Dur d’être écrivain ?

« Je suis confrontée à cette énigme depuis si longtemps qu’il est légitime de vous répondre. »

Pourquoi est-t-il si difficile d’être écrivain ?

La vie d’écrivain est un cliché qui n’a plus de secrets pour personne. Pourtant, si vous vous intéressez à cette question, au fond, c’est que vous aimeriez en être ! Et comment ? Voilà bien toute l’ironie de la chose ! L’écrivain n’est plus un secret pour personne mais, pour vous, en pratique, le mystère reste entier.

L’écrivain doit répondre à toutes sortes d’exigences, dont la plus sournoise est de concilier sa vie avec son écriture – contenant de pensées sur l’existence (la sienne propre) à transmuter en histoires (quelle qu’en soit la forme adoptée). Son rythme d’écriture n’est pas inné. Même s’il semble l’être chez les plus passionnés. À un moment ou à un autre, la question de la constance se pose.

« S’il en prend pleinement conscience, il ne pourra échapper à cet instant clé »

Le vrai problème de l’écrivain tourne autour du « être-soi » . S’y confronter l’amènera (ou pas) à devenir écrivain.

Car, s’il se fabrique un rituel journalier pour s’ancrer dans le réel, s’il tend à remplir ses cahiers de pattes de mouches ou de gros caractères bien visibles, vient un moment où il se demande où il va et si sa parole a un sens… pour lui-même et pour les autres.

Le sens des mots, le sens des phrases, le sens général et le sens de la structure, tous ceux-là se complexifient immanquablement. Mais le travail de l’écrivain peut en venir à bout si ce dernier tient vraiment à achever sa création.

Non, le plus dur ne se trouve pas forcément dans les questions les plus évidentes.

Commençons par des exemples simples, voire triviaux :

Assis, stylo en main, il tente de se suivre avec frénésie, de coucher ses visions, pensées et idées sur le papier, quand une envie d’aller faire caca l’interrompt. Le voilà bien en peine de soutenir la cadence !

Le bien avisé continue aux toilettes, s’enregistrant dedans s’il est des plus modernes. À cet exercice, ma parole bafouille et ne sort qu’en languissant; il me faut écrire.

Autre exemple : satisfait, il met le point final à son chapitre, mais se demande s’il est relié aux autres, et si son personnage s’y reconnaîtra.

Si mon héros se mettait à faire le contraire de ce que je lui demandais ? Si, au lieu d’éviter un chat sur la route, je faisais en sorte qu’il l’écrase sciemment ? Qu’est-ce que ça apporterait à l’histoire ? Qu’est-ce que ça révélerait d’une personnalité ? Est-ce ainsi qu’un personnage devient réel ?

Non, là, je vous entraîne trop vite sur les traces d’un  écrivain confirmé. Et, d’ailleurs, je n’ai pas encore observé cette approche dans la construction de mes récits. Revenons donc à la fabrication d’un écrivain.

« Quelles épreuves devra-t-il subir lui-même ? »
Comment se construit-il écrivain ?

Ah, nous y sommes enfin !  Je me suis réveillée ce matin avec l’idée que ma vie était d’un ennui mortel. Pour commencer une journée d’écriture, il y a mieux. Quelques heures plus tard, j’écris cet article. Voilà des réalités rarement établies ! Aussi fugaces qu’insistantes, toutes ces petites réalités, concrètes et existentielles, demeurent à jamais le terreau de notre écriture. La sensation que nos rêves demeurent inaccessibles est désagréable. Certes ! Elle n’en reste pas moins là, selon les jours. Obstacle ou tremplin.

Considérez l’écrivain comme une des facettes de votre personnalité

L’écrivain compose avec lui-même, avec les réalités et aléas de sa propre vie. C’est évident, imparable et, pourtant, rarement reconnu avec la justesse nécessaire. Quelle place attribuez-vous donc à ce rôle ? Vous en inventez les règles, en établissez les rituels et en déterminez les temps de présence.

« Le feriez vous avec vos armes habituelles ? »

Absolument ! À aiguiser ! Selon votre tempérament. Au final, soit vous intégrez l’écrivain qui est en vous, soit vous engagez une bataille pour le légitimer.

Un rôle parmi les multiples autres dont vous vous acquittez déjà, avec le sentiment plus ou moins net d’en maîtriser le jeu.