La fabrique de l’ennemi dans l’écriture fictionnelle

J’entame bientôt la troisième semaine de travail sur notre nouvelle noire (voir les épisodes précédents). J’entame en effet le travail d’écriture proprement dit. Jusqu’à présent, mes comptes rendus quotidiens suivaient mes prises de notes. Ces dernières vont toutefois plus vite que mes maigres rapports. Je vais vous faire un premier point sur la situation, en évoquant mon approche de l’ennemi. Elle se confond étroitement aux mécanismes à l’oeuvre dans notre société. La fabrication de l’ennemi dans notre travail d’écriture permet d’appréhender la réalité, ôtée du voile de l’obéissance.

L’affaire Roundup, ou la fabrique de l’opinion révélée à la face du monde (qui débranche son cable)

biologie synthétique
Une biosphère entièrement réadaptée, pour le plus grand confort de l'Homme- Photo d'Iván Tamás

D’abord, qu’est-ce qui me fait croire que le livre de Séralini éclaire les décisions actuelles du gouvernement français ?  La dernière vidéo de Didier Raoult s’appelait « La Fabrication du consentement », en référence à Noam Chomsky : fabriquer un consentement ou la fabrique de l’opinion publique. Prolixe penseur, j’en ai entendu parler toute ma vie. Noam Chomsky explique comment les mécanismes de propagande érigent une pensée collective, par les moyens techniques les plus éprouvés et les plus novateurs, les lobbys nous transmettent une vision et font tout pour la faire admettre. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire du Roundup révélée par les « monsanto papers », et c’est ce qui se passe actuellement. Ceux qui, d’un revers de main, accueillent le terme « lobby » comme « un truc qu’on connaît, c’est bon, faut se détendre », n’ont pas le temps de se faire du mal avec ça. Voir la réalité en face peut détruire notre équilibre. Je sens juste que c’est mon boulot. Je veux construire une analyse de la situation actuelle « à la lumière des monsanto papers ».

J’imagine la vision de l’ennemi et l’émotion qu’elle génère en lui.

C'est faire une percée dans l’épais brouillard qui nous aveugle - Iván Tamás

J’espère surtout que ma recherche de la « vérité » peut se transmettre par la fiction, avec plus de sentiments et d’unité. En réinventant l’histoire de Monsanto avec les yeux de l’ennemi, en étant à l’intérieur de sa tête, on pourra peut-être comprendre ce qui nous arrive aujourd’hui, et peut-être pourquoi. Même si l’imagination est le moyen utilisé pour revisiter la situation sous un autre angle, c’est toujours une percée dans l’épais brouillard qui nous aveugle. Tout d’abord, gardons une première question en tête : si les OGM menacent l’équilibre génétique de toute la biosphère, de toutes les espèces vivantes sur Terre, est-ce supportable pour le créateur de ce nouvel équilibre ? Remarquez, je parle de « créateur » et non de responsable, de coupable ou de sauveur. Je cherche le regard de l’ennemi, personnifié par « les chimistes » dans ma nouvelle.

J’imagine son regard sur les conséquences collatérales de cette vision en marche

nature beauté
Une vie sous contrôle de l’Homme, qui pénètre la Terre au plus profond de son ADN - Photo Iván Tamás

La vision d’un nouvel « ordre » qui éradiquera la faim dans le monde ? Je dis « facilement » mais cette semaine était focus sur les émotions. Les personnages ont évolué, au point de me faire percevoir l’esprit des « chimistes ». Les chimistes représentent le camp ennemi, se sont le père et les trois frères de Soledad. Je ne prends que ces trois gars pour incarner l’ennemi tentaculaire que décrit Séralini, et dont les preuves se retrouvent sur le net. Monsanto et compagnie, c’est peut-être comme une famille, après tout. La famille qui construit notre vision du futur, où la synthèse moléculaire sera la source de vie, une vie sous contrôle de l’Homme, qui pénètre la Terre au plus profond de son ADN. En six pages, il faut être schématique. Un ennemi, aimé et connu de l’intérieur, générera suffisamment d’émotion en si peu de temps.

Bref, la nouvelle avance. J’ai le schéma d’action de l’histoire et la sensation que l’intrigue peut générer suffisamment d’émotions. Le plus délicat reste à faire : l’écriture du scénario et la mise en forme littéraire. Comme je l’indiquais hier, la publication est à effectuer SUR KOBO-FNAC LE 31 MARS AU PLUS TARD.

Comment traiter l’ennemi dans une nouvelle noire ?

Quelle peut être la question de fond que je soulève dans la création de cette nouvelle noire ?
Facile ! Les OGM menacent-ils l’équilibre de toute notre biosphère, de tous les êtres vivants sur Terre ?

La psychologie de l’ennemi revête une importance capitale dans l’écriture de notre nouvelle noire en 21 jours. Sa publication sur Kobo-Fnac doit être effectuée le 31 mars au plus tard. C’est un jeu de création qui épouse le thème du concours « Quais du Polar » : Nature et environnement, nouveaux terrains de jeux du crime ? Vous l’aurez compris, le livre de Séralini est une base d’inspiration parfaite. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis lancée dans l’écriture de cette nouvelle.

Les phases d’approche de la création de l’histoire : approche free style, édification et création.

approche fractale
j’ai la profonde impression que l'histoire préexiste à mon jeu d’écriture - Photo de PIRO4D

Soledad entra dans le bâtiment avec appréhension… Soledad était au bord du roulot… Pour rendre les choses acceptables, il faut qu’elles soient supportables… Voilà le genre de phrases que je peux écrire pour m’approcher de l’histoire qui s’élabore dans ma tête alors que je n’en extrais que des bribes,  des filaments, même. Celles données en exemple, servent plutôt à m’interroger : quel est ce monde qui se dévoile à mon cœur autant qu’à mon esprit ? Nulle performance dans cet exercice. Certes, j’ai une « deadline », comme on dit, un cadre de travail quotidien, et une furieuse envie de m’éclater dans ce que je fais. Mais, nul esprit de compétition à l’horizon. Juste le doux murmure du matin, qui m’annonce qu’un jour nouveau donnera sa pierre à l’édification de l’histoire, dont le plan serait déjà écrit quelque part, peut-être dans mon subconscient, relié à l’inconscient collectif. En fait, quand j’écris une histoire, j’ai l’impression profonde qu’elle préexiste à mon jeu d’écriture.

Connais ton ennemi comme toi-même : les pensées intimes de l’ennemi doivent être percées à jour

reconnais ton ennemi
Quelle peut être la question de fond que je soulève ? Photo de Gerd Altmann

En ce moment, mes lectures me poussent à me poser les bonnes questions et, surtout, à rechercher des réponses déjà démontrées, prouvées et éprouvées. Par les temps qui courent, mieux vaut les mettre à notre portée et en comprendre les enjeux… pour le camp d’en face. Suffit de chercher. Je retiens ici trois lectures principales pour notre nouvelle en cours vous trouvez ici le compte rendu quotidien de ce défi d’écriture vous abonnant. Il s’agit bien sûr de « L’Affaire Roundup à la lumière des monsanto papers », de Gilles-Éric Séralini. Ce premier auteur (qui inspire à 100%  mon histoire en cours) me renvoie à « Un empoisonnement universel », de Fabrice Nicolino. J’y vois la démonstration de deux camps qui s’opposent. Ce qui est vrai. Mais, j’équilibre avec une vision plus « troisième voie » avec « La biologie des croyances » de Bruce Lipton. Encore un scientifique qui s’en sort bien J Allez ! Quelle peut être la question de fond que je soulève dans la création de cette nouvelle noire ?

La vision de l’avenir est parmi les pensées les plus intimes d’un personnage

regarder l'ennemi en face
Une vision aveuglante de l'avenir - Photo de Gerd Altmann

À quel avenir l’ennemi contribue-t-il ? Facile ! Les OGM menacent-ils l’équilibre de toute notre biosphère, de tous les êtres vivants sur Terre ? Question presque inintéressante si elle n’était couplée à celle-ci : Est-t-il supportable d’être le créateur d’un nouvel ordre biologique ? Comment les « chimistes » voient-ils l’avenir et leur contribution à… à quoi, au fait ? À l’avènement d’un nouvel ordre de la Nature ? À une biosphère adaptée au contrôle synthétique ? Ce que je n’aime pas toujours, dans la fiction, c’est la prophétie d’un sombre avenir. Non, l’espoir est pour moi plus intéressant à créer. Pour cela, il faut que je crée la logique de « l’ennemi ». Quand il y a lutte, on élabore l’histoire de façon dualiste. Je n’y crois pas. Les chimistes de Monsanto, les biologistes et généticiens qui œuvrent au progrès de la chimie de synthèse, ont une vision, une logique et une mission à accomplir.

La logique de l’ennemi, c’est elle qu’il faut comprendre pour écrire cette nouvelle.

conséquences de l'ennemi
La vision de l'ennemi devenue réalité porte-t-elle à conséquences ? Photo Gerd Altmann

Comme je l’explique dans mon dernier article « J’écris un thriller sur  L’Affaire Roundup », l’ennemi est l’industrie des pesticides : les chimistes ! Comment ont-t-ils été éduqués ? Quelle place accordent-ils aux êtres vivants ? Quelle place accordent-ils à leur travail ? Ces chimistes visent quelle destination, au juste ?  Tant de détermination peut-elle s’expliquer par la « valeur » commerciale de leur industrie ? Pour partie seulement. Dans quelle logique sont-ils eux-mêmes habilités au « traitement » de la vie ? Ainsi, c’est en comprenant la psychologie de l’ennemi qu’on identifie les alliés.