirs de Line ?" - Photo de Comfreak

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
unique !

Après l’article sur le suspense et les textes que nous avons échangés ensemble, j’écrivais une scène, ce matin, où Line se retrouve seule dans le jardin de l’école avec sa professeur de biologie. Line vient d’arriver dans son nouveau pensionnat. Ses parents l’y ont déposée le matin même pour sa toute première semaine. En attendant l’arrivée des autres enfants, elle se trouve avec Estelle Frausier, docteur en biologie cellulaire, passionnée de botanique et reconvertie en institutrice dans une école privée de Bordeaux. Bien évidemment, cette école n’est pas commune. Rien de spécial pour des enfants spéciaux, non. C’est une école que seuls les plus riches peuvent se payer avec les meilleurs professeurs. Quand l’argent est disponible, tout est possible, non ? Alors voilà, Line devine la pensée d’Estelle frausier et, naturellement, y répond. Estelle est surprise de la coïncidence, mais elle ne se dit pas, au premier abord, que Line lit dans les pensées. Non, bien sûr que non. D’ailleurs, si vous y pensez, il en faudrait beaucoup pour que quelqu’un se dise qu’untel sait lire dans les pensées ou a des superpouvoirs. Je me demande soudain s’il est judicieux de commencer ce roman en révélant au lecteur que Line a des pouvoirs extrasensoriels. Cependant,  remettre en question tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent serait bien embêtant, vous en conviendrez.  Yves Lavandier dit qu’un bon écrivain en est capable. Il appelle ça « l’épreuve de la poubelle ». Je préfère me dire que je divague. De plus, je peux me raccrocher à la question centrale que j’ai identifiée précédemment dans mon article sur le suspense : à quoi sont destinés les superpouvoirs de Line ?

Comment j’explore les questions qui se rattacheront au point de vue défendu dans mon roman

mécanismes mentaux
"La sœur de Joe devint mentalement déséquilibrée" - Mécanismes mentaux Photo de Comfreak

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
unique !

Je me suis abonnée à INRESS TV. Des tas de vidéos sous forme d’entretiens et d’émissions y sont accessibles sur les sujets qui nous intéressent pour le roman. Joe Mc Moneagle, médium ayant travaillé pour les services secrets américains, parle de son parcours. Lui et sa sœur jumelle avaient des dons de voyance et, rapidement, leurs parents ont exigé d’eux qu’ils n’en parlent surtout à personne. Joe raconte que sa sœur n’était malheureusement pas à l’aise avec ça. Elle était apparemment incapable de garder « ça » pour elle. Probablement obsédée par l’obligation de cacher sa clairvoyance, elle éprouvait le besoin de confier ses visions et, face à la question du tabou et à l’incompréhension de la société, voire à l’hostilité de son entourage qui aurait préféré ne rien savoir, sa frustration a dû se retourner contre elle. Obligée de consulter un psychiatre, elle fut rapidement mise sous prescription médicale. Joe croit qu’elle fut victime de déséquilibres mentaux à la suite de cette prise en charge

Dans l’émission, il ne donne pas plus de détails sur son enfance. C’est dommage, mais ça me donne matière à réflexion. J’ai déjà envisagé l’enfance de ma super-héroïne sous la pression de cette réalité. Dans une société rationaliste, je pense qu’une tendance à la schizophrénie menace toute personne sensible ayant un don développé de clairvoyance (vision à distance et médiumnité). 

La sœur de Joe devint mentalement déséquilibrée. Lui s’en est plutôt bien sorti. L’armée a fait appel à un gaillard solide. L’idée que, dans cette situation, la femme ne se retrouve pas sur un pied d’égalité avec l’homme me traverse l’esprit.

Comment je mesure ces questions selon la tension émotionnelle qu’elles génèrent

Les parents auraient-ils évalué le problème différemment pour le fils et la fille ? Différencié leur éducation chez l’un et l’autre, même inconsciemment ? Le garçon bénéficie souvent de plus de latitude, l’inquiétude parentale étant souvent moins exacerbée que pour une fille. Il est donc possible que la pression fut plus forte sur la sœur. Plus sensible à cette position, manifestant peut-être aussi plus d’empathie, la sœur se retrouve dans un cercle vicieux, exacerbant l’anxiété de ses parents. L’empathie n’est pas forcément une attitude positive envers l’autre, genre bisounours. Je pense au contraire que quelqu’un capable de s’identifier aux souffrances d’autrui se trouve dans une situation délicate à gérer. Certes, la relation parent-enfant est très particulière. Mais, généralement, la plupart d’entre-nous cherchons à éviter de s’approprier les problèmes des autres, de les faire nôtres, n’est-ce pas ? S’en détacher permet de mieux les canaliser. Dans une attitude excessive, l’empathique peut non seulement souffrir face à la souffrance d’autrui mais, de surcroît, penser que le problème de l’autre est le sien. La confusion mentale n’est pas loin. 

Donc, voilà où se loge ma question n°1 pour le scénario du roman : Line va-t-elle en parler ? Depuis qu’elle est petite, Winston, le majordome, lui a appris à mesurer l’étendue de son secret. Line est sensée être plus intelligente que la moyenne de ses contemporains parce qu’elle intègre les informations avec un feedback de son mentor qui, naturellement, lui apprend à utiliser ses connaissances acquises grâce à ses dons. Entendre son père et Winston penser à la gestion des usines doit bien lui être utile. Elle apprend plus vite et plus en profondeur. Le soutien de Winston lui a donc donné une grande longueur d’avance.

Comment se poser les bonnes questions pour maintenir le lecteur en éveil

Maintenez votre lecteur en éveil par la magie de l'écriture
"Va-t-elle se trahir ? Si oui, va-t-elle se sortir du piège qu’elle aura tissé ?" La sorcière, photo de Comfreak


Line n'est pas seule...

Suis-nous !
unique !

Les questions qui tiennent le lecteur en haleine doivent être reliées au sens profond de l’histoire

"Peut-être ne savons-nous pas tisser les fils correctement." La Toile de Ilona

Malgré tout, en débarquant à l’école, la multiplicité des interactions va forcément compliquer ce travail d’intégration et peut-être même la déséquilibrer. Va-t-elle savoir gérer ? La question n°2 suit la première : le lecteur doit-il savoir que Line a des pouvoirs ? Je ne peux pas faire autrement. L’intérêt du travail effectué n’aurait plus du tout le même sens. J’imaginais le lecteur aussi ignorant qu’Estelle, surpris par cette petite qui semble lire dans les pensées… Mais, le lecteur ne peut ignorer que Line a des pouvoirs. Je devrais réécrire tout le scénario. Vous me direz : ton scénario n’est pas encore écrit. Bah, si, quand même un peu. Il y a la scène du bac à sable qui réactive les cellules dormantes de l’ennemi. Il surveille  Cécile, la mère de Line, depuis son adoption il y a trente ans. Non, même si le lecteur connaît l’existence des pouvoirs de Line, il ne sait pas à quoi ils sont destinés. Moi non plus, d’ailleurs, pas encore. Et, la question est : va-t-elle se trahir ? Si oui, va-t-elle se sortir du piège qu’elle aura tissé ?

"J’imagine la sœur de Joe, prisonnière d’une toile d’araignée qu’elle a elle-même tissée" - photo de Cari R.

C’est un peu comme ça que j’imagine la sœur de Joe, prisonnière d’une toile d’araignée qu’elle a elle-même tissée. C’est peut-être les autres qui l’emprisonnent en l’encourageant, par ignorance, à s’entortiller dans ses fils. Il est possible que nous soyons tous des tisseurs sans le savoir, que l’existence de la toile nous échappe, et que l’ignorance nous aveugle et nous emprisonne. Ou peut-être ne savons-nous pas tisser les fils correctement. Joe et sa sœur les voient, eux. Mais, tandis que l’un apprend à les tisser, l’autre n’en a pas eu le temps.

Comme les fils invisibles de la toile, les questions de l’auteur tissent la trame de son roman

le centre de la toile
"Nous sommes, en quelque sorte, le centre d’une toile d’araignée qui nous relie aux autres" Photo de Johannes Plenio

Tiens, ça me fait penser au personnage de la tisseuse écrit par Déborah Harkness dans « Le Nœud de la sorcière » (voir mon article à ce sujet). Ce livre parle aussi du besoin vital de maîtriser l’art de tisser. Chez les sorcières, le tissage énergétique est un don. Il y a aussi l’histoire des fils invisibles de Castaneda, qui partent du nombril et nous relient au monde. Nous sommes, en quelque sorte, le centre d’une toile d’araignée qui nous relie aux autres. Lorsqu’ils bougent sur nos fils, nous sentons les vibrations émises, comme celles que provoque la mouche piégée dans la toile. Une toile multifonctionnelle : moyen de communication, organe de défense et arme d’attaque se confondent. 

histoire de super-héros
"Les questions sont invisibles mais bien présentes" Spiderman, par Dušan Naumovski

Dans une histoire de super-héros comme celle de Line ou de Spiderman, les questions sont invisibles mais bien présentes. Alors, Line va-t-elle s’engluer dans son propre piège ? Ses parents vont-ils pouvoir l’aider ? Quel plan Andy Shartz (le méchant) va-t-il fomenter ? Il pourrait l’aider à tisser la toile pour mieux la maintenir sous son emprise. Une grande bataille s’engage alors. Antoine, le père de Line, a les moyens de protéger sa fille. La mère, Cécile, est reliée aux pouvoirs de sa fille. Aidée de Thomas, le psychiatre, parviendra-t-elle à la sortir de là ? Et si le roman était un labyrinthe de souterrains, des souterrains temporels ? Lorsqu’un héros s’engage dans l’initiation, tout le monde doit suivre dans l’obscurité de ces souterrains, à tâtons.

Un super-héros est un leader. Non seulement il voit les fils briller dans l’obscurité des souterrains mais, il sait également comment les tisser pour remonter à la surface. Oui, Line devra apprendre à voir les fils (ses pouvoirs) et à comprendre leur triple fonction : moyen de défense et d’attaque, moyen de communication.

Trouver la question qui maintient le lecteur en éveil, c’est trouver le centre de ses préoccupations

l'araignée tisseuse
"Line est face à un adversaire redoutable, mais le lecteur ne devra le découvrir qu’à la fin." Photo de SplitShire

Je suis sûre que les parents de Line sauraient sortir leur fille de là ! Mais Line acceptera-t-elle leur aide ? Déjà, elle aura subit les séquelles de son inexpérience de tisseuse (confrontation avec le corps médical). Ensuite, notre méchant de l’histoire, Andy Shartz, pourra très bien opter pour une autre tactique. Bien que responsable des déboires de Line dans le monde cruel de la psychiatrie, il finira par l’attirer dans un piège bien ficelé. Pendant un temps, Line lui sera redevable. Secouée, ne sachant plus à qui faire confiance, elle finira par lui manger dans la main. C’est ce qu’il pense en tout cas, et le lecteur aussi. Ce que j’aime le plus dans les romans, c’est quand le héros semble se rallier à l’ennemi, avec un plan que le lecteur ignore. Line a trop souffert pour faire entièrement confiance à qui que ce soit. Si elle sait lire dans les pensées, elle doit pouvoir s’en sortir, non ? Mais, Andy Shartz est expérimenté. Bien que Line ait grandi, Shartz a un avantage sur elle : il connaît les mécanismes de ses pouvoirs et leurs origines. Et il a une armée de « sujets psi » à son service.

Alors, encore une fois, comment notre héroïne va-t-elle s’en sortir ? Line est face à un adversaire redoutable, à sa mesure (et le lecteur s’en doute mais ne devra le découvrir qu’à la fin). Pour l’instant, Shartz est le gros méchant. Il lui proposera une porte de sortie, alors qu’il est le vrai responsable des problèmes psychologiques de Line. Le lecteur fulminera, sachant qui il est vraiment, ou pas…

comment notre héroïne va-t-elle sortir ?
Qu’est-ce que le lecteur ignore ? Surréalisme, par Gerd Altmann

Pour résumer, deux questions importantes : qu’est-ce que le lecteur ignore ? Est-ce que Line va pouvoir tenir sa langue et éviter de gros ennuis en gardant l’étendue de ses pouvoirs secrète ? En clair, quelle est sa force de stratégie et son talon d’Achille ?

Tension, pression, injustice : l’émotion est le matériau nécessaire à l’orchestration suspense

le lecteur doit vivre cette pression exercée sur notre héroïne
"Épouvantés de traiter leur fille de névrotique ou plus certainement de schizophrène" Photo de Szilárd Szabó

J’imagine le sort de la sœur de Joe. L’angoisse de ses parents. En plus, ils avaient deux exemples opposés : la maîtrise du secret par leur fils et l’incapacité de leur fille à tenir sa langue. Ils devaient vraiment être malheureux de savoir la vérité sans trouver personne à qui en parler. Épouvantés de devoir se plier aux exigences du corps médical et enseignant, et traiter leur fille de névrotique ou plus certainement de schizophrène.

 Leur fille devait être perturbée, forcément, mais ils n’ont trouvé aucune aide appropriée. Il a dû y avoir beaucoup de discussions entre eux et leurs enfants, parfois dramatiques. La sœur n’a pu échapper à la pression et ne s’en est pas sortie. Dans le roman de Line, le lecteur doit vivre cette pression exercée sur notre héroïne, comme sur son entourage. Personne n’est insensible à l’injustice, selon son degré d’implication…

 Nous devrons vivre cette tension crescendo, qu’elle devienne insupportable, comme si nous vivions nous-mêmes ce drame au sein de notre propre famille. Mais, l’intérêt dans tout cela est de comprendre comment la toile est créée, comment il est possible d’en connaître les points d’amarrage, et les mécanismes de fabrication. Je cherche ce qui nous rassemble dans notre quête de l’équilibre : découvrir comment se servir de nos fils pour être capables de tisser notre propre toile.

La quête de l'équilibre
On en revient toujours à cette question d'équilibre - Le Yin Yang de Cari R.

C’est ça, au fond, que le lecteur cherche à apprendre : comment être au centre de la toile sans se faire piéger ? L’auteur a exactement le même espoir. Il y a un nœud, au cœur de notre humanité, constitué de deux fils, celui de la science et celui de la spiritualité. Notre seul espoir est peut-être d’apprendre à le dénouer. Affaire à suivre…