Le mec qui se raccroche aux branches

Le mec qui se raccroche aux branches, ça vous dit quelque chose ? Allez, réfléchissez un peu. Il peut s’agir d’une fille aussi. C’est le mec qui arrive dans un groupe comme un cheveu sur la soupe et qui donne l’impression de s’incruster… vous y êtes ? Aujourd’hui, je vais vous parler de cet accrocheur qui pimente une histoire.

Le mec qui se raccroche aux branches, ça vous dit quelque chose ?

Allez, réfléchissez un peu. Il peut s’agir d’une fille aussi. C’est le mec qui arrive dans un groupe comme un cheveu sur la soupe et qui donne l’impression de s’incruster… vous y êtes ? Aujourd’hui, je vais vous parler de cet accrocheur qui pimente une histoire. Vous y découvrirez Aldo, un personnage de mon futur roman, et Greg, un personnage de la série « Succession ». Le premier est fou, carrément psychotique — le genre de mec qui n’inspire pas vraiment confiance, et le deuxième est du genre réservé, influençable, et qui ne casse pas des briques. 

L’utilité de ce personnage jocker

Le mec qui se raccroche aux branches peut être banal, introverti, voire presque invisible ou, au contraire, troublant et inquiétant. Qu’il ait l’apparence du loup ou de l’agneau, ce personnage présente bien des avantages dans la création d’un récit. En s’incrustant dans le groupe que forment les personnages principaux, il ouvre une zone d’incertitude. C’est une clé des possibles. En clair, il joue le rôle tant convoité du grain de sable.

Comment aborder ce type de personnage jocker ?

Le mec qui se raccroche aux branches permet à l’auteur de jouer sur les contrastes. Pour faire simple, on peut le classer en deux catégories. Celui qui ne semble présenter aucun danger, innocent, faible, dépendant, inexpérimenté mais bien intentionné, et celui dont on se méfie d’emblée et qui aura du mal à s’imposer. Le premier est souvent attachant et permet de placer des effets comiques, tandis que le deuxième peut attirer la sympathie tout en accentuant le suspens. Dans les deux cas, son rôle est de nous faire douter. Que ses intentions soient bonnes ou mauvaises, on sent que son incursion va créer des problèmes.

Dog - Tumisu
La fragilité de l'homme face à son propre pouvoir, photo de Tumisu

C’est tout à fait le type de personnage qui fait douter le lecteur. On n’est sûr de rien, on sent d’emblée qu’il y a un truc qui va déraper. Avec lui, on est sur le fil du rasoir. Pourquoi ? D’abord, il est souvent en position de faiblesse apparente, en marge, et donc instable, risquant de perturber l’équilibre fragile du groupe. Ensuite, s’il est intégré au groupe, personne ne sait encore quel rôle il va vraiment jouer dans la suite de l’histoire.

L’exemple de Greg Hirsch, le cousin qu’on n’avait pas revu depuis notre enfance

La famille Roy au complet - d'après la série de Jesse Armstrong "Succession"

Allez jeter un œil à la série américaine de l’écrivain britannique Jesse Armstrong : « Succession ». L’auteur met en scène la réalité dynastique des conglomérats médiatiques. Un magnat de la presse est sur le point de passer l’arme à gauche, mais la passation de pouvoir à ses enfants n’est pas de tout repos.

Et devinez qui apparaître à l’écran dans la scène d’ouverture de l’épisode 1 ? Le mec qui se raccroche aux branches, bien sûr ! Greg Hirsch est le neveu de Logan Roy, le fondateur de l’empire médiatique Waystar Royco. Ce dernier est sur le point de fêter ses quatre-vingts ans. Greg va débarquer sur la place juste avant l’incident déclencheur et il va essayer de s’incruster, se raccrocher à la famille Roy. Cette famille de dingues est aussi qualifiée de « nid de vipères » par le grand-père de Greg. 

Greg Hirsch
La scène de son arrivée le positionne d'emblée sur la pointe comique de la tragédie

Ces fameuses branches sont une métaphore des personnages principaux qui constituent le pilier de l’histoire, le tronc de l’arbre, le nœud du problème. Je préfère l’image de l’arbre pour structurer une histoire, et de ses branches pour parler des personnages. 

Le placement de Greg dans le scénario de « Succession »

Greg Hirsch est embauché dans l’un des parcs d’attraction de la famille Roy (c’est l’une des branches d’activité du consortium). Sa première journée de boulot tourne au fiasco. Alors sa mère le pousse à partir pour New York demander du boulot à la source, chez la famille Roy. Greg n’a pas vraiment de contacts avec ses cousins puisque son grand père est en froid avec son frère, Logan Roy, le fameux PDG du groupe. Il débarque donc, quelques jours avant les 80 ans de Logan. Sans vouloir spoiler l’histoire, Greg se trouve au bon endroit au bon moment, quand tout va basculer.

Greg est le pion parfait qui atterrit en plein élément déclencheur. Toute la petite famille est donc réunie pour l’anniversaire de Roy Logan, et Greg est de la partie.  C’est là que Roy a une attaque. Transporté d’urgence à l’hôpital, le monde de la finance est en émois. Qui va lui succéder ? Greg se retrouve alors pris à parti en pleine cellule de crise, pour de menu détails. C’est ainsi que son rôle se dessine, en fonction des réponses qu’il apportera à chacun des membres de cette famille qui dévoilent leur émotivité à ce jeune inconnu qui « est quand même de la famille ». Il est parfait pour devenir l’arme secrète.

Le mec qui se raccroche aux branches est toujours un personnage de crise

C’est un personnage très utile pour jouer dans la cour des grands sans éveiller les soupçons. Et, dans le cas où ça foire, il est encore éjectable puisqu’il n’a pas encore sa place au sein du groupe. Pratique, non ? Il s’avère également très utile pour donner du piquant à l’intrigue.

Maintenant, prenons l’exemple d’Aldo, un personnage que je vais mettre en scène dans « La Main invisible » (La Main invisible est mon futur best seller. Ouais, les affirmations positives, paraît que ça marche, à force. Allez, hop ! Tous les matins je me répète « J’écris mon best seller, il sort en septembre prochain ») Ok ! Reprenons.

Dans mon histoire, le mec qui se raccroche aux wagons s’appelle Aldo. Aldo n’est pas de catégorie 1 (le gentil mignon). C’est plutôt le genre de mec qui pousse l’individu sensé à changer de trottoir dès qu’on le voit arriver, même de loin. Il fait partie des accrocheurs (pour faire court) de catégorie 2 (le méchant pas beau). Même s’il semble ouvertement dangereux ou clairement problématique, il aura connecté avec l’un des membres de la structure convoitée.

L’exemple d’Aldo, le fou qui déchire tout

moine Michael Gaida
Aldo dit "le moine", oeuvre de Michael Gaida

Aldo, lui, est carrément le mec qui se raccroche au tronc. Pas d’intermédiaire, il sera intronisé par Mia, l’héroïne. Il rencontre Mia à un tournant crucial de l’histoire, et il a tout de suite conscience que Mia est reliée à une structure plus vaste, constituée de personnages importants, dont la puissance impacte la réalité ordinaire. Aldo veut en être et, contre toute attente, Mia l’enrôle dans l’aventure. Elle mise sur le fou, mais discrètement, et en périphérie.

Aldo est un personnage atypique que j’aime beaucoup. Il est à la fois paumé, psychotique et plein de ressources, évidemment. Je veux qu’il apporte de la profondeur au récit. Sa présence va forcément déstabiliser les relations du couple phare du roman. Une troisième personne nécessitant une attention constante, déséquilibre forcément une relation de couple, non ?

Pourquoi introduire « le fou » dans un récit comme un personnage jocker ?

Revenons à la question de son «  introduction dans le récit » (voir la scène de leur rencontre ici). Aldo, lui aussi, débarque au bon moment — c’est le propre du mec qui se raccroche aux branches. C’est le propre d’un personnage de crise. Il incarne la crise, la dépeint, et permet d’en révéler les rouages. Le fou a un potentiel extraordinaire et inexploité, comme pour bon nombre d’entre-nous. Mais, contrairement à lui, nous usons d’une épaisse couche de filtres pour ne pas nous l’avouer. C’est ce que j’aime chez lui. Il est tellement conscient de la nature extraordinaire de la vie que la gestion ordinaire de notre société le rend proprement malade.

Cette inadaptation aux lois du bien-pensant qui minimisent les risques et capitalisent les assurances matérielles, est viscérale chez lui. Les psychiatres détectent tout bonnement la partie irritée du cerveau, en contiennent les effets dévastateurs, et ont rarement le temps de considérer son système de pensée comme une source d’évolution pour l’humanité.

Le fou est le miroir de l’extraordinaire

Les écrivains peuvent y remédier, lui donner la parole, le fourrer partout, librement, semant le doute. C’est vrai, quoi, le fou dangereux est potentiellement partout et nulle part, finalement. Il permet de mettre des coups de pieds dans la fourmilière, passant librement de la comédie à la tragédie. C’est le rôle du fou, soit dit en passant. Et je suis persuadée qu’aujourd’hui, avec les avancées de la science en physique quantique et en épigénétique, nous réalisons de plus en plus à quel point les « fous » sont dans le vrai.

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Le fou voit l'arbre au-dessus de la ville, oeuvre fantasy de Stefan Keller

Pour moi, le fou est un personnage qui a conscience de la puissance de la vie au plus profond de lui-même. Parfois, cette conscience exacerbée ne parvient pas à trouver d’écho chez l’autre. C’est là que les problèmes commencent. Au lieu de nourrir cette conscience intérieure, il cherche désespérément un répondant à l’extérieur de lui-même. Il ne trouve ni guide ni justification dans le monde qui l’entoure, et c’est le drame.

La conscience se mange de l’intérieur, elle démultiplie les possibilités sans pouvoir en tester une seule. Et lorsque le fou tente d’en expérimenter certaines, toutes les routes lui sont barrées. Mais d’une force ! Pourtant, il ne fait que répondre à la vie ; c’est la société qui semble nier les voies d’accès.

En conséquence, lorsque le fou trouve un carrefour de possibles ‒ un groupe de visionnaires, par exemple, dont la norme est d’accéder à l’extraordinaire ‒ c’est une bénédiction pour lui. Il s’y engouffre et perçoit la lumière au loin ‒ c’est une voie d’accès que l’homme ordinaire ne capte pas.

Seuls les héros peuvent comprendre le fou et lui donner une chance de se révéler

Pour le fou, la connexion avec des êtres d’envergure est possible, c’est à lui de proposer ses services. Le problème (car il y en a forcément un) est que le fou s’immisce dans une structure relationnelle aux règles déjà établies. Et, bien souvent, le fou ne suit les règles qu’à contrecœur, c’est sa force et sa plus grande faiblesse. Cela provoque chez lui de terribles conflits intérieurs. La contribution d’un tel personnage est à double tranchant. D’où son intérêt dans la structuration d’un récit. 

fantasy-portrait Stefan Keller
"La contribution d’un tel personnage est à double tranchant" - portrait fantasy de Stefan Keller

Il peut s’avérer être un atout stratégique énorme pour ceux qui seront capables de miser sur lui. Qui ? Quel type de personnage sait ainsi risquer gros ? Celui qui a appris à encaisser les échecs et les erreurs monumentales qui terrassent l’homme ordinaire — ce vous, ce moi, qui rêverait de se libérer des prescriptions sociales. L’homme ordinaire mise sur la sécurité avant tout, parce que la force qui le pousse à agir est entravée, enchaînée, profondément enfouie en lui. N’est-ce pas ce qui nous enrage le plus, au fond de nous ? Car, naturellement, quand j’écris « homme », j’englobe tout le genre humain. Qui est cet « homme ordinaire » au fond ? C’est vous et moi, n’est-ce pas ? Jusqu’à preuve du contraire.

Aldo sera-t-il à la hauteur des enjeux ? Toute la question est là !

Pour en savoir plus, reportez-vous à sa rencontre avec Mia, mon héroïne. Avec ce genre de personnage, on peut amener le lecteur sur le fil, comme un funambule. L’amener à cette sensation bizarre de quitter ses certitudes sans être confus pour autant. Il ressent l’importance de garder l’équilibre pour achever le parcours du récit.

Lorsqu’il est intégré au groupe, le mec qui se raccroche aux branches reçoit forcément un rôle de confiance. On a tous ressenti ça un jour, on a tous ressenti la sensation de devoir être à la hauteur.

Le lecteur éprouve une imperceptible sensation de déséquilibre

Embarqués dans la réalité ordinaire, nous avons l’impression que seuls les héros peuvent se surpasser. Mesdames, messieurs, il est grand temps de se téléporter de la fiction à la réalité ! Le mec qui se raccroche aux branches n’est autre que ce suiveur qui ne se fait pas confiance, ce vous et moi qui accepte de se transformer en arme, manipulable par d’autres, jusqu’à la maîtrise de sa puissance personnelle.

L’arrivée intempestive du mec qui se raccroche aux branches permet aux stratèges de l’immiscer dans « les affaires », en sous-marin, incognito. Ils veulent, dès le début, jouer sur cette position avantageuse de jocker potentiel. Mon père me disait souvent qu’il faut faire confiance jusqu’à preuve du contraire. C’est à double sens. Prendre en compte la faiblesse humaine dans notre évaluation est le propre des stratégies à long terme.

Le mec qui se raccroche aux branches a un autre avantage dans le récit : il est ambivalent.

Dans mes deux exemples, le lecteur est poussé à se poser la question suivante : Aldo ou Greg va-t-il trahir ceux qui lui ont donné sa chance ?

Leur faiblesse et leur manque d’assise dans le groupe provoque des méfiances mal ajustées, de la discorde et des erreurs cruciales imputées injustement à des membres bien établis du groupe.

Pour finir, le mec qui se raccroche aux branches est aussi un fameux jocker pour l’écrivain, s’il sait le faire jouer sans ostentation mais avec l’assurance qu’il va rapporter une émotion forte.

Le lecteur le trouvera sympathique, haut en couleur, drôle par l’absurde, provoquant parfois un sentiment d’injustice frustrant.

Les 7 lois spirituelles des superhéros
"Les héros ne se laissent pas déstabiliser aussi facilement. C’est le rôle du mec qui se raccroche aux héros de jouer sur ce contraste"

Comment les personnages principaux peuvent-ils passer à côté de ses errements ?

 

Les héros ne se laissent pas déstabiliser aussi facilement. C’est au mec qui se raccroche à eux de jouer sur ce contraste : il met en valeur les lois spirituelles des superhéros.

Je vous invite d’ailleurs à lire « Les 7 lois spirituelles des superhéros » de Deepak Chopra, ou comment utiliser notre force pour changer le monde (et vivre au maximum de ses possibilités).

Comment incarner mon héroïne ?

Le plus grand défi, pour moi, réside dans le pouvoir d’incarner la personnalité hors normes de Mia, sans en faire un idéal inaccessible. Son vécu est singulier, mais il répond malgré tout aux incessantes questions que nous nous posons jusqu’à nous en retourner les tripes. C’est d’ailleurs un des attributs du héros

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« Pour écrire mon roman, j’ai besoin de créer et, en quelque sorte, de vivre, l’enfance de mon héroïne, Mia Petrovitch »

Pour écrire mon roman, « La Main invisible », j’ai besoin de créer et, en quelque sorte, de vivre, l’enfance de mon héroïne, Mia Petrovitch. Mia est une aventurière indémodable ‒ du moins, c’est comme ça que je l’imagine, hein. Sa modernité n’aura d’égal que sa marginalité !

Alors ! Que les choses soient claires ! Je vous annonce tout de suite que j’ai emprunté cette caractérisation-là au grand Largo Winch, le héros du roman de Jean Van Hamme publié en 1977. Certes, Largo Winch reste indémodable parce qu’il a été immortalisé en BD. C’est comme ça qu’il a pris toute sa place dans le cœur des hommes ; grâce au talent du dessinateur Philippe Francq. Aujourd’hui, Largo est le héros mythique d’une bande dessinée, que tout le monde est désormais susceptible de connaître, et reste donc aussi moderne aujourd’hui qu’hier. 

D’ailleurs l’auteur vient de passer la main à Éric Giacometti, qui aurait déclaré : « c’est comme si on proposait à un scénariste d’écrire le prochain James Bond, ça ne se refuse pas ! » Voilà où je place mes ambitions dans la création de Mia Petrovitch.

Le défi d’incarner un personnage improbable

Le plus grand défi, pour moi, réside dans le pouvoir d’incarner la personnalité hors normes de Mia, sans en faire un idéal inaccessible. Son vécu est singulier, mais il répond malgré tout aux incessantes questions que nous nous posons jusqu’à nous en retourner les tripes. C’est d’ailleurs un des attributs du héros.

Mia est née en plein cœur de la forêt amazonienne

Elle se retrouve coincée dans un morceau de forêt primaire de Bosnie avec une sage femme un peu chamane sur les bords. Alors, comment Mia peut-elle prétendre répondre aux questions qui nous animent, nous, enfants des villes (ou des campagnes, en fait y pas grande différence à ce niveau de décalage) ? Alors, comment ? Bah, par la confrontation des points de vue, justement. Mia va évidemment se retrouver propulsée dans notre modernité. Mais reste à savoir comment je crée, moi, la réalité de son vécu hors normes ?

La découverte d’Anne Sibran

Et voilà, on y vient ! C’est là où intervient ma découverte du moment – Et Dieu sait que je vais avoir besoin de me gaver de terre glaise pour façonner Mia ! Heureusement qu’il y a des auteurs comme Anne Sibran dont je viens de lire le dernier roman au titre évocateur « Enfance d’un chaman ».

Mon enfant sauvage aux prises avec les émanations des voitures

Juste avant de vous en parler, j’aimerais être sûre que vous comprenez bien ma situation. Imaginez ! Comment je m’y prends, assise à la terrasse de mon café du matin, agrippée à mon stylo, pour écrire les aventures de Mia, en respirant les émanations des voitures, bercée par le vrombissement de leur moteur et les conversations de mes voisins de table ? Hein !? Comment je m’y prends, moi ? Pour peindre le portrait d’une gamine née dans la forêt ? Capable de communiquer avec cet organisme vivant, en complète osmose avec elle au point de la considérer comme une mère ?

Aimer n’est pas respirer

Parce que… aimer la nature et respirer avec elle, ce n’est absolument pas la même chose ! Vous serez d’accord avec moi. En fait, les battements de mon cœur ne sont pas à l’unisson avec les pulsations de la Terre. Bah oui, faut bien avouer. Et puis, comme bon nombre de mes semblables, je ne vis pas au rythme transcendant de cette nature sans Dieu. Encore que… je serais bien tentée de me découvrir un lien spirituel avec elle.

Et c’est pour ça, d’ailleurs, que je veux m’amuser à imaginer Mia débarquant dans nos villes. J’imagine déjà ce regard unique, nous faire découvrir cette autre version de nous-mêmes. Elle, elle sait mettre en valeur ce qu’il y a dans nos cœurs. Le pouvoir de notre imagination permet d’incarner un personnage aussi improbable ! Et je ne me priverai pas d’atteindre l’impossible avec elle !

Alors, la question est la suivante : comment nourrir cette imagination sinon en allant à la rencontre des autres ?

Qui parmi nous s’est nourri de son sein ?

Anne découvre cette nature qui parle, cette « bibliothèque ondulante qui se déploie sans limite », qui n’est ni plus ni moins que « le bain amniotique du verbe ». Et la réalité ! « Une étoffe bariolée qui recouvre le monde. Ce tissu brodé d’arbres, de montagnes, de rivières, mais aussi d’hommes et de bêtes, ondule sous la lumière, s’invente à chaque instant… cette étoffe est la peau chatoyante des esprits [et] le chaman est celui qui sait soulever le voile, aller voir de l’autre côté. »

Amazônia, um mundo irreal, feito de águas sombrias, de ramagem intricada e selvática, crédito: Viramundo e Mundovirado

L’incarnation du monde

Le livre d’Anne « Enfance d’un chaman », est paré de poésie.

Il restitue un voyage que personne n’aurait pu prévoir malgré la préparation tenace et minutieuse qu’elle s’était imposée. Anne fut littéralement invitée à entrer dans l’âme du vieux chaman. Sans magie, sans incantation, sans fausse pudeur, à accéder à une vérité cachée. Malgré notre littérature abondante sur la nature et ses sorciers, ce livre me fait prendre conscience que notre réalité nous cache peu de mystères, non.

La réalité est bien là derrière nos croyances fumeuses qui nous apprennent à garder le voile tiré devant nous. Nous, les Occi. C’est comme ça qu’on se fait appeler dans le roman que j’écris actuellement. Ha ok, continuons.

Faisons-nous partie de ce monde ?

Qui parmi nous dresse l’oreille vers les arbres pour veiller à ne pas leur couper la parole ? Je vous le demande ! Qui, parmi nous, aurait-il la sensation d’une écoute mutuelle avec ce qui nous entoure, prêt à suspendre ses mots, si précieux, au point de ne les partager qu’aux heures les plus propices ?

Qui, parmi nous, est-il vraiment conscient de la respiration de chaque chose ? Bien que j’aie gardé en moi une part de l’animisme de mon enfance, je ne fais pas partie de ces gens-là. Mais nous sommes aujourd’hui si nombreux à sentir que ces questions-là nous rattrapent, que je pense sincèrement qu’elles nous permettent d’accompagner le changement qui s’opère actuellement dans notre société du travail.

À travers les nouvelles sciences, j’ai l’impression que nous prenons conscience que notre avenir dépend de ces questions-là.

Transmission d’une matière vivante

Si Anne Sibran a trouvé auprès de la famille Tanguila l’incarnation du monde même, de par leur dévotion absolue à la forêt, j’ai pour ma part trouvé dans son livre « Enfance d’un chaman », une matière vivante pour incarner mon héroïne. Je veux que Mia nous pose ces plus ancestrales questions, si brûlantes d’actualité !

J’espère ainsi pouvoir élaborer une vision de la réalité qu’il nous est quand même vachement difficile de percevoir au cœur de la modernité.

C’est quoi le problème avec votre roman ?

On ne le répétera jamais assez, pour écrire un roman, il faut écrire. Mais, dit comme ça, c’est flou et improductif au regard de tous ceux qui peinent à comprendre pourquoi « ils n’arrivent pas à avancer ». Leur peine est une impression troublante, voire déprimante. Ne cherchez pas plus loin, ils ont le « baby blues ».

L'aveuglement - Photo de Angel Hernandez

On ne le répétera jamais assez, pour écrire un roman, il faut écrire. Mais, dit comme ça, c’est flou et improductif au regard de tous ceux qui peinent à comprendre pourquoi « ils n’arrivent pas à avancer ». Leur peine est une impression troublante, voire déprimante. Ne cherchez pas plus loin, ils ont le « baby blues ». Cherchant désespérément celui ou celle qui les conduira vers une solution, même provisoire, ils oublient d’alimenter le feu de leur passion, et se perdent dans des méthodes de « travail » (ou d’éducation) qui ne les régénèrent pas. À tous ceux-là je dirais deux choses essentielles :

Silence, on tourne !

Pour arriver au bout d’une histoire il n’y a aucune autre solution que d’écrire. Alors, mettez en place un système quotidien de séances alléchantes, vivantes et ultra personnelles. Je les appelle fort simplement des séances d’écriture (je vous donne la recette dans mon bonus cadeau, c’est par ici !) ; un lieu symbolique qui devient avec le temps un univers entier, comme si vous étiez un metteur en scène et que vous placiez là le personnage de l’écrivain. Cette séance deviendra non seulement une bouffée d’oxygène pour l’écrivain que vous désirez devenir, mais aussi la plateforme de production indispensable à l’acheminement de votre œuvre. Il n’y a aucune autre solution que celle-ci, tenez-vous le pour dit !

placez le personnage de l'écrivain
Entrez en scène - Photo de Gerd Altman

Faites de la place !

La deuxième chose essentielle à associer à la première, c’est de constituer autour de cet acte quotidien et salvateur un système. Toute entreprise, quelle qu’elle soit, ne peut aboutir sans que son auteur n’ait une connaissance solide du système dans lequel elle évolue. Si vous vous dites que les choses se compliquent et que vous ne serez pas capable de venir à bout de cette partie du travail, qu’à cela ne tienne ! Mettez en place vos séances sans vous soucier du reste. Et, lorsque votre histoire aura pris la place qu’elle mérite dans votre vie, vous songerez à la nécessité de lui faire une place dans notre société.

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Créez un système à intégrer dans la société -Alexas_Fotos

Fondez une famille

C’est comme lorsqu’on devient parent. Nous sommes confrontés à tant de questions, qu’à chaque jour suffit sa peine. Tant de questions pratiques mettent en lumière notre ignorance, qu’elles nous incitent à la réflexion sur notre rapport aux autres et à nous-mêmes. Seules nos séances d’écriture parviennent à créer ce positionnement de nouveau parent. Nous sommes confrontés de plein fouet à notre propre enfance, à ce vécu enfoui et encore mal intégré.

Apprenez-lui à parler

Si je fais l’analogie entre un enfant et un roman, ce n’est pas pour sortir un bel effet de style. C’est au contraire plus vrai que nature. Pondre une histoire se passe bien souvent dans la plus stricte intimité avec nous-mêmes. Mais, une fois qu’elle est sortie, un travail énorme reste à faire. Si l’enfant, dans notre société, bénéficie de structures éducatives déjà en place, il en va finalement de même pour votre histoire mal dégrossie. Avant qu’elle ne soit en âge d’entrer en rapport avec les autres (le système de diffusion et les lecteurs en bout de chaîne), vous devrez effectuer un long apprentissage, difficile mais passionnant.

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Pondre une histoire se passe bien souvent dans la plus stricte intimité avec nous-mêmes - dessin cdd20

Apprenez-lui la sociabilité

L’éducation est un parcours d’épreuves qui oblige le parent à apprendre à s’apprendre. Vous passerez par la compréhension de ce qui vous anime. Vous chercherez les éléments qui vous manquent encore pour délivrer le message que porte votre histoire. Vous étudierez un système économique qui donnera un sens à ce que l’enfant a à dire. Au final, la création d’un système de diffusion d’une œuvre littéraire est en tout point comparable à la création d’un système de parole chez l’enfant. L’un comme l’autre nécessite un soutien inconditionnel de votre part et une interaction constante avec le reste de la société.

Créez un système de parole - Photo Libellule 789

Acceptez vos responsabilités

La peur d'assumer le devenir de votre oeuvre pourrait bien vous priver de votre rêve

Toutes ces questions pratiques sont bien l’œuvre d’une éducation à part entière. Et vous n’y parviendrez qu’en prenant conscience de votre responsabilité d’auteur (ou de parent). Il s’agit bien d’accompagner le devenir de cette œuvre (ou de cet enfant). Et cela s’apprend. Oui, vous passerez par des étapes encore nombreuses que les méthodes proposées dans les livres et les formations, cette fois, vous aideront à passer. Alors, tenez-le pour acquis, la méthode miracle pour écrire un roman c’est d’écrire, écrire et écrire, écrire et écrire encore. Que vos séances d’écriture soient quotidiennes ou hebdomadaires, je peux vous assurer que vous serez témoin d’un véritable miracle : vous serez devenu l’auteur d’un projet d’écriture !

Persistez dans la compréhension du système

Témoin ahuris d’un tel prodige, vous n’aurez d’autre choix que d’éprouver de la fierté. Malgré tous les reproches que vous trouverez à vous faire. Ensuite (ou parallèlement à ce miracle) vous aurez envie de comprendre comment éduquer votre œuvre. Bien-sûr, si vous ne prenez pas conscience de votre nouveau statut d’auteur et des responsabilités qui lui incombent, vous n’aurez aucun compte à rendre à la justice pour avoir enfermé votre manuscrit dans le tiroir, pour l’avoir jeté dans la benne à ordure ou pour l’avoir caché dans le congélateur. Beurk ! Heureusement, si vous lisez cet article, vous comprendrez qu’une telle œuvre a besoin d’être examinée et nourrie de bien des façons pour devenir adulte.

Dépouillez votre esprit des fantasmes sur l’art

Alors, me direz-vous, quelles sont les étapes indispensables pour éduquer cette œuvre ? Eh bien, j’en suis là aujourd’hui et je vous promets de faire tout ce qu’il faut pour vous faire un compte rendu des épreuves qu’il va me falloir traverser pour y arriver. J’ai installé sur mon blog une nouvelle catégorie au menu. Elle s’intitule « La Main Invisible ». C’est bien le nom de mon enfant, qui a une âme (une héroïne) du nom de Mia Petrovitch. Et je souhaite depuis le début de sa vie qu’elle devienne le nouveau Largo Winch au féminin. Mais, j’ai appris qu’un enfant n’a pas à subir les projections fallacieuses de ses parents pour devenir qui il est vraiment.

Accordez à votre enfance la place qu’elle mérite

La toute puissance d’un écrivain n’est peut-être qu’une de ces idées mégalo dont certains se régalent encore avant d’avoir goûté aux joies d’une écriture simple, dépouillée des fantasmes sur l’intelligence artistique et ses dons inexplicables. Cette croyance castratrice s’apparente fort au syndrome de la mère omnisciente.

Mia Petrovitch est née il y a sept ans. Ses défauts de langage me poussèrent à l’enfermer, mère indigne que je suis !

Mais, aujourd’hui, j’ai compris qu’elle attendait en silence que je lui apprenne tout ce que je sais, et bien plus encore. C’est en m’ouvrant à vous que je saurai en faire une femme. Merci à tous de participer à cette aventure extraordinaire. 

Comment développer son talent d’écriture ?

Pour devenir un auteur à succès, il faut comprendre une chose : devenir auteur c’est devenir un héros ! Le voyage de notre héros ou de notre héroïne est un voyage parallèle au nôtre. Un héros passe des épreuves et se relève, il dérouille tellement que le lecteur soutient son ascension avec toute la force de conviction dont il est capable

L'écrivain doit-il se raccrocher à une formation ?

Pourquoi se former en écriture alors qu’on a tous les cours possibles à portée de main sans débourser un rond ? Depuis que j’ai démarré ce blog j’ai bien tâtonné. Et dans mes coups de déprime, j’avais toujours une super nana qui, avec talent, sincérité et conviction, me proposait l’aventure de ma vie dans une super formation en écriture. Bien sûr, on a tous besoin de se former tout au long de notre vie. Mais je pense que me raccrocher à quelqu’un qui me semble plus capable que moi, n’est pas la meilleure façon d’avancer dans mon initiation. Entre soutien et dépendance, la marge est toujours délicate.

l'écriture est une musique
Le talent d'écriture est une musique qui se joue en nous tous

L’auteur a-t-il intérêt à compter sur lui-même ?

Me sentirais-je plus capable en suivant une formation ? Tout dépend du chemin parcouru. Apprendre à puiser « la force qui est en nous » revient à compter sur notre potentiel, et à le développer. Si je prends mon exemple, j’ai mis une éternité à comprendre qu’une formation ne changerait pas mon sentiment d’incapacité trouble et sans fondement que je rumine. C’est rarement son rôle, même si le marketing de cette dite formation nous assure du contraire. Certains formateurs avouent que 90 % de leurs inscrits abandonnent rapidement. Ils ont beau être les plus motivants du monde et nous offrir une super méthode, la plupart d’entre-nous espérons secrètement que leur formation fera le boulot à notre place.

Alors, comment se raccrocher à soi ?

Ceci étant dit, la grande question serait : qu’est-ce qu’on fait pour se raccrocher à soi-même ?  On change radicalement de point de vue. On apprend à se manipuler et on se raccroche aux vertus de l’héroïsme dont nous sommes tous dotés. La capacité à se soutenir soi-même est l’élément incontournable qu’il nous faut développer. Cette capacité à croire en notre héroïsme est la seule véritable clé de notre talent ! Bon, si vous avez lu mon bonus, vous avez déjà une idée et, je l’espère, une pratique de votre talent d’écriture. Maintenant, moi, j’en suis à cette étape redoutable (en apparence) du PLAN.

Comment se raccrocher à un plan avec peps ?

Un bon roman ne peut s’en passer. Alors, si vous rêvez, comme moi, d’écrire un best-seller, y a pas à tortiller, il faut en passer par là. Créer un plan n’est pas une étape sans vie où nos personnages sont épinglés au mur comme des poupées de chiffon. Non, je dis « une étape redoutable en apparence » car j’imaginais cette épreuve comme une mort émotionnelle. Après des années d’écriture fondée sur le plaisir et l’insouciance (la fameuse immersion dont je parle dans mon bonus), je découvre que l’incontournable plan d’un roman est une phase méga excitante ! Si si, je vous assure. Et je vais vous le prouver !

Faire le plan de son histoire est une étape méga-excitante. Mais seulement quand on est prêts !

Comment fonctionne un roman ?

Avant de s’éclater à écrire un plan, il vaut mieux d’abord s’éclater à inventer son histoire. Quelle que soit la forme que nous sommes capables de lui donner, nous aurons matière à remplir les étapes de notre plan. Je rappelle brièvement qu’une histoire met en scène des personnages, et que l’auteur les mène d’un point A vers un point Z en passant par un labyrinthe savamment construit par la suite.  Notre rôle est de les obliger à faire quelque chose. Finalement, cela revient à dire qu’un romancier opère une manipulation mentale sur des personnalités distinctes.

Quelle est la fonction du récit ?

Tout romancier qui se respecte devrait donc manipuler des émotions et des opinions de départ pour les faire évoluer (ou pas, selon le sens de son propos). Mais, attention ! Un écrivain de talent sait une chose que peu d’entre-nous comprennent : si quelqu’un doit grandir, dans son histoire, ce sera son lecteur. Et pour réussir cet exploit, il devra faire appel à des sentiments puissants tels que le rejet ou l’empathie. La fonction du récit consiste à nous faire grandir ou à nous aider dans l’interprétation de notre monde, à apprivoiser nos émotions et à donner du sens aux évènements que nous vivons.

La technique du changement

Une histoire a un point de départ et un point d’arrivée autour d’un pilier central (le protagoniste). Ceci étant dit, prenons le point de vue d’un auteur qui crée un héros changeant de personnalité au cours de son histoire. Il doit alors travailler la trajectoire d’un héros qui évolue. Ce changement opère comme un voyage intérieur. La technique de faire évoluer un autre personnage proche du héros est une variante narrative. Cet « autre » provoque une telle influence sur le héros que le changement tant attendu opère : c’est le moment clé du récit

changement
Le changement trajectoriel du personnage est comme un voyage intérieur (photo Gerd Altmann)

La puissance du héros

Pour en faire un outil puissant, l’auteur doit pousser le lecteur à s’identifier aux personnages en les faisant bien dérouiller avant la ligne d’arrivée, s’ils y arrivent.

En résumé, si un auteur décide de créer un héros qui change de caractère et d’opinion, il doit miser sur la création d’une grande trajectoire interne (psychologique) qui permet au lecteur d’adhérer aux valeurs de ce changement et à l’objectif qui s’y raccroche.

La démonstration de Derren Brown

l'univers mental
Un écrivain est un véritable manipulateur (photo Jonny Lindner)

Maintenant, je vais vous parler du travail de Derren Brown,

le mentaliste et hypnotiseur anglais.

Quel rapport avec l’auteur d’un roman, me direz-vous ?

Je dois déjà vous prévenir que je mélange allègrement écriture de roman et de scénario. La confusion aujourd’hui est d’ailleurs monnaie courante. Nous baignons dans la culture des vases communicants ! Je vais analyser pour vous « Sacrifice », un reality show où Derren Brown donne carrément un cours sur la création d’une histoire à sensation et joue son meilleur rôle d’auteur : celui du manipulateur d’émotions.

(Voir l’analyse complète dans mon précédent article) 

Dans ce documentaire magistralement scénarisé, Derren Brown sélectionne un candidat américain aux opinions bien arrêtées sur les immigrants mexicains. Par un tour de passe-passe qu’on peut sans hésiter qualifier de manipulation psychologique poussée, l’illusionniste parvient à reprogrammer les opinions de son candidat jusqu’à l’issue annoncée. Dans une mise en scène digne d’une superproduction hollywoodienne, le pauvre cobaye se prend une balle à la place d’un sans-papiers. Les émotions sont bien au cœur de cette démonstration.

Comment créer un héros

Derren Brown fait d’un homme un personnage, rien que ça ! Alors qu’il affiche une parfaite empathie envers sa victime parfaite, il démontre que nos pensées et convictions ne sont qu’un ramassis confus d’opinions infondées. Et qu’une action ciblée sur la conception que nous avons de nous-mêmes, de notre propre image, permet de transformer radicalement le regard que nous portons sur le monde et les autres. En fait, nos opinions sont fondées sur les histoires que nous nous racontons, et nous croyons dur comme fer qu’elles nous définissent. Voilà bien l’erreur commune qui nous emprisonne !

Derren nous fait un cours magistral sur une application pratique de son talent. Il prend un point de départ (un candidat aux forts préjugés d’appartenance), annonce son intention (« Je veux créer un héros ») et démontre les mécanismes de sa fabrication. J’ai trouvé sa démonstration géniale ! C’est comme dans son spectacle « Miracle », il nous démontre que notre méconnaissance des mécanismes du présent — dont nous sommes en réalité les seuls dépositaires — nous empêche d’apprécier toute la puissance de notre mental.

La puissance du présent
Notre dissociation avec le Présent (photo de Gerd Altmann)

À la recherche de notre héroïsme

Comme tout bon auteur, Derren Brown a une intention de départ : nous démontrer que nous vrillons continuellement entre passé et futur sans concevoir notre juste appartenance au seul moment présent. Maîtrisant cette intention forte de nous faire évoluer, il parvient à nous  entraîner avec passion dans le voyage de son héros auquel nous nous identifions. Pour moi, Derren Brown est un grand conteur qui maîtrise la puissance du récit et démontre que la manipulation mentale est la clé du succès de l’auteur.

L’héroïsme est une vertu supérieure incarnée à l’origine par le demi-dieu (définition mythologique du héros), mais l’homme peut lui aussi aspirer à ce statut. Le culte du héros demeure toujours aussi essentiel pour nous aujourd’hui. Et le grand talent de Derren Brown est de nous prouver que nous le sommes tous. Il expose les mécanismes du devenir d’un héros. Concrètement, il plante les graines du changement. Il répond aux aspirations profondes qui nous animent  de devenir notre héros (réfléchissez bien avant de vous dire « non, pas moi »).

Devenez l’auteur-héros auquel vous aspirez

Ce moi-héros n’est autre qu’un soi complet, débarrassé de ces histoires qui nous forcent aux jugements erronés que nous nous racontons sur nous-mêmes et sur les autres.

Pour devenir un auteur à succès, il faut comprendre une chose : devenir auteur c’est devenir un héros ! Le voyage de notre héros ou de notre héroïne est un voyage parallèle au nôtre. Un héros passe des épreuves et se relève, il dérouille tellement que le lecteur soutient son ascension avec toute la force de conviction dont il est capable.

Un auteur parcourt les mêmes chemins, tombe dans les mêmes pièges et dégringole des montagnes entières. S’il a conscience que son intention n’est autre que d’atteindre son statut d’auteur-héros, il gravira chaque parcelle de cette montagne avec toute la puissance nécessaire pour relever le défi. Pour la simple et bonne raison qu’il aura compris l’enjeu du voyage.

C’est seulement à ce moment là qu’il comprendra l’importance de la carte. Ainsi, son excitation d’y voir l’emplacement du trésor chaque fois qu’une épreuve le terrasse, provoquera une telle montée d’adrénaline qu’il remontera en selle et continuera le voyage jusqu’au bout.

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À  tout de suite 🙂

Secrets d’écrivain enseignés par Derren Brown

Dans « Sacrifice », un reality show d’envergure, Derren Brown opère une véritable manipulation mentale sur un individu lambda qui répond à deux critères essentiels : ses préjugés d’appartenance à un groupe et sa capacité d’empathie. On est en plein dans le « récit de caractère »

Nos rêves d'héroïsme

Qu’est-ce que l’héroïsme ? Comment devenir un héros ou, pour être plus précis, comment devenir ce héros dont nous rêvons ? Comment devenir notre propre héros ? Cet être unique à qui nous confierions notre vie en toute confiance. Bref, comment devenir ce soi complet, à défaut d’être parfait, que nous aimerions inconditionnellement ?

Comment devenir un héros ?

Dans la définition de l’héroïsme, converge un lien intrinsèque entre humanité et divinité. La première étape pour devenir un héros passe par la déconstruction de nos convictions nées des histoires qu’on se raconte depuis notre plus tendre enfance et qui n’ont cessé de s’affirmer tout au long de la vie. Elles se basent sur l’amour reçu, l’éducation, les jugements et opinions extérieurs, le regard de l’autre. Elles forgent l’opinion que nous avons de nous-mêmes et s’intègrent si bien à notre système de valeurs qu’elles nous définissent.

Cependant, si nous voulons réaliser nos rêves, il est nécessaire de « lâcher l’histoire » afin de nous permettre de vivre celles que nous désirons. C’est le grand principe d’une histoire et Derren Brown nous en fait la démonstration.

Sacrifice, ce film dont vous êtes le héros

Créer un héros
Documentaire de Derren Brown. Une production Netflix

Dans « Sacrifice« , ce reality show d’envergure, Derren Brown opère une véritable manipulation mentale sur un individu lambda qui répond à deux critères essentiels : ses préjugés d’appartenance à un groupe et sa capacité d’empathie.

On est en plein dans le « récit de caractère » où l’auteur choisit un trait de caractère à faire évoluer chez son héros, et une qualité qui lui permettra d’opérer ce changement.

Comme dans tout bon roman de caractère qui se respecte, c’est un homme ordinaire au départ de l’aventure. D’ailleurs, Derren Brown fait de son film un cours magistral sur les mécanismes de base d’un bon scénario.

Comment créer un héros ?

Tout commence par un gros mensonge. Derren organise un casting et trouve son candidat idéal qui pensera être sélectionné avec six autres élus (qu’il ne verra jamais puisqu’il est en réalité le seul cobaye !) pour participer à une expérimentation pilote.

Celle-ci consiste à tester pendant plusieurs semaines une invention biotechnologique permettant  d’améliorer ses capacités psychiques. S’il accepte, sa qualité de vie s’en trouvera grandement améliorée. Pour cela, notre cobaye devra se faire implanter une micro-puce dans la nuque (c’est un leurre, un placebo !), et écouter des méditations guidées avec un stimulus sonore chargé de renforcer son pouvoir de décision. L’homme accepte et l’aventure commence.

Derren Brown annonce la couleur au spectateur : « Je veux créer un héros qui sacrifie sa vie pour sauver un parfait étranger ». Bien sûr, notre cobaye ignorera tout de son intention, rêvant de s’élever au rang de super-héros.

Comment s’enferme-t-on dans les histoires qu’on se raconte ?

L’illusionniste justifie la monstruosité de sa manipulation (« je prends vos pensées, j’en suggère d’autres ») en invoquant la valeur de sa  démonstration : la violence exercée au nom de la défense de notre groupe, de notre identité raciale, peut être déconstruite et reprogrammée en son contraire. Tout dépend des histoires auxquelles on appartient. On s’y accroche si fort qu’elles définissent qui nous croyons être.

Derren Brown nous prouve que nous en avons rarement conscience. À tel point que nous acceptons l’inacceptable avec une désolante inconscience. Il est si facile de nous tromper ! Ce sont ces histoires qui nous enferment dans notre identité factice. À déconstruire absolument pour nous en libérer !

L'application "Turbine" de Derren Brown : méditations guidées et stimuli intégrés pour renforcer la manipulation
Images subliminales
Tout au long de l'expérience, des images suggestives seront placées un peu partout dans l'environnement de Mike. Comme ce ventilateur rappelant l'hélice de l'application "turbine"

Leçon de déconstruction

Après avoir planté le décor, Derren Brown annonce son intention de changer notre homme. Au départ, celui-ci affiche une forte appartenance à la race blanche. À l’arrivée, il devra éprouver une forte empathie pour un émigré illégal en détresse, au point de se sacrifier pour lui.

Derren Brown veut le conditionner à devenir un héros. Il montrera au passage comment se libérer de notre histoire, celle que nous forgeons au cours de notre vie, et qui nous fige littéralement en une image subjective et limitée de soi.

Pendant plusieurs semaines, se déploie sous nos yeux tout l’arsenal du bon hypnotiseur :

suggestions et métaphores se succèdent dans un jeu de « recalibrage » mental dont notre homme s’imbibe avec consternation.

Les arcanes de la manipulation

Petit à petit nous repérons le nœud central dans cet enchevêtrement d’exercices et de rituels. L’expérimentation se cristallise autour de la question des « deux camps » : un jeu se met en place entre deux sentiments contraires, deux pensées contradictoires, deux émotions conflictuelles. Et, comme tout héros qui se respecte, l’homme va être poussé dans ses retranchements, poussé à surmonter ses peurs les plus enfouies, conscient des bénéfices supposés de devenir meilleur en maîtrisant la force qui est en lui. Le fait qu’il pense être une sorte d’homme bionique permet d’accélérer le processus.

Leçon de construction

La dernière étape de ce conditionnement consistera à travailler son empathie envers les « étrangers » (les mexicains en particulier et tous les basanés en général). Un test ADN (vrai et certifié cette fois) détruit ses convictions les plus profondes sur « son véritable moi » à défendre sans ciller contre l’envahisseur. C’est le point de basculement tant attendu. L’adhésion au changement est alors amorcée, et une nouvelle histoire introduite dans l’esprit de notre homme. Pour l’y ancrer, l’homme (il s’appelle Mike) sera soumis à de nouvelles épreuves qui ont toutes pour but de déclencher des émotions fortes allant crescendo. Cette fois, il ne s’agit plus de décupler son courage mais son empathie.

Mike, ce héros qui s'ignore
Point de basculement : Mike a opéré son changement de trajectoire psychologique. Un héros est né

Le point de non-retour

Ce point de basculement est l’élément clé d’un récit de caractère. Vient ensuite pour l’auteur la préparation rigoureuse du dénouement (le nœud dramatique le plus intense). Mais, contre toute attente, Derren Brown remercie Mike. L’expérience est terminée et Mike rentre chez lui en apparence satisfait. Est-il soulagé ou déçu ? Nous ne le saurons pas. Ce qui est sûr c’est que Derren prépare la chute avec la plus grande minutie. Ce nouveau mensonge sert son dessein. Un temps de latence permettra à Mike d’intégrer ses nouvelles croyances et renforce les chances de succès de sa manipulation.

Pourquoi nous libérer de nos croyances identitaires ?

Tout au long de son docu-fiction Derren Brown nous rappelle son intention : mener Mike à se sacrifier pour un étranger, ce moment ultime d’agir. Mais l’incertitude demeure et le spectateur doit, comme il se doit, suivre la fin du récit pour en connaître l’issue.

« Tout cela est à propos de ce que nous sommes capables d’accomplir, conclut-il, lorsqu’on se libère de toutes ces histoires. » 

Toutes les histoires nous racontent la même chose : nous sommes prisonniers de notre histoire si nous croyons l’être ! Avez-vous fait de votre histoire une prison ? (voir mon article « Comment développer son talent d’écriture ») Si oui, comment la déconstruire ? Et, pourquoi ? Pour en faire une nouvelle ? En quoi ça nous libère ?

Se sentir capable de choisir sa propre histoire identitaire semble être un fameux challenge. Les suggestions du mentaliste allant dans le sens du « saut en avant », du « pas vers l’inconnu », poussait Mike au dépassement de ses peurs et de ses limites connues.

Pourtant, Derren avouera finalement à ce pauvre Mike : « C’était juste toi ! » Fin de la leçon.

L’archétype du héros

« Le Guide du scénariste » approfondit l’usage de l’archétype dans la construction du récit. Christopher Vogler pousse l’écrivain à s’attacher à des personnalités symboliques, pour ne pas se perdre.  Mais, s’il identifie parfaitement le héros

ALEXANDER DREYMON
The Last Kingdom, d'après la série de Stephen Butchard, avec ALEXANDER DREYMON

Christopher Vogler dans « Le Guide du scénariste », soutient que « les archétypes appartiennent au langage universel du récit ». Pour lui, ce sont des structures récurrentes que l’écrivain ou le scénariste doit absolument maîtriser pour faire vivre son récit. Si une histoire ne peut se passer de héros, un héros ne peut se passer des archétypes. Ces « symboles personnifiés des différentes qualités et défauts de l’âme humaine », dit C. Vogler.

Semblables aux arcanes du jeu de tarot, ils s’incarnent dans tous les personnages de notre histoire et permettent aux héros d’opérer une sorte de transfert. « Assimilant l’énergie des traits de caractère des autres personnages pour les faire siens et devenir un être humain achevé »(Sic). Pour ce faire, un écrivain doit cerner les jeux de miroirs que sont les jeux d’acteurs.

Comment fonctionne l’archétype dans l’histoire ?

Pour moi, les archétypes sont des organes de l’âme, cet être éthéré directement relié à la conscience collective, cette individualité reliée au Grand Tout, et qui implique de créer des personnages aux fortes symboliques universelles. Le personnage incarne avant tout un ressenti partagé par le lecteur, bien avant d’incarner une fonction du récit.

« Le Guide du scénariste » approfondit l’usage de l’archétype dans la construction du récit. Christopher Vogler pousse l’écrivain à s’attacher à des personnalités symboliques, pour ne pas se perdre.  Mais, s’il identifie parfaitement le héros comme la fenêtre qui ouvre le récit, le lecteur de ce guide risque de confondre caractérisation et identification (voir le glossaire de l’écrivain incollable)

Le héros porte en lui notre désir de reconnaissance

Pour revenir aux enseignements de Vogler (à l’ambition affichée de former des scénaristes au succès hollywoodien), le héros est chargé d’assurer l’adhésion du spectateur.

Comment ? En lui attribuant des traits identifiables par tous. Chacun doit ressentir les aspirations et les motivations qui l’habitent.

Un guide à l'ambition hollywoodienne

Rien à créer ! Rappelle Vogler

Ces motivations universelles sont les piliers incontournables de toute histoire, de tout parcours.

De la capacité à donner un sens à sa vie, à celle de recevoir la grandeur de ce qui nous relie les uns les autres, ces motivations, dit Christopher Vogler, se résument en un désir surpuissant, le seul, peut-être, qui vaille vraiment la peine d’écrire (ça c’est de moi), c’est « le désir d’être aimé et compris« .

C. Vogler identifie, tout au long de ce guide, huit fonctions archétypales élémentaires incarnées par les personnages d’une histoire :

le héros (le don de soi), le messager (l’appel à l’action), le sage (la marche), le magicien (le passage), le gardien (l’obstacle au passage), etc.

Mais prenez ce tableau comme un de ces pense-bêtes qui permet de faire le point sur l’accroche et l’adhésion du spectateur (ou du lecteur – c’est pareil).

Pour approfondir la série sur le parcours du héros, restez connectés aux ondes d’alice Grownup.

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C'était - Le Héros - Podcast 01 /10"

L’écriture d’une histoire ne peut se passer d’un héros. L’importance de l’archétypre est tout aussi essentielle à maîtriser. D’après « Le guide du scénariste de Christopher Vogler.