Comment la fiction peut-elle éclairer une menace réelle ?

Pour écrire notre nouvelle noire basée sur « L’Affaire Roundup »je m’imagine dans la peau de ceux que j’appelle « les chimistes ».

Pour écrire notre nouvelle noire basée sur « L’Affaire Roundup », j’ai commencé par créer notre couple de héros : Rinaldi Sirrar et Soledad.  So a été élevée par l’ennemi, c’est ma porte d’entrée pour me mettre à la place de l’ennemi. C’est à travers elle que je m’imagine dans la peau de ceux que j’appelle « les chimistes ». J’imagine le fil de leur pensée, puis je tire ce qui vient à nous pour voir l’envers de la réalité.

Le fameux « ils » tant comploté de l’ennemi, disloqué par les mécanismes de la fiction

propagande et complot
C’est ainsi que la fiction interroge la réalité. Photo de Stefan Keller

Cette nouvelle en cours d’écriture que vous suivez maintenant depuis deux semaines, revisite donc l’histoire d’un chercheur qui prouve la létalité du pesticide le plus vendu au monde, et la dangerosité de son maïs OGM. Qu’en pensent-ils, les chimistes, des résultats de recherche du professeur Sirrar ? Ils n’en voient pas l’intérêt. Des telles recherches vilipendent la magie de leurs inventions brevetées, destinées à sauver l’humanité de la faim et les nations de l’ennemi. « Tout ça pour démontrer que nos produits sont toxiques !? Mais, c’est leur raison d’être ! Tuer les nuisibles, c’est notre job, bon Dieu ! Ces gauchistes, abrutis, inutiles, sont des trouillards qui nous font perdre du temps et de l’argent. » Quelle valeur attribuer à un tel discours, tout droit sorti de mon imaginaire ? Un imaginaire certes abreuvé d’enquêtes construites et d’histoires vécues. C’est ainsi que la fiction interroge la réalité.

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L’écrivain attribue un nom, une intention, et une réalité à ce qui nous menace

l'ennemi invisible
La fiction rend l'invisible visible et peut réussir à contrer la fabrique de la peur. Photo de Gerd Altmann

 « Si les OGM tuent, se disent mes chimistes, c’est n’est que temporaire. L’homme aussi est amené à devenir un OGM. Toute marche arrière est impossible. » Ça fait science fiction mais, attention ! Je ne suis pas portée sur la théorie de l’effondrement. Je ne dramatise pas l’avenir. C’est puéril et contreproductif. Pour moi, la fiction a le pouvoir d’embrasser la réalité dans son ensemble. Un écrivain aime, d’une façon ou d’une autre, tous les personnages de son histoire. La fiction consiste à embrasser les points de vue opposés. Idéalement, notre champ de réflexion s’étend au-delà du sombre monde des opinions. Qu’est-ce que peuvent bien raconter les gars de chez Monsanto-Bayer ? « So, Tu sais comment survivre, toi, à cet avenir qui les fait trembler comme des moutons qu’on mène à l’abattoir. Pourquoi tu te salis avec cette frange de cul-terreux ? ». Voilà ce que pourrait peut-être dire le père de So, ou l’un de ses frères qui, je vous le rappelle, sont « les chimistes » de notre nouvelle.

L’écrivain obtient une logique de pensée pour articuler son histoire

la pensée de l'ennemi
L'ennemi justifie les moyens inventés pour le tuer. La société soutient cet éternel progrès. Photo de Tumisu

Les OGM permettront d’instaurer un nouvel équilibre entre l’Homme et le Vivant, et d’éradiquera la faim dans le monde. Voilà ce que j’imagine être l’idée phare des gars de la firme Monsanto, rachetée par Bayer en 2018 pour stopper son hémorragie au pénal. J’imagine donc l’ennemi. À l’heure actuelle, les perturbations génétiques provoquées par les OGM, couplées à la généralisation d’un vaccin ARN, plongeant directement dans la mécanique cellulaire, siège de notre conscience individuelle. Alors, qui ne survivra pas à ce progrès majeur de l’Histoire ? L’ennemi laisse les êtres de bas instincts se poser la question. Des nostalgiques souffreteux, des binoclards  sans ambition. L’ennemi n’en a cure. S’ils n’osent participer au changement, soit. Mais, s’ils osent attaquer leur mission sacrée,  ils seront écrasés. Et puis, la société, dans son ensemble, soutient notre progrès. » Voilà ce que se disent mes chimistes ! Glorifiés, plébiscités ou pourchassés, ils ne perdent jamais de vue l’importance de leur mission.

Dans le réel, Monsanto et Cie ont une vision à long terme. Au bout de leur logique, j’imagine l’idée : l’homme survivra au nouvel ordre biologique génétiquement modifié. Pourquoi pas ? Quelle autre finalité peut bien habiter le « progrès » des traitements ARN sur les cellules vivantes ? Je souligne, pour finir, que Bayer participe actuellement à l’élaboration des vaccins du covid.