Le glossaire de l’écrivain incollable

Tout ce que vous avez toujours rêveé de savoir sur l’écrivain incollable est référencé dans le glossaire d’Alice Grownup. C’est par ici que ça se passe. En un clic

Archétype

L’archétype désigne, à l’origine, l’idée d’un type ancestral d’une espèce vivante. Philosophiquement, il s’applique aux idées, comme modèles éternels de ce qui nous entoure.

Mais depuis les théories de Carl Jung, l’archétype désigne ce qui nous unie depuis l’origine de l’humanité et se trouve en permanence dans le flot inconscient de nos ressentis, en relation avec l’inconscient collectif.  L’archétype s’apparente plus à une impression qu’à une représentation visuelle. Ce qui ne nous empêche pas d’en rassembler des fragments d’idées pour leur attribuer un sens et une représentation précise, pour l’associer à des symboliques archétypales permettant de la décoder.

Jung explique que, dans notre époque rationaliste, nous craignons tant l’imagination mystique, l’imagination créatrice des mythes dont nous sommes tous dotés, qu’il est normal de refuser ce monde d’images inconscientes sur lesquels l’homme s’appuyait pour se connecter à la vie. Le problème, souligne-t-il, c’est que nous perdons alors notre responsabilité morale et intellectuelle envers nous-même. Nous devons alors faire un gros effort d’apprentissage pour retrouver les connaissances inconscientes indispensables pour se connecter à la vie et parvenir à se comprendre. Qu’est-ce qu’un archétype ? C’est une expérience ancestrale vivant à l’intérieur de nous, qui nous parle et nous guide.

Caractérisation

Dans « Construire un récit« , Yves Lavandier définit la caractérisation comme l’art de créer des personnages. En pratique, le portrait et le caractère du personnage sont loin de rendre compte de l’épaisseur d’un être humain.

C’est par la mise en scène et l’exploitation de ce personnage en plein dans la vie du récit, qui permet à l’auteur de vraiment  en cerner toutes les dimensions. Certes, la caractérisation désigne le fait de « caractériser » un personnage avec des techniques précises. Pour qu’il devienne vivant, cohérent, pertinent dans la vie du récit. 

Si la plupart d’entre-vous savez qu’un personnage est créé à partir de ses attributs physiques et moraux, de son histoire, de ses goûts, etc…

Combiner ces « données » ne fait pas de lui un être dont le cœur bat à l’unisson de celui du lecteur. La caractérisation, en ce sens, est bien l’art de « créer » un être de papier qui prend vit sous nos yeux et dans nos tripes.

D’ailleurs, il lui arrive parfois de resurgir à l’improviste dans nos tête alors que nous avons refermé le livre depuis longtemps.

Identification

Ce terme s’attache à ce qui se passe dans la tête du lecteur : le personnage doit provoquer une forme d’attachement, de sympathie ou d’empathie chez lui (identification intellectuelle).

Il n’est cependant pas rare qu’un personnage soit intellectuellement antipathique mais émotionnellement sympathique. (Dexter, ainsi que Dr House en sont deux exemples types)

L’identification émotionnelle se crée à partir du moment où le protagoniste rencontre de vraies difficultés. S’il s’en sort, ce sera grâce à son courage, à sa détermination et aux qualités que l’auteur aura pris le plus grand soin à mettre en scène. De cette façon, le lecteur les détecte et attend que ces qualités le sortent du pétrin. C’est là que son cœur palpite.

Prélude

« Ensemble des gammes, accords, etc., qu’un virtuose improvise parfois avant d’attaquer le morceau » (entre autre)

Finalement, mon prélude peut s’apparenter à ça… je le garde ! 

Phrase

Comment qualifier une phrase négative qu’on se répète sans cesse, venant d’un inconscient traumatisé ? Je voudrais parler d’une phrase lancinante, comme un leitmotiv ou un anti-mantra.

Je tombe sur « aphorisme » : phrase d’allure sentencieuse qui résume en quelques mots ce qu’il y a de plus essentiel à connaître sur une chose. Ou, se dit souvent de l’énoncé succinct d’une vérité banale ou qu’on croit telle. Ce dernier point (« qu’on croit telle », fait pencher le terme en faveur de ce que je voulais dire, mais ça reste bancal). Je voulais parler d’une phrase qui revient dans mes pensées : « J’ai l’impression que je n’y arriverai jamais », ce n’est pas juste une phrase, mais « une pensée limitante », comme dirait Flo. 

Finalement, j’ai opté pour : « pensée lancinante« 

L’aphorisme vient du grec aphorismos (définition). Ce qui indique qu’il n’est pas personnel… Et puis, je ne peux écrire « un aphorisme lancinant », mais « phrase lancinante » me dérange… pensée lancinante ? Qu’est-ce qu’un leitmotiv ? Inventé par Wagner, il vient de l’allemand et signifie « motif conducteur », thème ou accord musical revenant fréquemment pour l’associer à un personnage ou un sentiment qui se rappelle au bon souvenir de l’auditeur. Ouais… ça peut passer… leitmotiv lancinant ? Non… Merde. Qu’est-ce que je vais écrire à la place de « phrase », alors ? Injonction ? Non. Hyperbole… c’est quoi, ça ? Non, sérieusement, je veux parler d’une sentence, d’une limitation inconsciente, d’un blocage, d’une peur. Bon, finalement, je garde « phrase », tout ça pour rien. Certains parleraient de procrastination intelligente.

La Main Invisible Prélude

Lorsque la puissance du coup lui déchira les entrailles, l’entraînant face contre terre sur le bitume réchauffé de la rue Tsiaoji, son corps se dévida comme un mollusque.

Pour les curieux aux yeux fermés qui se délectent dans l’écoute…

À toutes fins inutiles

(D’ailleurs, cette scène n’existe pas dans mon histoire. Je vois donc une première erreur. Excellent mais un peu gros. Jamais remarqué avant. Non ? Étonnant. Voire comique. Mais, c’est plutôt positif. J’avance dès le préambule. Ça promet !)

Lorsque la puissance du coup lui déchira les entrailles,

l’entraînant face contre terre sur le bitume réchauffé de la rue Tsiaoji, son corps se dévida comme un mollusque. À ses pieds : Kaoudi Takoma. Le regard rougeoyant, un rictus écœuré sur ses lèvres pincées, le bras droit le plus enragé de Tomotaka Ishida, chef du clan des Ichis, savourait son instant de victoire après des semaines de traque. Il restait planté, enraciné, à reluquer son butin, jambes écartées et bras ballants, incapable de se détourner du spectacle.

Mia avait-elle connu position plus désespérée ?

Comment avait-elle pu en arriver là ? Qu’avait-elle cherché au fond ? Un suicide ? Une vulgaire et basse tentative d’arrêter le flux pathétique de son exaltation bafouée par un amour déchu ? Ridicule. Il y avait longtemps qu’elle s’était forgé une personnalité hors du commun en ne laissant rien ni personne entacher son flegme légendaire. À vrai dire, il serait plus juste de parler d’un véritable mythe dans l’esprit de ceux qui avaient le douloureux privilège de faire partie de son milieu. Après tout, ce qu’elle avait déjà accompli du haut de ses vingt-sept ans, et en dépit des récits exagérés de ses exploits, n’était que le résultat de son tempérament intrépide.

Autant se l’avouer in-extremis, décidément, non, elle n’était pas une super-héroïne.

Sauf pour les agents de l’OMERA qui aimaient à se nourrir de ces fantasmes. Pour appartenir à l’engeance des super-héros, l’aisance affective est une condition préalable aussi déterminante qu’une entente optimale entre le corps et l’esprit. Elle était loin du compte. Pour se fondre dans le lignage, il faut, indubitablement, savoir maintenir en toute circonstance un niveau élevé de conscience. Etait-ce son cas ? Le candidat à l’adoption s’expose à une palanquée de passages obligatoires, au nombre desquels la libération des toxines affectives, basique des basiques exigeant de clouer au pilori le souvenir de la souffrance vécue et l’animosité qui s’épuise à l’escorter.

Le super-héros se doit de happer la peur

du tourment mais il doit surtout éviter que la douleur ne se retourne contre lui dans un misérable sentiment de culpabilité. Pourrait-il en être autrement ? Le super-héros authentique témoigne d’une telle clarté cognitive qu’il assume la responsabilité de toutes ses souffrances sans jamais, au grand jamais, jouer le rôle de victime. Alors que faisait-t-elle là, flanquée par terre comme un ramassis de crevettes raides que tout glaneur sensé aurait délaissé ?

Hé bien, elle devait admettre avoir flanché.

Avec un espoir tout de même : au point où elle avait rétrogradé, elle ne pouvait que vouloir s’accrocher. Elle était comme ça, Mia. Elle avait une telle foi en sa nature humaine. Après tout, le sens du mythe se conforme à la noble quête de l’équilibre après chaque chute.

Jusqu’à maintenant, elle était toujours parvenue à rester libre de toute entrave, à la fois du passé et de l’avenir. Mais n’avait-elle pas dérogé à toutes les règles en décidant d’accomplir une mission qui ne lui était pas dévolue ? Ah ça oui ! Elle s’était lamentablement agrippée à un esprit de revanche qu’elle ne se connaissait pas.

Elle avait laissé le vieux alors à son jardin d’Eden, qui n’avait jamais été aussi menacé.

D’ailleurs, c’est bien pour ça qu’elle était partie, tête baissée. Elle avait menti à son père, ou plutôt omis de dire qu’elle allait disparaître sans autre forme de procès. Elle mettait surtout en danger toute la lignée des combattants chevronnés qui se battaient à leurs cotés depuis plus d’une décennie, juste pour se prouver qu’elle était, elle aussi, une de ces super-héroïnes solitaires qui n’avait de compte à rendre à personne. Enfin là, tout de suite, elle n’était nullement flapie sur une flâneuse à remuer des considérations introspectives aux relents macabres. Alors, bon sang !

Si elle en était là, c’est qu’il y avait péril en la demeure.

Quand même, elle ne pouvait pas renoncer maintenant ! Cette désopilante bouffée d’égocentrisme qui l’entraînait à croire que le monde ne pouvait se passer d’elle lui devenait insupportable. Elle parvenait – pensait-elle – à vouloir se venger d’elle-même, pour finir écrasée sous les sabots redoutables d’un yakusa de la pire espèce. Vaine tentative. L’instinct de survie était bien trop bestial chez elle, impossible à débouter.

Ouah ! Ça fait drôle de se revoir dans un style engoncé !

C’est à la fois effrayant et enrichissant.

Et si j’intègre  le sentiment désagréable éprouvé à la lecture de ce préambule ?

Ce « prélude » va débuter notre super cas d’étude ! Et si mon vieux bébé livre du tiroir ne fait pas l’affaire, on s’en apercevra très vite, vous ne pensez pas ?

Au fait, c’est quoi un prélude exactement ?

Passez par chez le glossaire. Venez, c’est par là…

PRÉLUDE (entre autre) :

« Ensemble des gammes, accords, etc., qu’un virtuose improvise parfois avant d’attaquer le morceau » Finalement, mon prélude peut s’apparenter à ça… je le garde !