La vision d’un chimiste d’industrie sous l’œil de la fiction

Une plongée dans l’esprit des chimistes grâce à la fiction ? Ne pas juger ses personnages, éprouver de l’empathie pour eux, se mettre dans leur peau. Une façon de comprendre le monde.

L’Histoire de la chimie d’industrie rend compte de l’héritage d’une vision

D'intimes croyances parsèment les visions de notre avenir

Le progrès de la chimie est une expérience collective

La dose fait le poison. Voilà comment les chimistes de l’industrie justifient leur vision du commerce des produits de synthèse. Notre rapport aux poisons est vieux comme le monde, et touche notre rapport à la nature : le poison guérit… selon la dose prescrite. On peut remonter l’Histoire en 1856, avec la découverte du premier colorant de synthèse. Ce miracle de la science permit d’industrialiser un commerce auparavant tributaire de la nature pour ses matières premières telles que la cochenille. Depuis, la chimie de synthèse a continué ses découvertes révolutionnaires et brevetées pour le plus grand bonheur de tous. . Telle est la vision optimiste, tandis qu’on reconnait et réglemente les risques de cancers chez les travailleurs du textile. C’est un compromis adopté de longue date.  Qui ne porte pas de vêtements colorés avec ces produits aujourd’hui ?

La fiction y intègre une vision intime, personnelle et familiale

Je me souviens, enfant, que mon frère passait des heures à fabriquer sa planche à voile à base de truc blanc plastique et modelable à souhait. Je me souviens aussi des plaques d’isolant dont l’odeur pétrolifère me plaisait. Et, si je vous dis ça, c’est que je pense entrer dans la tête des chimistes pour écrire ma fiction. Pour ceux qui ont suivi mon défi du mois dernier « j’écris une nouvelle en 21 jours », vous savez que j’ai écrit une nouvelle noire sur le thème « Nature et environnement : nouveaux terrains de jeux du crime ? » Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que je suis aussi sur l’écriture d’un roman : Le Projet Line. Dans ce roman, le père de mon héroïne est un grand patron de l’industrie pétrochimique. La nouvelle tombait à pic, car je dois explorer le cerveau de ce personnage (mécanismes de pensée, vision, éducation, morale et croyances).

L’écriture d’une histoire peut nous permettre d’éprouver cette vision

Notre inconscient collectif porte le sceau du sacrifice - Photo de Ajay kumar Singh

La fiction, vecteur de compréhension d’une vision différente du monde

Ce mois-ci, le travail sur cette fiction, « So French Resistance », m’a permise de faire une première plongée dans l’esprit des chimistes. La fiction oblige à ne pas juger ses personnages, à éprouver de l’empathie pour eux, à se mettre dans leur peau. C’est une démarche avantageuse pour notre compréhension du monde. Ma compréhension est certes embryonnaire, car le travail ne fait que commencer. En un mois, j’ai tenté d’imaginer leur vision du monde, leurs pensées inconscientes, fruit de leur éducation, de leur apprentissage, de leur rapport à la nature. Qui sont les farouches défenseurs des produits toxiques, indiscutablement précieux pour notre survie ? Quels désirs profonds modèlent leur logique de pensée ? Le mois passé, je me suis attachée à imaginer les cadres de la firme Monsanto, puisque l’écriture de ma nouvelle s’inspirait du livre de Séralini. Au bout du compte, « So French Resistance », parle de génétique et de vaccins, marrant, non ?

L’imagination, outil d’analyse d’une logique de pensée

Je tentais d’imaginer la logique interne des chimistes et cadres de Monsanto, derrière la justification de leurs actes de manipulation, de fraude, de menace et de corruption. Quelle est donc leur vision ? Comme la plupart des défenseurs du Roundup, l’épandage des poisons cancérigènes n’est pas un problème dès lors que l’épandeur suit les précautions d’emploi. Il faut avoir conscience des risques réels set ne pas déroger aux règles d’emploi. Bref, c’est un poison, c’est marqué dessus. Point barre. Si tu ne fais pas gaffe, tant pis pour toi. C’est vrai, la responsabilité est partagée. Qu’on se batte pour avantager cette répartition, c’est de bonne guerre !  Que le poison s’infiltre dans la terre et s’écoule dans les ’eaux ? Même principe : responsabilité partagée… avec des avantages, comme la propriété intellectuelle, le secret de fabrication qui va avec, et le brevet qui boucle le débat.