La nouvelle noire en cours pour le concours « Quais du Polar », dont je vous livre chaque jour les dessous d’écriture, est inspirée de « L’Affaire Roundup à la lumière des monsanto papers », un livre de Gilles-Éric Séralini publié en octobre 2020. Cet enseignant chercheur est le héros de l’histoire. Un héros qui narre déjà son histoire « vécue » dans son livre. Rinaldi Sirrar, le Séralini de ma nouvelle, formera donc un duo avec Soledad. Ce couple de héros pose les portes de ma narration. Soledad est mon espionne narrative, elle louvoie dans les deux camps : celui des chimistes et celui des biologistes.
Comment écrire une nouvelle noire à partir du récit de Séralini ?
Je cherche une entrée théâtrale à ma nouvelle tirée du récit de Séralini
Où en est donc cette nouvelle ? J’en ai édifié les jalons ; la scène dans le métro de Londres est le point cortex émotionnel du mini thriller de 6 pages à écrire. Avant cet évènement, Sirrar subit toutes sortes de pressions. Après, il attaque et gagne. Des jalons permettent d’étaler la trame sur les points forts du récit. Pas besoin de les placer sur une ligne. Pas encore. Car, la trame, elle, c’est l’histoire qui se joue entre Sirrar et Soledad. Des flashbacks sont possibles : Soledad, amie ou ennemie de l’intérieur ? Même si, en apparence, cette question est un cliché du genre, elle décuple la force de leur relation. J’ai un couple de héros à faire vivre. La relation entre mes deux héros déterminera l’intrigue. Pourquoi ? Pour la rendre palpitante. Rinaldi Sirrar et Soledad fondent la nouvelle noire à venir. Reste 11 jours.
J’imagine les mystères enfouis derrière le récit de Séralini
D’abord, l’intrigue est un carré plat, cadré des faits suivants : un chercheur prouve la létalité d’un pesticide vendu pour tuer les nuisibles, tous et partout. Ce pourrait être la devise du fabricant. Ses produits miracles servent pour tout, des épandages agricoles au nettoyage des cours d’école, en passant par l’éradication de tous les dangers pour la santé des hommes. Insectes & Cie pliera sous notre joug ! hurlent-ils en cœur avant de commencer toute réunion. Pourquoi s’en étonner ? Mon idée est d’imaginer la pensée des défenseurs du Roundup à travers Soledad. Elle sait qui est Sirrar, elle en entend parler, voyons, depuis dix ans au moins, comme l’emmerdeur n°1 qui attend sa leçon. Soledad a 23 ans et bosse aujourd’hui dans l’équipe de Sirrar. Dans son livre « L’Affaire Roundup […] », Séralini explique s’être fait conspuer pendant 15 ans avant cette affaire — l’affaire des rats, l’affaire séralini, l’affaire Roundup, c’est selon.
Comment l’auteur de « L’Affaire Roundup […] » est-il visé par l’ennemi ?
De mon côté, je me mets dans la peau d’un chimiste convaincu
Les activités de recherche du professeur Séralini et de son équipe sont évidemment très mal senties par les industriels visés. Ce sont eux les premiers ennemis. Monsanto a des services chargés de contre-attaquer les scientifiques qui cherchent à démolir ses produits et sa réputation. C’est évident. S’ils avaient laissé faire la chance ou le hasard, ces industriels chimistes n’auraient pas autant de poids et d’influence sur le marché mondial, et le cac 40, n’est-ce pas ? Ces hommes ne laissent même pas la Nature au Hasard. Si je me mets dans la peau d’un chimiste convaincu de sa mission sacrée, je me vois participer à l’avènement d’un monde où l’homme maîtrise le hasard que j’exècre. Chimiste convaincu, je considère aussi qu’une tranche de la population ne croit pas au hasard. Je les combattrai fanatiquement pour servir le progrès vers un monde plus juste, où Insecte et Cie sera définitivement sous contrôle.
Je pousse la pensée ennemie jusqu’au fanatisme désinhibé
Les chimistes perçoivent-ils le hasard comme une aberration congénitale ? J’imagine ainsi les ennemis de Séralini : des chimistes déterminés à soigner la Nature du méchant hasard. Ce sont des Dieux de la génétique aux commandes de la chimie de synthèse. Ils injectent leur point de vu dans les rouages de la société, distillent les doutes, serinent les médisances et consolident systématiquement leurs défenses. Dans des articles, dans les couloirs du pouvoir, autour des dîners, des séminaires et des colloques, le nom de Séralini circule déjà depuis belle lurette. Le jour où les résultats de son étude tombèrent, la panique s’empara des responsables de Monsanto. Des résultats crédibles et accablants sont sur le point d’être publiés*. La stratégie de dénigrement passe donc en code rouge. Les équipes de défense de Monsanto doivent gagner du temps.