L’écriture d’un roman est un merveilleux travail de compréhension du monde

J’ai une nouvelle publiée et assez de matériel de recherche pour vous offrir un compte-rendu d’écriture. En attendant, continuons l’exploration du monde des chimistes

Bonjour tout le monde. Le mois de mars a été dense : une nouvelle publiée et du matériel de recherche pour écrire un compte rendu d’écriture de « So French Resistance », en guise de témoignage d’écriture. Je veux juste offrir un témoignage sur ce travail d’écriture. Comme je continuerai à le faire pour « Le Projet Line ». Ce travail sur les chimistes répond à un vaste questionnement sur les personnages de mon roman en cours, sur leur état d’esprit et leur réalité.

L’écriture d’un roman sur notre monde de chimistes

Le père de Line d’Haranguier, mon héroïne, est un grand patron de la pétrochimie française. Line est issue de l’élite économique de notre pays. Antoine d’Haranguier, c’est son nom, est né sous ma plume avant la crise, en octobre 2019. Il n’était qu’un vague portrait de famille à restaurer. Les retouches ont dénaturé les traits d’origine, mais l’ensemble reste flou, insaisissable. Bref, j’ai une réalité à décortiquer pour créer leur monde, le monde des chimistes, des collectionneurs d’art, des trafiquants et des scientifiques. Ils ont tous des liens entre eux. D’ailleurs, si vous y pensez bien, nous sommes tous reliés les uns aux autres. Ça va de l’employé halluciné de devoir déverser des produits chimiques en pleine campagne, parce qu’on n’a aucun autre moyen de s’en débarrasser à moindre coût, au toxicologue de Monsanto (Parry) dont l’analyse toxique n’a pas plut à Monsanto.

L’analyse d’un contrat social autour du seuil de toxicité ou de « pollution » acceptable

Ça va donc d’un maillon à l’autre de la chaîne. Et, d’une chaîne à l’autre, ainsi disposées en toile d’araignée. J’ai aussi entendu un scientifique louer les « militants » pour leur rôle de contrepoids. Ils freinent l’inexorable transformation du vivant qui ne peut pas faire de feu sans fumée, sans pollution, sans souffre. Qui frotterait deux bouts de bois pour allumer une centrale à charbon ? Ces « militants », comme disent les chimistes pour désigner ceux qui discutent d’un seuil de toxicité acceptable, ces pauvres opprimés, donc, sont évidemment révoltés par leur sacrifice. Et, ça, les chimistes le comprennent, ce ne sont pas des bêtes. Quand même, pensent-ils, du temps des Mayas, les sacrifiés étaient éduqués pour accepter leur sort.

L’histoire qu’on se raconte permet de dissocier la raison du cœur

C’est marrant, quand on y pense, toutes ces réglementations pour équilibrer la balance entre chimistes et militants anti OGM, anti vaccins, anti nucléaire, etc. On marche sur deux camps, et on ne change rien. La marche vers l’absurde est notre statut quo, en somme. Si d’un côté il y a les adeptes du progrès, qui savent qu’on ne fait pas de fission sans casser d’atomes, et de l’autre côté, ceux qui qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, ça donne le compromis suivant : la réglementation en matière de dose acceptable prévaut. Notre survie a-t-elle toujours consisté à détruire pour s’imposer, pour coloniser avant d’être colonisé ? On peut toujours le croire. L’histoire qu’on se raconte l’affirme. La dose fait le poison, donc. C’est exact. Mais, les chimistes ont transformé cette vérité médicale à leur profit.

Les termes de « produits phytosanitaires » ou « phytopharmaceutiques » aiguillent sur ce point : on peut charger la dose en poison dès lors que l’éradication des nuisibles devient la protection de la santé des plantes. Voilà, en quelques mots, un aperçu des explorations en cours pour évoluer virtuellement dans la réalité économique, sociale, émotionnelle, psychologique et culturelle de mes personnages.

Les chimistes de notre histoire sont le reflet du pouvoir moderne qui nous protège

Qui sont les « chimistes » ? Pour l’écriture de ce mini thriller, j’ai décidé de m’appuyer sur « L’Affaire Roundup » de Gilles-Éric Séralini

Qui sont ces « chimistes » ? Notre histoire est une fiction de 6 pages à écrire pour le concours « Quais du Polar » sur le thème « Nature et environnement : nouveaux terrains de jeux du crime ». Pour l’écriture de ce mini thriller, j’ai décidé de m’appuyer sur « L’Affaire Roundup » de Gilles-Éric Séralini, pour décrypter la pensée de ceux que j’appelle « les chimistes ».

Les chimistes de notre histoire ont des croyances bien ancrées, comme tout un chacun 

les chimistes
"Ils" veulent savoir jusqu’où leurs inventions mèneront l’humanité. Photo RAEng_Publications

Ceux qui savent ce que où va le monde, n’ont pas peur du futur. Ils jubilent, même ! Ce sont nos guides ; ils savent comment survivre à cet avenir qu’ils nous fabriquent. Du moins en sont-ils persuadés, car ils ont la position de ceux qui dominent. Ce « ils » sont les chimistes de notre histoire. « Oui, la chimie tue ! Pourraient-ils s’exclamer. La chimie est dangereuse, c’est pourquoi nous devons nous fabriquer une armure intégrale, une armure génétiquement modifiée pour nous préparer au monde de demain ! » Alors que l’hiver se bat avec le printemps, j’enlève mes gants qui me protègent du froid, et je descends de mon vélo pour ouvrir la porte de chez moi. J’imagine alors ce que les chevaliers en armure ressentent quand ils descendent de leur monture et enlèvent leurs gants d’acier : un sentiment d’invincibilité les trahit. Avec ces gants fabriqués par l’homme, ils sont prêts au combat. Les chimistes de notre histoire doivent éprouver le même sentiment. Ils veulent savoir jusqu’où leurs inventions mèneront l’humanité.

Les chimistes de notre histoire ont leurs contradictions intérieures, comme tout un chacun

les troubles du chimiste
Quels sont les troubles, les peurs et les démesures de nos chimistes ? Photo RAEng_Publications

Les chimistes mènent-ils un combat sans merci contre notre Nature sauvage, vicieuse et hostile ? Soumettre les forces de la Nature, c’est dans notre ADN, après tout. L’arme chimique est la plus ingénieuse et la plus propre qu’on ait jamais inventé. Depuis plus d’un siècle nous nous battons pour assainir le monde de ses nuisibles : insectes, rampants ou invisibles, aucun ne nous échappent. Et, pour les plus coriaces, la génétique a révolutionné notre armement. Les chimistes de notre monde réel savent contre quoi ils se battent. Ils se voient immanquablement comme les défenseurs de la nature, celle qui nous nourrit. Cette vision dualiste de l’homme et du vivant est, pour beaucoup d’entre nous, une vision aberrante, disons même « contre-nature ». Pourtant, dans les faits, la chimie de synthèse a vraiment contribué au « progrès » de notre civilisation. Alors, comment dénouer les fils de cette épineuse contradiction ?

Les chimistes de notre histoire éclaireront les mécanismes de la crise du covid

Les chimistes sont-ils définitivement aux commandes ?

C’est ce que je me propose de faire en décortiquant les rouages de « L’affaire Roundup », pour en tirer une fiction qui plonge dans la tête de l’ennemi. Car, dans cette affaire, le professeur Séralini et son équipe ont été conspués et écrasés par les sbires de Monsanto. Moi, je cherche à comprendre la pensée des chimistes, comme je les appelle. Comprendre ce que croient sincèrement ces hommes et ces femmes qui vivent du commerce des pesticides, des herbicides et des armes chimiques, pour justifier leur domination, c’est aussi comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd’hui dans cette crise du coronavirus. Sans s’embarquer dans des théories fumeuses, je cherche à démontrer comment le commerce pharmaceutique fonctionne exactement de la même façon. Je vous rappelle d’ailleurs que Monsanto a été racheté par sa cousine Bayer. Et, Bayer s’est justement lancée dans la course au vaccin anti-covid. Ça laisse rêveur, non ?

Écrire une nouvelle noire en 21 jours #3

3ème jour. Reste 19 jours pour publier ma nouvelle pour le concours « Quais du Polar ». Alors, comment se passe l’écriture de cette nouvelle noire ? Cliquez ici pour le découvrir

Alors, comment se passe l’écriture de cette nouvelle policière ? Suivez l’écriture d’une nouvelle noire pour le Concours « Quais du Polar » – 3ème jour. Reste 19 jours. Frémir, c’est ce qu’on recherche dans une nouvelle noire. Mon objectif est d’écrire ce que j’aimerais lire. Pas facile lorsqu’on sait qu’on le saura une fois lu, et donc une fois écrit. 

J’imagine la personnalité de mon héroïne en inventant de « faux » dialogues

Comme une bribe de dialogue

C’est comme si mon personnage s’invente de fausses histoires sur sa vie. Pour rigoler, se libérer, se décharger des tensions. J’ai déjà observé ma fille, réinventant des dialogues vécus pendant sa journée d’école. Je fais pareil. Soledad fait pareil… Soledad. Son nom est donc apparu au cours d’une fausse scène — comme un fragment de dialogue entendu dans la rue. Soledad est donc mon héroïne. Elle ne dira rien. « On » ne sait pas de quoi elle est capable. Effacée, elle ne prend pas parti. Soledad cherche tout de même à prévenir son patron qu’il risque de se faire buter. Ce n’est pas rien, mais ça assoit une nouvelle policière, évidemment. En plus, ça barde à la maison. Forcément, puisque Soledad bosse désormais avec l’ennemi déclaré : Rinaldi Serrar.

Librement inspiré d’une « histoire vraie »

Quand je vois cet avertissement dans les premières secondes d’une projection, « tiré d’une histoire vraie », un frisson me parcourt, pas vous ? Dans la vraie vie, Rinaldi Serra vient de sortir un bouquin. Dans la vraie vie, Rinaldi Serra s’appelle Séralini. Pendant ces 19 prochains jours, je vais expérimenter avec vous le pouvoir de la fiction. Sa fonction et, peut-être même, sa puissance. Ce chercheur est visé à la lunette. Taxé d’excentrique, accusé d’activisme et, finalement, de fraude passible d’une mise à pied immédiate, Rinaldi Serra ira-t-il jusqu’à « foutre sa carrière en l’air » ? Si oui, en sortira-t-il vivant ? Soledad, elle, sait ce qu’« ils » lui réservent s’il ne plie pas sous les pressions.

Caricature provocatrice pour ouvrir le dialogue et apprivoiser la bête

Soledad, raboule ta fraise, morveuse ! C’est toi qu’a fermé l’entrepôt, hier ?

— Non, j’étais au labo. C’est Conrad qui devait s’en charger, je crois.

— Putain de conard, celui-là ! Il a dit à Abdel que c’était toi, l’enfoiré ! Il nous fout tous dans la merde. Les cuves ont disparu.

J’écris ainsi des bouts de dialogues, risibles, bribes décalées de la réalité. La vérité de ce personnage naissant qu’est Soledad. Ça me défoule, ça brise la glace entre Soledad et moi. Je la caricature, et j’en ris avec elle. Elle, qui sait tout, et qui cherche à rester neutre. Forcément, ça la rend nerveuse, c’est le but du jeu. Soledad appartient à une famille de chimistes. De grands passionnés qui, comme nous tous, pensent à la sécurité de la Famille et de l’Entreprise.

J’explore l’environnement de mon personnage et ses mécanismes de croyance

Je m’identifie à une famille de criminels

Ils ont deux familles. Les découvertes et brevets d’un côté, la commercialisation et les débouchés de l’autre, deux familles indivisibles. C’est comme dans la mafia, j’imagine, l’un ne va pas sans l’autre. Pour conquérir le monde, il faut être Dieu et Juge. Personne ne coupe le lien entre business et famille. Soledad y parvient pourtant. Ce n’est qu’une question de temps avant d’y être mêlée. Ce jour était arrivé. Au sein de « l’entreprise », même si les chimistes jouissent d’un prestige immense, ils sont là pour trouver des solutions qui se vendent. Comment la criminalité s’organise-t-elle en système ? D’abord, qu’est-ce que la criminalité ? Le crime en est un atout, la loyauté aussi. Le réseau, l’imbrication des rôles et l’appartenance filiale forment le socle d’une organisation criminelle. Comme toute organisation, finalement.

J’établis un barème des responsabilités

Alors, c’est quoi la différence entre la bonne et la mauvaise organisation ? La différence, me dis-je en mettant du linge sale à la machine, c’est les conséquences de mes actes. Elles semblent dérisoires, comparées à celles qui menacent directement la biosphère terrestre. Quand même ! J’avoue que mon besoin de faire vite, pour économiser du temps et de l’énergie à moindre coût, surgit relativement souvent. Aucune spirituelle responsabilité ne m’habite à ces moments-là, je le confesse. Pas plus tard qu’hier, je balançais dans la machine à laver des fringues inadaptés à 40°, sous prétexte d’aller plus vite à moindre effort. J’ai éprouvé le besoin de bâcler la tâche. Nul désir de nuire, et pourtant ! Voilà peut-être ce qui arrive aux équipes de Tomason (anagramme de Monsanto) !

J’étudie différents angles de vue, différents mythes

Contrairement aux conséquences de mon lavage à 40°, l’usage intensif et mondial d’un pesticide mortel, menace directement la biosphère. Le plus étrange, c’est qu’un chimiste est méticuleux, car extrêmement conscient des conséquences de ses actes. C’est l’angle de vue qui change. La psychologie du « responsable » est difficile à comprendre si on ne change pas d’angle. Tous autant qu’on est, pour aller plus vite, pour entrer dans un budget, on fait des entorses à la prudence et au bien commun. L’édification du système à entorses s’opère chez tous, je pense. D’accord, alors comment s’érige-t-il en bande organisée ? Beaucoup apportent des réponses. Pour moi, Séralini apporte celle qui se déroule, comme un fil rouge, pour comprendre la situation dans laquelle nous errons actuellement. Les monstres naissent quand on rebat les cartes, à des moments historiques. Ils naissent tous pareils, en sauveurs.

Un personnage est fait de vérités

Lorsqu’elle était enfant, Soledad avait une vision plus glamour de ses frères. Aujourd’hui, ils ont peu de scrupules à lui balancer leurs résultats recherches. Avec eux, les conséquences. Qu’importe, puisque leur responsabilité est ailleurs ! « La vérité » se noie dans une propagande permanente. « L’avantage d’appartenir à la matrice, c’est qu’elle roule pour toi ! » lance le frangin.  C’est du travail d’équipe. On se sert les coudes de très prêt. De tellement prêt qu’on ne les desserre jamais. Au final, nous sommes tous logés à la même enseigne face à nos responsabilités. Quand il s’agit de réfléchir aux conséquences indirectes de nos actes, nous verrons cela plus tard… « Ces mecs-là [l’entreprise] brassent des milliards, me dit un jour mon père. Crois-tu qu’ils s’embarrassent de tes objections ? Leur job, c’est de les écraser.»

Demain, on continue d’avancer

 Une nouvelle noire en 21 jours

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