Le roman fantastique à l’épreuve du devoir de philo

L’auteur de roman fantastique doit-il faire ses devoirs de philo ? C’est avec beaucoup de résistance qu’il aborde la technique éprouvée du plan : problématique, thèse, hypothèse. C’est en explorant le pouvoir de l’intuition qu’il découvre la puissance autodestructrice de son esprit cartésien

L’écriture du roman fantastique à l’épreuve du plan : problématique et enjeu

la résistance au plan
l'écrivain fantastique peut-il faire l'économie de l'exigence implacable de son devoir de philo ?

La résistance au plan

Salut tout le monde ! Je suis en pleine phase de résistance. Certains écrivains se sentent plus en phase en déroulant les pages de leur futur bouquin, s’assignant même un nombre de mots obligatoire par jour, tandis que d’autres ne démarrent l’écriture qu’une fois leur plan établi. Moi, je balance entre les deux. Depuis que je « travaille » l’ossature de mon premier épisode, j’ai l’impression sordide de sortir de l’univers de mon roman. Où sont passés mes personnages ? Leurs actions ne se résument qu’à des fiches stériles que je ne parviens pas à faire exister dans ma tête. À contrario, j’aime la sensation d’immersion dans leur vie lorsque, chaque matin, je tisse un lien avec mes personnages, en allant les retrouver quotidiennement sans tout calculer à l’avance. Je les approche, je les devine, je suis comme une espionne qui les observe et les analyse. Avec ma nouvelle tactique d’approche, je ne me sens pas dans mon élément, c’est indubitable.

L’exigence de structure

Quand je dis « travailler »(le plan) entre guillemets, c’est parce que je bricole. Ma tête n’est pas habituée à penser en terme de structure, quand bien d’autres se sentiraient perdus s’ils accumulaient de la matière sans pouvoir l’ordonner dans un cadre préétabli. À la réflexion, ne suis-je pas en plein vagabondage intellectuel, justement ? Je sais que certains écrivains écrivent au fil de l’eau et que ça ne les empêche pas d’achever leur manuscrit. Et puis, je sais surtout que mes deux premiers bouquins « manquent de structure« . Même si je suis contente du résultat, je ne suis pas dupe. L’inspiration seule ne mène pas à l’excellence, et encore moins au best-seller recherché ici. Peut-être n’y parviendrai-je jamais. Mais, encore faut-il tenter le coup ! Alors, oui, je vais m’accrocher et continuer ces « fiches-actions » et « fiches portraits » qui s’abattent sur les murs de ma chambre, punaisés comme dans une mauvaise série policière.

L’ordre atteint son but

Les murs sont envahis de post-it et de caractères manuscrits qui ne me parlent pas. J’ai aussi tracé une longue ligne au feutre noir pour faire office de chronologie. Pour l’instant, je n’y ressens nulle vie et ça ne m’éclaire pas. Plus je colle et punaise ces mots, moins ça me rassure, et plus je m’éloigne de mon but. C’est à n’y rien comprendre. Mon cerveau serait-il en rébellion contre ma tentative d’ordonner ses idées ? Je ne vais pas me laisser faire. Une amie m’a envoyé une technique de plan qu’elle utilise depuis ses années de fac de philo. J’ai beaucoup d’estime pour son travail. Directrice de publication, elle est suffisamment calée pour que je prenne son document de trois pages au sérieux. Il m’apparaît si obscure que j’en ai mal au crâne. Je ne me démonte pas et commence à le décortiquer point par point. Et, ô miracle, il me parle. Je vous partagerai ici les deux premiers points. Le troisième nécessitant un temps de réflexion pour mon prochain article.

Les  pouvoirs intuitifs enfermés dans l’esprit cartésien : thèse et hypothèse

mental et intuition
le pouvoir de l'intuition n'est-il qu'une affabulation de l'esprit ?

L’enjeu de nos pouvoirs

Premier point : définition du problème et de son enjeu. Ça, c’est facile. Le problème est le suivant : Cécile s’aperçoit que son enfant a des pouvoirs (d’ailleurs, ce n’est pas très développé pour l’instant). Tiens, si je me focalisais sur ce sujet central ces prochains jours ? Mon plan serait peut-être plus facile à monter. L’enjeu est de cacher les conséquences de cette révélation au commun des mortels ou, du moins, d’en maîtriser l’impact. Deuxième point : construction de la problématique (thème, thèse, problématique). Là, j’ai du mal à comprendre. Serais-je butée, voire irrécupérable ? Disons que je suis face à ma plus grosse lacune : la construction. Bah, oui, c’est bien ça. Je me suis même aperçue récemment que j’avais du mal à viser un résultat, pour tout, en fait. Allez, ça se corse mais je m’engouffre dans la faille. Même pas peur, je me lance ! Mon thème entre dans le registre du fantastique mais pas dans le genre monstres et compagnie. Car, pourquoi inventer du fabuleux quand la réalité en produit déjà ? Je veux au contraire le révéler.

La thèse du pouvoir intuitif

Je veux étudier la réalité de nos pouvoirs intuitifs. S’ils existent vraiment, pourquoi n’apprenons-nous pas à nous en servir ? Je pense que c’est une longue histoire. C’est mon thème, assurément. Et, ma thèse, quelle est-elle ? Disons que, dans l’absolu, nous avons tous la capacité de développer notre pouvoir intuitif, selon notre éducation, notre apprentissage, les circonstances de notre vie et le développement de notre personnalité. Je définirais ce pouvoir intuitif comme une connexion à soi-même poussée à l’extrême, passant les limites de notre intellect et perçant les frontières de notre mental. Il nous permettrait alors de capter des informations. Ou, plutôt, d’être l’information elle-même ! Menant à la télépathie et autres aberrations surnaturelles pour nos pauvres esprits cartésiens. Je vous partage à ce sujet une référence que j’estime digne de foi. J’appelle Corinne Sombrun à la barre (voir la vidéo en fin d’article). J’ai lu tous ses bouquins et j’aime son retour d’expérience.

La question du refoulement

Mais, reprenons le plan. J’ai donc à formuler ma problématique. Où est le problème à résoudre ? Je dois réduire ma question à sa plus simple expression : comment développer son pouvoir intuitif dans une culture éducative enfermée dans l’intellectualisme pur ? Vaste question qui ne définit pas assez le problème traité dans mon roman : les pouvoirs de Line sont inconnus, rejetés et considérés comme nuisibles (car exprimés). Cécile, sa mère, a elle aussi des pouvoirs, mais elle a su les refouler étant enfant. Comme nous avons tous appris à le faire. La souffrance qu’on s’inflige ainsi est le problème. Comment le résoudre ?  En apprenant à accepter nos capacités intuitives, à en faire une force, à s’en servir. Comment ? C’est toute la démonstration que j’ai prévu de développer dans ce roman intitulé « Le Projet Line« . Line deviendrait une source d’inspiration pour le lecteur.

L’hypothèse de l’auto-destruction

Le troisième point demande réflexion : redéfinition de l’énoncé. Okay mais, c’est quoi mon énoncé ? Nous aurions une capacité intuitive dont nous ne concevons pas la puissance. Refoulée, coupée du champ informationnel, elle dérive, et nous nous en détournons, nous déformons les informations auxquelles nous serions naturellement reliés. Résultat, nous apprenons très jeunes à nous détourner de nous-mêmes et alimentons une opposition intérieure qui mène à l’auto-destruction programmée. Redéfinir l’énoncé devrait conduire à émettre une hypothèse de sortie de crise, non ? Une sorte de réveil intérieur ? Mais, pour parvenir à quoi ? Pour aller où ? Vers un nouveau rapport au monde ? Ça manque de substance. Le point positif est de s’en apercevoir. Je me posais encore la question quand un ami me parle de l’infirmière de Roswell. Et là, un nouvel horizon se présente à moi. Affaire à suivre…

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Rédiger le premier épisode du Projet Line en 3 mois

Je comparerais volontiers le romancier à un cartographe car j’ai constamment l’impression de sillonner un univers préexistant à mon arrivée. Et, je suis en charge de le restituer sur une carte. Mais, il peut devenir chorégraphe ou metteur en scène.

Premièrement, rédiger la scène d’ouverture

l'identité culinaire du roman - Photo de Pexels

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
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Serai-je prête à Noël pour rédiger ce premier épisode ?

J’ai rédigé une ouverture du roman avec Élise, la nourrice. C’est une bonne idée car Élise est un personnage qui doit éveiller de l’inquiétude chez le lecteur. En l’état, ma scène d’ouverture ne tranche pas dans le vif. Elle risque de faire fuir le lecteur. Ça peut marcher si j’arrive à susciter une certaine angoisse, à générer une alarme et de l’ambiguïté. J’ai rédigé son arrivée à Saint Jean de Luz. Je pourrais ensuite présenter Cécile et Antoine. Puis, revenir sur Élise qui sonnera chez ses nouveaux employeurs. Le lecteur se sentira alors inquiet pour la famille qui fait entrer un serpent dans la maison. Pour rédiger la scène d’ouverture, je dois élargir le spectre des questions.

Pourquoi la scène d’ouverture me préoccupe-t-elle autant dans la rédaction de mon plan ?

Un roman est un univers cohérent, un système de valeurs. Pour créer cette cohérence de valeurs, incarnées par les personnages, je rédige une première chronologie, quitte à la remanier par la suite. J’affinerai ensuite les actions et les portraits grâce à une nébuleuse de questions que j’ai posées en cours d’écriture. Par exemple, pour Élise, j’ai encore beaucoup d’éléments à rédiger. Si elle représente un danger pour Line, elle devrait susciter une réelle inquiétude chez le lecteur dès les premières lignes. Rédiger la scène d’ouverture pose les questions essentielles qui permet de rédiger le plan général. Comment et pourquoi Élise trouve sa place au sein de la famille ? Voilà une question qui interroge la cohérence générale du roman.

Pourquoi  je rédige le portrait d’un personnage clé qui ouvrira la porte de l’univers ?

Je note une seule question qui devra articuler l’épisode entier, et je décris un seul personnage pour l’incarner. Élise a des compétences rares, une intelligence éducative qui la rend précieuse. C’est un outil tranchant; elle est à la fois dangereuse et indispensable. Pour la mettre en scène d’ouverture, je dois comprendre pourquoi et comment elle se rend indispensable, pour la famille et pour le roman. Elle inculque quelque chose d’essentiel à Line. C’est un élément fondateur car l’histoire du comportement de Line s’explique à travers l’éducation qu’elle reçoit. Pour écrire le comportement d’un personnage, il faut partir de son désir. Comprendre quelqu’un c’est comprendre son désir. Ce dernier se construit en fonction de l’histoire qu’il se raconte.

Deuxièmement, inventer le désir de chaque personnage principal

Élise, l'incarnation du trouble

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
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Comment le désir personnel fait écho à celui des autres personnages ?

Ce qui rend une personne compréhensible, c’est son désir. Le désir est à la base de toute action, de toute vie. C’est à lui qu’on fait appel pour avancer, pour vivre et survivre, pour tout, en fait. Celui d’Élise est de servir la volonté de Dieu. La nourrice ne reculera devant rien pour être à la hauteur de la mission divine dont elle est investie : façonner l’homme en instrument de Dieu, former de grands hommes ! Ceci étant posé, la question cohérente est : que désire la famille pour l’éducation de Line ? Et, comment Élise peut-elle incarner deux facettes opposées sans se faire virer ? Elle changera de poste qui l’entraînera sur une mission encore plus dingue.

Comment inventer l’évolution d’un personnage en réponse à son désir ?

Élise deviendra-t-elle un fléau ? Mystère. Je sais pourtant que les déviances d’Élise ne passeront pas inaperçues. La nourrice ne peut être congédiée pour des questions de confidentialité, et se retrouvera coincée au service des d’Haranguier. Elle en éprouvera un profond ressentiment, ce qui n’est pas en cohérence avec ses valeurs. Il lui faudra donc sublimer ce sentiment en se donnant une mission plus haute. Sauver le monde de ce diable de Line ? Je ne sais pas jusqu’où Élise ira, mais je compte sur elle pour pimenter le jeu de l’intrigue. Je rappelle aux nouveaux lecteurs que la dévotion malsaine d’Élise est une invention d’Anton, mon fils avec qui j’ai commencé la rédaction du Projet Line (j’écris un roman en 3 mois avec mon fils).

Comment chorégraphier cette danse de désirs ?

Je comparerais le romancier à un cartographe plutôt qu’à un chorégraphe. J’ai constamment l’impression de sillonner un univers préexistant à mon arrivée. Et, je suis en charge de le retranscrire sur une carte. Cet univers est mesurable et à portée de découvertes, de représentations et de schématisations. Mais, il est vrai que, comme pour une danse, le rôle et la place de chacun est à mesurer au centimètre près. Qu’est-ce qui fait qu’Élise a sa place dans la famille et dans la suite de l’histoire, pour rendre cet univers (ou cette danse) cohérent ? La cohérence de ses valeurs joue avec celle des autres. On ne rédige pas un portrait sans prendre en compte tous les autres. Les costumes doivent se répondre.

Troisièmement, rédiger toutes les questions émanant de ma ronde de portraits

Diapositive précédente
Diapositive suivante

Pourquoi j’écris des scènes d’action avant de rédiger ma galerie de portraits ?

Je sais, c’est mal.  Au lieu de faire la rédaction de mon plan, je plonge dans un univers inconnu. J’annonce une échéance impossible à tenir dans cet ordre de marche. Au bout de 12 mois, je n’ai toujours pas rédigé de plan. Ouais, c’est très mal. N’empêche, même repoussées, les échéances de 3 mois, ça motive. Pourquoi rédiger dans cet ordre ? Pour m’imposer une dynamique d’écriture. Je rédige ensuite mes portraits en fonction d’une liste de questions directement tirées de mes scènes d’action. Maintenant, je peux écrire mon plan à partir d’une grille de questions propres au roman en cours, et rédiger ma chronologie d’actions. Je m’appuie sur une grille de portraits des acteurs principaux en action.

Pourquoi je parle d’acteurs après avoir parlé de personnages et de portraits ?

Ça correspond au ton de mon expérimentation actuelle. Pour ce roman, je me suis fixée deux objectifs : rédiger un plan et travailler l’écriture scénaristique. D’ailleurs, les lecteurs ont bien remarqué la dynamique d’action et le manque criant de descriptions dans la rédaction du premier jet. C’est une démarche sentie, puis conscientisée. Pour moi, cette conscientisation de l’écriture fait partie du travail d’élaboration du roman. J’y tiens, même si c’est long, fastidieux, en dehors des clous, en apparence. C’est aussi une question d’époque. Aujourd’hui, nous vivons l’image, nous respirons l’écran, et nous pensons scéniquement. Malheureusement, nous jouons à la création sans apprendre à nous en amuser. « S’amuser à jouer au créateur qui joue à créer », comme dirait Sidonie Bergot qui transmet cette notion dans ses ateliers

Est-ce que je me prends pour un metteur en scène de roman ?

Carrément ! Je convie mes acteurs principaux pour rédiger mon plan : la chronologie d’actions comme ligne d’appui, et la grille de lecture qui interconnecte tous les rôles entre eux. Rédiger les scènes d’action c’est constituer le squelette d’un organisme complexe (le roman). Disons que cet organisme vivant a un système de valeurs cohérent constitué de cellules (les acteurs), et chaque cellule a un rôle, une fonction déterminée pour faire vivre cet organisme (l’univers romanesque). Mes acteurs principaux sont mes cellules les plus précieuses. Interconnectés, ils amorcent l’action, en interaction avec les acteurs secondaires directement liés à eux et à l’intrigue principale. C’est la forme de la toile d’araignée, avec Line au centre.

La semaine prochaine, je vous partagerai mes techniques de création : un mur, des fiches cartonnées et des punaises pour rédiger notre premier épisode !

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
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Comment développer son talent d’écriture ?

Pour devenir un auteur à succès, il faut comprendre une chose : devenir auteur c’est devenir un héros ! Le voyage de notre héros ou de notre héroïne est un voyage parallèle au nôtre. Un héros passe des épreuves et se relève, il dérouille tellement que le lecteur soutient son ascension avec toute la force de conviction dont il est capable

L'écrivain doit-il se raccrocher à une formation ?

Pourquoi se former en écriture alors qu’on a tous les cours possibles à portée de main sans débourser un rond ? Depuis que j’ai démarré ce blog j’ai bien tâtonné. Et dans mes coups de déprime, j’avais toujours une super nana qui, avec talent, sincérité et conviction, me proposait l’aventure de ma vie dans une super formation en écriture. Bien sûr, on a tous besoin de se former tout au long de notre vie. Mais je pense que me raccrocher à quelqu’un qui me semble plus capable que moi, n’est pas la meilleure façon d’avancer dans mon initiation. Entre soutien et dépendance, la marge est toujours délicate.

l'écriture est une musique
Le talent d'écriture est une musique qui se joue en nous tous

L’auteur a-t-il intérêt à compter sur lui-même ?

Me sentirais-je plus capable en suivant une formation ? Tout dépend du chemin parcouru. Apprendre à puiser « la force qui est en nous » revient à compter sur notre potentiel, et à le développer. Si je prends mon exemple, j’ai mis une éternité à comprendre qu’une formation ne changerait pas mon sentiment d’incapacité trouble et sans fondement que je rumine. C’est rarement son rôle, même si le marketing de cette dite formation nous assure du contraire. Certains formateurs avouent que 90 % de leurs inscrits abandonnent rapidement. Ils ont beau être les plus motivants du monde et nous offrir une super méthode, la plupart d’entre-nous espérons secrètement que leur formation fera le boulot à notre place.

Alors, comment se raccrocher à soi ?

Ceci étant dit, la grande question serait : qu’est-ce qu’on fait pour se raccrocher à soi-même ?  On change radicalement de point de vue. On apprend à se manipuler et on se raccroche aux vertus de l’héroïsme dont nous sommes tous dotés. La capacité à se soutenir soi-même est l’élément incontournable qu’il nous faut développer. Cette capacité à croire en notre héroïsme est la seule véritable clé de notre talent ! Bon, si vous avez lu mon bonus, vous avez déjà une idée et, je l’espère, une pratique de votre talent d’écriture. Maintenant, moi, j’en suis à cette étape redoutable (en apparence) du PLAN.

Comment se raccrocher à un plan avec peps ?

Un bon roman ne peut s’en passer. Alors, si vous rêvez, comme moi, d’écrire un best-seller, y a pas à tortiller, il faut en passer par là. Créer un plan n’est pas une étape sans vie où nos personnages sont épinglés au mur comme des poupées de chiffon. Non, je dis « une étape redoutable en apparence » car j’imaginais cette épreuve comme une mort émotionnelle. Après des années d’écriture fondée sur le plaisir et l’insouciance (la fameuse immersion dont je parle dans mon bonus), je découvre que l’incontournable plan d’un roman est une phase méga excitante ! Si si, je vous assure. Et je vais vous le prouver !

Faire le plan de son histoire est une étape méga-excitante. Mais seulement quand on est prêts !

Comment fonctionne un roman ?

Avant de s’éclater à écrire un plan, il vaut mieux d’abord s’éclater à inventer son histoire. Quelle que soit la forme que nous sommes capables de lui donner, nous aurons matière à remplir les étapes de notre plan. Je rappelle brièvement qu’une histoire met en scène des personnages, et que l’auteur les mène d’un point A vers un point Z en passant par un labyrinthe savamment construit par la suite.  Notre rôle est de les obliger à faire quelque chose. Finalement, cela revient à dire qu’un romancier opère une manipulation mentale sur des personnalités distinctes.

Quelle est la fonction du récit ?

Tout romancier qui se respecte devrait donc manipuler des émotions et des opinions de départ pour les faire évoluer (ou pas, selon le sens de son propos). Mais, attention ! Un écrivain de talent sait une chose que peu d’entre-nous comprennent : si quelqu’un doit grandir, dans son histoire, ce sera son lecteur. Et pour réussir cet exploit, il devra faire appel à des sentiments puissants tels que le rejet ou l’empathie. La fonction du récit consiste à nous faire grandir ou à nous aider dans l’interprétation de notre monde, à apprivoiser nos émotions et à donner du sens aux évènements que nous vivons.

La technique du changement

Une histoire a un point de départ et un point d’arrivée autour d’un pilier central (le protagoniste). Ceci étant dit, prenons le point de vue d’un auteur qui crée un héros changeant de personnalité au cours de son histoire. Il doit alors travailler la trajectoire d’un héros qui évolue. Ce changement opère comme un voyage intérieur. La technique de faire évoluer un autre personnage proche du héros est une variante narrative. Cet « autre » provoque une telle influence sur le héros que le changement tant attendu opère : c’est le moment clé du récit

changement
Le changement trajectoriel du personnage est comme un voyage intérieur (photo Gerd Altmann)

La puissance du héros

Pour en faire un outil puissant, l’auteur doit pousser le lecteur à s’identifier aux personnages en les faisant bien dérouiller avant la ligne d’arrivée, s’ils y arrivent.

En résumé, si un auteur décide de créer un héros qui change de caractère et d’opinion, il doit miser sur la création d’une grande trajectoire interne (psychologique) qui permet au lecteur d’adhérer aux valeurs de ce changement et à l’objectif qui s’y raccroche.

La démonstration de Derren Brown

l'univers mental
Un écrivain est un véritable manipulateur (photo Jonny Lindner)

Maintenant, je vais vous parler du travail de Derren Brown,

le mentaliste et hypnotiseur anglais.

Quel rapport avec l’auteur d’un roman, me direz-vous ?

Je dois déjà vous prévenir que je mélange allègrement écriture de roman et de scénario. La confusion aujourd’hui est d’ailleurs monnaie courante. Nous baignons dans la culture des vases communicants ! Je vais analyser pour vous « Sacrifice », un reality show où Derren Brown donne carrément un cours sur la création d’une histoire à sensation et joue son meilleur rôle d’auteur : celui du manipulateur d’émotions.

(Voir l’analyse complète dans mon précédent article) 

Dans ce documentaire magistralement scénarisé, Derren Brown sélectionne un candidat américain aux opinions bien arrêtées sur les immigrants mexicains. Par un tour de passe-passe qu’on peut sans hésiter qualifier de manipulation psychologique poussée, l’illusionniste parvient à reprogrammer les opinions de son candidat jusqu’à l’issue annoncée. Dans une mise en scène digne d’une superproduction hollywoodienne, le pauvre cobaye se prend une balle à la place d’un sans-papiers. Les émotions sont bien au cœur de cette démonstration.

Comment créer un héros

Derren Brown fait d’un homme un personnage, rien que ça ! Alors qu’il affiche une parfaite empathie envers sa victime parfaite, il démontre que nos pensées et convictions ne sont qu’un ramassis confus d’opinions infondées. Et qu’une action ciblée sur la conception que nous avons de nous-mêmes, de notre propre image, permet de transformer radicalement le regard que nous portons sur le monde et les autres. En fait, nos opinions sont fondées sur les histoires que nous nous racontons, et nous croyons dur comme fer qu’elles nous définissent. Voilà bien l’erreur commune qui nous emprisonne !

Derren nous fait un cours magistral sur une application pratique de son talent. Il prend un point de départ (un candidat aux forts préjugés d’appartenance), annonce son intention (« Je veux créer un héros ») et démontre les mécanismes de sa fabrication. J’ai trouvé sa démonstration géniale ! C’est comme dans son spectacle « Miracle », il nous démontre que notre méconnaissance des mécanismes du présent — dont nous sommes en réalité les seuls dépositaires — nous empêche d’apprécier toute la puissance de notre mental.

La puissance du présent
Notre dissociation avec le Présent (photo de Gerd Altmann)

À la recherche de notre héroïsme

Comme tout bon auteur, Derren Brown a une intention de départ : nous démontrer que nous vrillons continuellement entre passé et futur sans concevoir notre juste appartenance au seul moment présent. Maîtrisant cette intention forte de nous faire évoluer, il parvient à nous  entraîner avec passion dans le voyage de son héros auquel nous nous identifions. Pour moi, Derren Brown est un grand conteur qui maîtrise la puissance du récit et démontre que la manipulation mentale est la clé du succès de l’auteur.

L’héroïsme est une vertu supérieure incarnée à l’origine par le demi-dieu (définition mythologique du héros), mais l’homme peut lui aussi aspirer à ce statut. Le culte du héros demeure toujours aussi essentiel pour nous aujourd’hui. Et le grand talent de Derren Brown est de nous prouver que nous le sommes tous. Il expose les mécanismes du devenir d’un héros. Concrètement, il plante les graines du changement. Il répond aux aspirations profondes qui nous animent  de devenir notre héros (réfléchissez bien avant de vous dire « non, pas moi »).

Devenez l’auteur-héros auquel vous aspirez

Ce moi-héros n’est autre qu’un soi complet, débarrassé de ces histoires qui nous forcent aux jugements erronés que nous nous racontons sur nous-mêmes et sur les autres.

Pour devenir un auteur à succès, il faut comprendre une chose : devenir auteur c’est devenir un héros ! Le voyage de notre héros ou de notre héroïne est un voyage parallèle au nôtre. Un héros passe des épreuves et se relève, il dérouille tellement que le lecteur soutient son ascension avec toute la force de conviction dont il est capable.

Un auteur parcourt les mêmes chemins, tombe dans les mêmes pièges et dégringole des montagnes entières. S’il a conscience que son intention n’est autre que d’atteindre son statut d’auteur-héros, il gravira chaque parcelle de cette montagne avec toute la puissance nécessaire pour relever le défi. Pour la simple et bonne raison qu’il aura compris l’enjeu du voyage.

C’est seulement à ce moment là qu’il comprendra l’importance de la carte. Ainsi, son excitation d’y voir l’emplacement du trésor chaque fois qu’une épreuve le terrasse, provoquera une telle montée d’adrénaline qu’il remontera en selle et continuera le voyage jusqu’au bout.

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