La déclaration de foi

Alors, êtes-vous prêts à refaire votre histoire ? L’exercice dont je vous parlais hier mérite sûrement un temps de macération, qu’il prenne un parfum de folie, de rêve et de liberté. Je l’ai fait, il y a de cela une semaine, le jour de mon anniversaire.

Photo d’Antonios Ntoumas

Alors, êtes-vous prêts à refaire votre histoire ? L’exercice dont je vous parlais hier mérite sûrement un temps de macération, qu’il prenne un parfum de folie, de rêve et de liberté. Je l’ai fait, il y a de cela une semaine, le jour de mon anniversaire. Quand on écrit ce genre de chose, c’est, comme on dit, de l’ordre de l’intime. Toutefois, il est juste de vous livrer ce texte, en simple exemple, sans fard ni retouches. Ainsi, vous aurez un premier aperçu de ce que ça peut donner, ou apporter.

Se jouer de l’histoire

déclaration écrite
"S'offrir la libre expression de la foi, qui porte en elle la pureté de l’abandon." Photo Moshe Harosh

Je dois néanmoins vous prévenir que mon petit jeu de l’histoire inversée est le résultat d’une suite d’exercices similaires. Et si le texte d’aujourd’hui affiche une désinvolture affichée, c’est que je suis passée par des pratiques plus complexes et inconfortables, fouillant dans mes souvenirs ce qui restait bloqué. Le texte que vous allez lire est un petit cadeau d’anniversaire, en quelque sorte. Un petit cadeau qui ne nécessitait aucune dépense. Et dont le principe, justement, était de m’offrir la libre expression de la foi, qui porte en elle la pureté de l’abandon. Si je voulais être moins emphatique et plus rigoriste, je qualifierais ce texte de « lettre de motivation ».

Réécrire le récit

12 août 2020
Tu refais ton histoire. Bon anniversaire.

Pour certains, je suis une belle femme. Encore aujourd’hui, à l’aube de mes cinquante ans, je garde le charme de la jeunesse, celui qui maintient les mystères de l’enfance et qui éloigne des avaries de l’âge. Et, si je me fais appeler Alice Grownup, c’est pour parvenir à ce subtil équilibre qui permet de grandir sans se laisser piéger. Mais, il faut que je vous dise. Cette courte histoire sert à lancer le reste de ma vie, plus dense, plus longue et plus forte que jamais. Une vie qu’aucune croyance ne pourra endiguer. Elle se déversera sur le monde pour l’aider à grandir et à se relever d’une croissance forcée, dont les ravages doivent cesser. Il y a donc une façon d’écrire le passé pour assurer un avenir fécond dont je suis garante à tout jamais.

Relire les faits

Qui suis-je ? Un défaut de vue interpelle mon cerveau. Un flash rapide recouvre la réponse élaborée, qui devrait former le plus gros d’un tableau intéressant et porteur d’avenir. Il a trait à ce qu’on appelle trivialement « l’insertion professionnelle ». Justement, portons là notre attention et révolutionnons mon ancien discours, mon ancienne vue de l’esprit reliée à l’interprétation morale des faits. Je dis « morale » pour parler de la norme sociale. Autre débat ? Décortiquons la chose à partir du début : les faits. Ils se relatent, ils se racontent selon l’angle de vue du conteur. Allons-y.

Revisiter les souvenirs

souvenir d'enfance
Je me souviens d'avoir rêvé... Photo Enrique Meseguer

J’étais une petite fille pleine de bagou, pleine de vie, pleine d’énergie et pleine d’idées. Très jeune, je me souviens avoir rempli un gros panier de poires de coq et avoir sonné aux portes des maisons alentour pour les vendre. Je me souviens aussi avoir fabriqué des paniers de fleurs séchées, avoir écrit des poèmes et des histoires et, surtout, avoir correspondu avec un grand reporter pendant toute mon enfance et mon adolescence. Philosophé et questionné sans relâche.

Renverser l’interprétation

Puis, plus grande, avec la curiosité propre à l’écrivain, exploré tous les mondes possibles. Ceux du commerce, ceux du sondage, ceux de l’art et de la culture, ceux de la politique et du social. Je n’avais pas la nécessité de gagner ma vie, ce qui m’a permis d’assouvir ma soif de découvrir. Mes parents étaient parfaits pour me laisser toute liberté de découvrir la vie, les autres, et les territoires. C’était une véritable aubaine. Cette multiplication des intérêts me permettait d’étendre ma palette de connaissances, tandis que ma mère m’obligeait à rester dans les études.

Réinventer l’avenir

attiré vers l'avenir
Élargir sa vision du passé... Photo Gerd Altmann

Aujourd’hui, toute cette expérience me permet encore d’ouvrir le champ des possibles. J’ai ainsi ouvert un nouveau pan de ma vie sur l’internet. Et j’arrive enfin à l’aune d’une nouvelle aire. J’innove, je bâtis. Oui, j’ai posé les bases d’une nouvelle vie où il est question de pouvoir économique. Au-delà de la simple question de l’insertion personnelle, du moulage salarié, j’ai la vision du bâtisseur. Se comparer au salarié lambda me portait à garder un prisme restreint sur le sens de mes actions, à travestir l’interprétation des faits.

Se déclarer

Aujourd’hui, je comprends le sens de toutes mes actions passées qui m’amène à élargir ma vision. Allez, vas-y dis-le ! Je suis une bâtisseuse. C’est-à-dire ? C’est-à-dire que je suis une bâtisseuse. C’est-à-dire ? Je fabrique, je choisis mes collaborateurs, je m’insère parfois dans des équipes si je me sens libre de créer. C’est ça le truc. Je suis une créatrice, j’aime communiquer.

Le jeu de la candeur n’est qu’un leurre

les bâtisseurs
"Allez, vas-y dis-le !"

Je réitère mon avertissement : ce texte aux apparences candides et complaisantes cachent un travail préalable profond sur les sentiments enfouis, reliés à des souvenirs redondants dont l’interprétation sans discernement ni concession bouchait une vision fluide et positive de mon avenir. Ce travail sur soi, sur les visions stagnantes de son passé, sur les ressentis dynamiques et inconscients en action, qui freinent imperturbablement notre avancée, se fait grâce à des pratiques de coaching qui s’éloignent notablement des traditions psychanalytiques pour moi dépassées. Si ce thème vous intéresse, dites-le moi en commentaire ou par mail (et si vous n’êtes pas encore abonné, c’est le moment, car la correspondance est incluse dans le clic)

Le suspense, l’ingrédient magique du récit, selon Bernard Werber

Pour notre roman, nous avons beaucoup de jeux à mettre en place avec le lecteur, beaucoup de possibilités à ne pas laisser passer. Bernard Werber suggère de noter en marge les moments de l’histoire où le lecteur croira avoir découvert le mystère…

Comment structurer son roman autour d’un mystère central ?

En quête de suspense Photo de Dariusz Sankowski
En quête de suspense Photo de Dariusz Sankowski

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
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Comment Bernard Werber découvre l’ingrédient secret

Le cours n°4 de la masterclass en ligne de Bernard Werber traite du suspense (voir son cours n°3 sur l’utilisation du tarot). Oh, pas de grandes théories dans ce petit cours, mais une histoire. Déjà, si ça peut rassurer les écrivains débutants, le premier jet de son célèbre roman « Les Fourmis » n’était pas très digeste. Il manquait de ce qu’il appelle « la balle de tennis jaune ». Pour faire court, Bernard Werber comprit ce qu’il manquait à son roman le jour d’une randonnée en groupe qui tourna au fiasco. En effet, le soir venu, son petit groupe de randonneurs se perdit dans la montagne. Trouvant finalement le refuge à une heure avancée de la nuit, affamés et transis, les membres du groupe étaient extrêmement tendus. L’un d’eux proposa alors de raconter une blague.

À la racine du jeu se trouve le suspense

Elle consistait à maintenir l’auditoire en haleine par l’histoire d’un fils qui, à chaque grand événement de sa vie, refusait le merveilleux cadeau de son père en demandant une simple « balle de tennis jaune », promettant de lui dire un jour pourquoi. Après un accident, sur son lit de mort, le fils dit au père qu’il devait absolument lui révéler la raison secrète de ses demandes répétées. Mais, il mourut avant d’avouer le mystère. Ce jour-là, Bernard Werber découvrit le pouvoir du suspense. Alors que les randonneurs s’étaient disputés et même battus au cours de leur errance, ils se laissèrent embarquer dans l’histoire, oubliant la faim, le froid et l’animosité, se réconciliant et riant du mauvais tour que leur avait joué le conteur.

Le roman n’est-il qu’un jeu de pistes ?

Pour notre roman, nous avons beaucoup de jeux à mettre en place avec le lecteur, c’est vrai, beaucoup de possibilités à ne pas laisser passer. Bernard Werber suggère de noter en marge les moments de l’histoire où le lecteur croira avoir découvert le mystère. Il devra tomber dans nos pièges, en quelque sorte, l’orientant sur une fausse piste. Encore une fois, il nous incite à penser l’écriture comme un jeu. Cette fois, c’est entre nous et notre lecteur. Pour « Le Projet Line », le mystère réside évidemment dans l’origine des pouvoirs de Line, notre héroïne. Mais le suspense, bien qu’il se définisse clairement dans les questions dramatiques du genre « Line va-telle parvenir à maîtriser ses pouvoirs ? », se retrouve partout dans un roman, comme les battements d’un cœur qu’on ne cesse d’entendre, où que l’on aille.

Quelle technique narrative utiliser pour inventer son propre jeu ?

exploration-Selvazzano Dentro
Exploration-Photo de Selvazzano Dentro

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
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Trouver la meilleure question à poser au lecteur

Line va-t-elle découvrir l’origine de ses pouvoirs ? C’est bien probable. Comment fonctionnent-ils ? L’intérêt est de suivre Line dans cet apprentissage. Gagnera-t-elle en humanité ? Ah, ça, on ne sait jamais. Comment l’auteur va-t-il évoluer, c’est bien la question ? Va-t-il se laisser envahir par ses propres démons et faire basculer son personnage à travers les plus sombres recoins de sa psyché ? Mystère ! Line déjouera-t-elle les plans machiavéliques de l’ennemi ? Tout dépend de qui est l’ennemi véritable. Comprendra-t-elle à temps qu’il veut l’exploiter ? Qui profite de qui dans cette histoire ? Encore un mystère, évidemment ! D’accord, ces questions forment le socle d’une bonne histoire mais, Bernard Werber souligne qu’il faut faire preuve de subtilité, en usant de techniques narratives éprouvées.

Structurer son récit comme une chasse au trésor

« Dès qu’un organisme vivant entreprend quelque chose et que le résultat est incertain, on a de la dramaturgie », rappelle Yves Lavandier pour expliquer le principe du récit. Dans «  Construire un récit », Yves Lavandier commence par la base : « le principe objectif-obstacle ». On va quelque part mais, va-t-on y arriver ? Suspense… Provoquer ce suspense, c’est amener le lecteur à se poser une question, jusqu’à la rendre si pressente qu’il tourne les pages avec fébrilité. Pour se faire, jalonner le récit d’indices et de fausses pistes, comme dans une chasse au trésor, est in-dis-pen-sable ! Oui, il y a bien des mystères à servir au lecteur. Pourtant, nous devons trouver le plus essentiel, celui qui fera vibrer l’édifice jusqu’à la fin. Qui est Line ? Que va-t-elle devenir ? Ces questions dramatiques sont naturelles mais, la question mystère, quelle est-elle ? Qu’est-elle vraiment capable de faire avec ses pouvoirs ? Voilà sa quête personnelle déterminée ! Et, combinée à la chasse, le jeu devient exaltant.

Construire le mécanisme du suspense autour de la répétition

Bernard Werber souligne d’ailleurs que le principe de « la balle de tennis jaune » ne peut fonctionner qu’avec le principe de la répétition. Le désir de savoir est ainsi alimenté et la frustration enclenchée (ce qu’on appelle aussi « la tension dramatique »). Ce désir est nourri au fil du récit pour pousser le lecteur à tourner les pages, encore et encore, jusqu’à la fin. Si le lecteur est amené à se poser des questions, l’auteur doit lui procurer des indices qui, naturellement, lui donneront le pouvoir d’émettre des hypothèses. Reste que le lecteur doit ressentir le pouvoir d’une seule question essentielle. Deviner ce qu’il est vital de savoir. Alors, vous en ferez un lecteur investi, actif, invité à répondre. Comme s’il était entouré d’amis, au coin du feu, marqué par l’ambiance et buvant les paroles du conteur. Dans ces conditions, si la question se répète et que l’hypothèse est systématiquement invalidée (« subtilement ! » précise Bernard Werber), la tension monte et le lecteur attend le dénouement. L’auteur est donc responsable de l’ambiance par la mécanique du suspense.

À l’apparente complexité du roman, se substitue le jeu de la question et des sous-questions

chasse au trésor photo de Tumisu
chasse au trésor - photo de Tumisu

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
unique !

Dans une chasse au trésor, les indices sont nos sous-questions

Qui est l’ennemi infiltré chez les d’Haranguier ? À cette question, il devra se trouver une scène où les ennemis de la famille d’Haranguier parlent de cet espion mystère, sans que le lecteur ne puisse l’identifier. Qui est infiltré dans l’entourage de Line depuis tant d’années ? Plus tard, un nouvel indice relancera la question, puis un autre. Et, tandis que le lecteur se perd en conjectures, le danger se précise et les personnages soupçonnent, eux aussi, un ennemi dans leurs rangs. La seconde condition pour que le jeu fonctionne, c’est donc que la question se répète. Il faut la mettre en scène. Dans le camp ennemi, le lecteur apprendra qu’un renseignement essentiel vient d’être fourni par notre espion mystère. La nature de ce renseignement donne un indice au lecteur. Il ne tient qu’à l’auteur de l’amener à croire qu’il a trouvé le traître, par de faux indices : l’espion était dans les parages, par exemple, ou venait de recueillir une confidence dont il pouvait en déduire la vérité. Chaque sous-question doit donc rapprocher du but : répondre à la question principale.

Trouver la question qui fait vivre l’histoire et donne un sens à notre quête

Vu comme ça, c’est vrai qu’on a de quoi s’amuser. Néanmoins, l’existence de cet espion doit donc apporter un sens à notre quête. Chaque élément, chaque scène, chaque personnage est là pour répondre au questionnement principal induit par l’histoire : qu’est-ce que Line est vraiment capable de faire avec ses pouvoirs ? À quoi sont-ils destinés ? C’est en écrivant cet article que j’ai fini par comprendre que la vraie question se trouve là ! Il me semble qu’Hitchcock voyait les choses comme ça : rien ne fait office de décor ou de bouche-trou, le moindre détail a un sens pour diriger le lecteur. Et c’est bien pour comprendre tout cela que je décortique l’écriture de mon roman en cours : « Le Projet Line ». Notre espion — il s’appelle Henry, s’est inscrit à la fac dans les mêmes cours que Cécile, bien avant la naissance de Line — ne doit pas être là pour amuser la galerie où faire frissonner le lecteur. Mais, avant de pouvoir comprendre le sens de mon propre récit, j’ai fouillé la personnalité, le rôle et les enjeux qui animent mes personnages.

 Nos sous-questions (ou sous-objectifs) sont tous reliés à notre quête

Prenez le père de Line, par exemple. Antoine est un homme autoritaire et puissant qui a une position ambigüe dans l’histoire. Grand stratège, Antoine doit faire penser au lecteur qu’il a probablement un plan afin d’aider sa fille à s’en sortir. Mais, rien n’est moins sûr. S’il fomente vraiment une stratégie contre l’ennemi, un homme tel que lui n’a-t-il pas l’intention d’en tirer profit ? Capable de se mesurer à l’ennemi, Antoine serait pourtant le plus à même d’aider Line. Nous devons absolument nous demander s’il est pour ou contre sa fille, pour ou contre les résistants qui s’allient à sa femme (les résistants ont des pouvoirs et se cachent de l’ennemi), pour ou contre l’ennemi ? Sa personnalité secrète, ses actes de tyrannie, nous obligent à nous poser systématiquement la question. Mais, finalement, maintenant que j’ai trouvé ma quête (À quoi sont destinés les pouvoirs de Line ?), mes sous-questions (ce qu’Yves Lavandier appelle les sous-objectifs) sont guidées, portées par le sens de cette quête.

Et si nous faisions ensemble l’exercice de la balle de tennis jaune ?

La balle de tennis jaune de Bernard Werber - Photo de Felix Heidelberger
La balle de tennis jaune de Bernard Werber - Photo de Felix Heidelberger


Line n'est pas seule...

Suis-nous !
unique !

Le roman est donc un jeu de cohérence. Désormais, en me demandant quelles sont les réelles motivations d’Antoine et les conséquences de ses décisions, je vais pouvoir y répondre systématiquement en cohérence avec la question centrale qui sous-tend désormais l’existence de tous mes personnages. Cette question secrète les relie tous. D’une façon ou d’une autre, tous mes personnages doivent constituer une partie de la réponse. Je vous propose de faire l’exercice de la balle de tennis jaune. Je l’ai fait ce matin, en une demi-heure, avant la publication de cet article. En apparence, l’exercice n’apporte rien mais, dans les faits, il provoque un mécanisme de réflexion qui permet de connecter à la question. Je vous propose de rassembler nos textes dans le prochain article, ça nous permettra de revenir sur ce thème essentiel qu’est le suspense. Lancez-vous !

Pour m’envoyer votre texte, et le voir publié dans notre journal d’auteurs rien de plus simple, je suis derrière tous les points de contact de ce blog. Les abonnés le savent bien, je réponds toujours à vos mails ! Alors, à vos claviers les amis ! Une demi heure à une heure d’écriture pour trouver votre balle jaune. Bernard s’est inspiré de la porte de Barbe bleue. Moi, de Line qui ne peut avoir d’amis. Allez, top chrono !  L’exercice est de jouer avec notre cerveau  ! S‘amuser, sans jugement ni prétention. Laisser son imagination agir selon une intention, une consigne, et rien de plus. L’en-jeu est enfantin.