Quand le héros bascule, tout le monde bascule

Cet épisode n°6 met en scène l’événement déclencheur, le vrai, l’unique ! La première image qui m’est apparue et qui m’a fait penser : « je tiens un truc ».

Bonjour à tous. J’ai fait l’erreur de laisser passer du temps entre cet épisode et le précédent. Pourquoi ? Parce que je me demandais comment écrire l’histoire de Line en un temps aussi court. Je rappelle aux nouveaux venus (bienvenue à vous !) que « Le projet Line » est un défi : écrire un roman en trois mois. Reste un mois et demi pour la première phase qui consiste à créer l’enfance d’une super-héroïne à la française. Depuis le début de cette aventure, je vous livre un à un des épisodes tirés de mes séances d’écriture (voir ma méthode en 3 clés) et, après mûre réflexion, ça va continuer comme ça, sinon je vais vous perdre. De mon côté, j’accélère le mouvement en anticipant l’histoire et je n’omettrai rien du travail effectué en amont.  L’invention de nos futurs ennemis est en bonne voie, et j’ai hâte de vous les présenter. En attendant, cet épisode n°6 met en scène l’événement déclencheur, le vrai, l’unique ! La première image qui m’est apparue et qui m’a fait penser : « je tiens un truc ».

Dans un roman, le rôle de chaque personnage se transforme au cours de l’histoire

le rôle des personnages
Rappelons que, dans un roman, le superflu n’a pas sa place - photo de Jeff Jacobs

Comme je vous disais, je travaille en amont. L’avantage du travail d’écrivain c’est que, à mes yeux, c’est le plus agréable du monde. Preuve en est, j’ai avancé la structuration de notre histoire et le placement des personnages en regardant la série télé espagnole « La Casa de papel », un exploit en terme de travail scénaristique et de création de personnages. L’épisode d’aujourd’hui met en scène un personnage secondaire qui aura son importance, comme ils le doivent tous. Rappelons que, dans un roman, le superflu n’a pas sa place. Et, pour cela « La Casa de papel » est une bonne leçon d’écriture, j’y reviendrai par la suite. Ici, Élise, la nourrice, a un regard négatif sur ce qui se joue au sein de la famille d’Haranguier. Elle me fait penser à Arturo, un personnage de la série. Arturo, c’est celui qui fout sa merde et passe à travers les mailles du filet. Personne ne voit que c’est lui qui incite les autres à prendre des risques. Sa lâcheté est viscérale, elle le conduit à trahir malgré lui. C’est pour ça qu’il fait pitié. Il prend des responsabilités par moralité. Élise serait apte à jouer un tel rôle, tandis que Victoire, la cuisinière, ressent de nouvelles responsabilités à assumer face aux défaillances évidentes d’Élise.

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

Ça vous tente ?
unique !

Victoire prend conscience qu’Élise est une menace pour Line et, pour une fois, fait preuve de tactique

Élise, l'incarnation du trouble
Le rôle de la nourrice, personnage trouble et inquiétant

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
unique !

Élise avait l’air dubitatif. Victoire n’avait jamais fait montre de sympathie envers elle et c’était bien la dernière personne qu’Élise aurait sollicitée pour lui venir en aide. Mais, si Victoire intercédait en sa faveur, ce n’était pas pour l’aider elle, mais pour protéger Line. Élise se sentait prise au piège dans une toile d’araignée. Tout le monde ici voudra étouffer l’affaire. Elle se ferait sucer jusqu’à la moelle comme la pauvre mouche qu’elle était. Non ! Elle devait trouver de l’aide à l’extérieur mais, Winston avait été très clair : sa carrière serait brisée et elle avec. Ils avaient le bras long ces gens-là. Elle travaillait dans la haute depuis suffisamment longtemps pour savoir que rien ne transpirait hors des murs de leur logis.

— J’imagine, reprit Victoire, que vous trouvez la force de tenir auprès de Dieu.

— Oh, oui, Victoire, si vous saviez !

— Le curé de Saint Jean vous a-t-il donné des conseils éclairés ?

— Oh, oui, enfin, je veux dire… je n’ai… je n’en ai parlé à personne, non.

Victoire, sous ses airs compatissants, guettait la mine défaite de la nourrice dont les joues rosissaient derrière le mensonge qu’elle tentait de défendre. Ses yeux roulaient dans leurs orbites, comme ceux d’un veau qu’on mène à l’abattoir.

— C’est bien, l’encouragea Victoire. Le curé de Saint Jean est un homme avisé.

— Non, ce n’est pas lui…

— Qui donc, alors ?

— C’est-à-dire… je n’en ai parlé à personne.

— Quel que soit la personne à qui vous vous confiez, il est important d’avoir une oreille bienveillante à vos côtés.

Élise se leva avec difficulté, s’accrochant au dossier de sa chaise, elle sentait le sol se dérober sous ses pieds. Elle s’était trahie ! Accablée par les visions cauchemardesques de son propre destin, elle avait envie de vomir.

— Excusez-moi, balbutia-t-elle, je ne me sens pas bien. Elle se traîna vers les escaliers pour rejoindre sa chambre.

— Laure, cria Victoire.

Une jeune fille accourut aussitôt dans la cuisine.

Allez trouver Élise, j’ai peur qu’elle ne fasse un malaise.

— J’y vais !

Victoire réfléchissait au nombre de paroisses potentielles où Élise était susceptible de se rendre pour sa prière dominicale et s’étonna de ne jamais s’être posée la question. Line se réveilla alors que la maison était plongée dans un profond silence. Les yeux gonflés d’avoir tant pleuré, elle fixait Victoire avec intensité.

— Comment te sens-tu ma douce ?

— Est-ce qu’il a pris le chat ?

— Non, ma douce, le pauvre petit bonhomme est parti en courant complètement dévasté.

— C’est quoi, dévasté ?

— Il était effrayé, Line. Qu’est-ce qui s’est passé ?

Je voulais aider la chat, je voulais qu’il ait un lion qui défend le chat. Un gros papa qui défend le chat.

— Un lion ?

— Oui, un lion qui défend ses petits. Il n’a pas le droit de faire du mal à Monsieur chat.

— Oui, je comprends, Line, mais comment ?

J’étais le lion, c’était moi le lion.

Victoire ne sut que répondre. Elle n’osa pas prendre les paroles de Line au sérieux, de peur d’avoir l’air contrarié.

— Tu as fait peur au garçon, très peur même.

— C’est pas ma faute, c’est le chat qui m’a montré et je voulais l’aider, j’ai…

— Oui, ma douce, je t’écoute.

— J’ai voulu que le lion vienne.

— Tu peux faire le lion pour me montrer ?

Line regarda Victoire d’un air surpris.

— Mais, je ne fais rien, moi. C’est le lion qui vient. Moi, je ne suis plus là, je le laisse être… moi.

Cette fois, Victoire ne pu cacher son inquiétude. Elle sentit les traits de son visage se crisper. Et Line s’en aperçut, bien sûr.

— C’est pas ma faute ! Répéta-t-elle au bord des larmes.

— Non, évidemment, Line. Je te crois, je comprends…

— Non, tu comprends pas ! cria-t-elle en se tortillant pour se dégager au plus vite des bras de la cuisinière. Tu comprends pas ! hurla-t-elle en sortant dans le jardin.

Victoire regarda Line rejoindre le chat dans le jardin. Il fallait prendre les choses en main, trouver de l’aide. Une vague d’angoisse lui serra la poitrine. Qui peut bien comprendre ce genre de phénomène ? Elle pensa à Camille, la fille de Winston et Victoire comprit soudain qu’elle était peut-être la seule à ignorer  ce qui arrivait réellement à cette chère petite. Finalement, l’idée que Line était déjà bien entourée lui redonna de la vigueur. Elle alla s’enquérir de l’état d’Élise et croisa Cécile qui revenait de son rendez-vous du vendredi. Depuis quelques semaines, elle allait à un rendez-vous mystère. Ce n’était pas dans ses habitudes. Depuis la naissance de Line, elle mettait un point d’honneur à être joignable à chaque instant, annonçant ses déplacements à tous les gens de la maison, son planning bien en évidence sur le tableau de l’entrée. Mais, depuis environ un mois, son escapade du vendredi matin restait case blanche.

— Bonjour Victoire, tout va bien ?

— Élise a fait un malaise, j’allais justement voir comment elle allait.

— Oh, c’est ennuyeux ça ! Où est Line ?

— Dans le jardin avec un chat.

— Quelle horreur ! Comment pouvez-vous la laisser seule avec un animal aussi dangereux et plein de parasites ! Elle risque d’attraper une maladie. C’est tout à fait inconscient.

— Monsieur d’Haranguier n’a pas semblé le lui interdire. J’ai pensé que c’était une bonne chose.

— Vous plaisantez ?

— Madame, savez-vous où Élise se rend à l’église ? demanda Victoire sans relever sa remarque.

— Oui, je crois bien que oui, vous pourriez l’interroger vous-même. Je crois qu’elle se rend à Guétary, l’église Saint Nicolas si ma mémoire est bonne. Pourquoi cette question ?

— Pour rien, madame.

— Allez voir Élise, je m’occupe de Line.

Victoire croisa Clara, la jeune femme de chambre, entre deux étages.

— Alors, comment va-t-elle ?

— Ma fois, je ne sais pas trop, ça a l’air d’aller puisqu’elle m’a intimée l’ordre de sortir de sa chambre. Elle était dans son cabinet de toilettes. Je ne l’ai pas vue.

Victoire frappa plusieurs fois à la porte d’Élise avant d’obtenir une réponse. Lorsqu’elle s’annonça, Élise ouvrit enfin. Pâle comme un linge, elle dévisagea Victoire, puis retourna s’asseoir sur le bord de son lit.

— Cécile m’a dit que vous allez à l’église Saint Nicolas, à Guétary. Vous avez discuté de Line avec le curé ?

Victoire avait décidé de ne pas y aller par quatre chemins. L’état d’Élise serait peut-être la seule ouverture pour parler franchement. La nourrice acquiesça, comme vaincue.

— Vous a-t-il donné des conseils judicieux ?

— Je crois que oui. Il pense que je dois accepter la mission que Dieu m’a confiée.

Ça m’aurait étonnée, pensa Victoire.

— Vous a-t-il proposé son aide ?

— Il me soutient dans cette épreuve et me demande d’être patiente, que le jour viendra où je serai récompensée de mon sacrifice…

— Mais, au sujet de Line, l’interrompit Victoire d’un ton agacé. Je veux dire, se reprit-elle, que pense-t-il de Line ? Que lui avez-vous dit ?

— Eh bien, je lui raconte comment Line entre dans mon esprit… il y a certaines pensée, parfois, je me demande si ce sont vraiment les miennes ou si c’est Line qui les induit en moi. Je lui explique qu’elle devine des choses qu’un être humain ne peut deviner qu’en sondant notre esprit.

— Et qu’en pense-t-il ?

— Il refuse de tirer des conclusions hâtives…

Victoire retint son souffle.

Il pense possible qu’elle soit possédée.

— Qu’est-ce qu’il préconise ? demanda Victoire en contenant difficilement sa colère.

— D’être patient. J’ai peur, Victoire, avoua Élise d’une voix faible. Je prie chaque jour pour que Dieu me donne la force de continuer.

— Nom d’une pipe ! ne pu s’empêcher de s’exclamer Victoire. Nous devons en parler à Winston.

— Oh, il ne fera rien. Il me tient, Victoire ! Tout ce qui l’intéresse, c’est de me faire taire.

Victoire réfléchit une minute. Soudain, elle comprit que Winston devait déjà être au courant de tout. Le connaissant, il avait peut-être même prit contact avec le curé de Guétary. Il n’était pas homme à laisser place au hasard. Cécile passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte tout en frappant avec discrètement.

— Je ne dérange pas ?

— Non, madame, absolument pas. Entrez, répondit la nourrice en faisant mine de se lever.

— Avez-vous besoin que j’appelle le médecin, Élise ?

— Non, madame, ça ne sera pas nécessaire. Encore quelques minutes et tout ira bien.

— Reposez-vous donc. Je m’occuperai de Line cet après-midi.

— Oh, certainement pas ! Je vais bien, je vous assure.

— En ce cas, allons faire un tour au parc ensemble. Prendre l’air vous ferait-il du bien ? Nous prendrons ma voiture, qu’en dites-vous ?

— Je vous remercie, oui, c’est une bonne idée, mentit Élise.

— Ne bougez pas. Je prépare les affaires avec Victoire et reviens vous chercher.

Cécile et Victoire quittèrent la pièce et descendirent au rez-de-chaussée.

— Pensez-vous qu’Élise a besoin de congés, Victoire ?

— Je ne sais pas, madame d’Haranguier. C’est bien possible mais, elle ne l’admettra peut-être pas.

— Vous avez raison, je vais devoir en discuter avec elle. Il faudrait chercher quelqu’un pour la remplacer, ce qui n’est pas chose facile. De plus, Élise habite Perpignan. Il lui faudrait un congé d’au moins deux semaines, peut-être plus. Nous devrons prendre des mesures. Et puis, ce ne serait pas un mal de trouver quelqu’un de remplacement pour les coups durs. Je vais appeler l’agence demain.

Cécile se révèle sous nos yeux, bien plus secrète qu’il n’y paraissait

Quand un événement déclencheur scelle le destin d’un héros, prenez bien conscience qu’il n’est pas seul à être entraîné dans la tourmente, à transformer son état d’esprit et à endosser un nouveau rôle. C’est souvent tout un groupe qui voit sa vie basculer. Et n’oublions pas que, en face, le groupe adverse réagit. Pour la deuxième partie de l’épisode 6, c’est la mère de l’enfant qui va endosser le costume. On la pensait effacée, loin des préoccupations quotidiennes d’une mère pour sa fille mais, finalement, nous la voyons se transformer d’un coup sous nos yeux.

naissance d'une mère
Naissance d'une mère - Photo de piepie

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
unique !

Cécile avait laissé Line en compagnie de Guilhem. Guilhem est jardinier de métier. Chargé de garder la maison familiale en leur absence, il s’occupe des travaux nécessaires à son entretien. C’est lui le gardien de l’antre, depuis très longtemps. Cécile ne savait pas exactement depuis combien de temps il était au service des d’Harranguier, mais elle savait qu’il avait toute la confiance d’Antoine. Il s’était installé dans le pigeonnier qu’il avait complètement rénové pour faire de cet endroit un petit paradis où Line adorait passer du temps. Guilhem réalisait des maquettes de bateaux et d’avirons, et confectionnait des miniatures de toute sorte, allant de la chaise en bois, des chaussures et des instruments de musique, jusqu’aux horloges anciennes. Un véritable artiste ce Guilhem. Il se tenait à l’entrée de son logis, fabriquant une cabane pour le chat. Cécile s’était laissée convaincre par sa fille qu’un chat pouvait bien vivre dehors sans déranger personne et Guilhem s’était engagé à le conduire chez le vétérinaire pour en faire le nécessaire ; il s’occuperait personnellement de l’intrus et de ses parasites. Rassurée, Cécile avait accepté le marché. Guilhem avait dégoté des planches qu’il sciait déjà à la bonne mesure. La minuscule maison prenait forme au grand plaisir de Line.

— Nous allons partir au parc, Line.

— Mais, la cabane…

— À la vitesse où ça va, elle sera prête quand nous partirons. Je reviens te chercher quand nous serons prêtes.

Quelques heures plus tard, Élise avait retrouvé des forces et profitait du soleil de mars, assise sur une couverture qu’elles avaient étalée sur l’herbe de façon à admirer la mer. L’aire de jeux n’était pas très grande mais présentait l’immense avantage d’être située sur la colline Sainte Barbe, promontoire rocheux où s’étalait devant leurs yeux toute la beauté de la baie de Saint Jean de Luz. Line avait insisté pour prendre son attirail de « prospecteur », mot qu’elle avait récemment appris et qui faisait galoper son imagination vers des contrées froides et obscures où les plus grands trésors étaient à sa portée.

Maman, je peux aller jouer au sable ?

— Ne bougez pas Élise, je l’accompagne.

Élise allait protester mais Cécile s’était levée et partait déjà avec sa fille armée de son équipement de fouille. Le bac à sable se trouvait à moins de cinq mètre de leur installation ; Élise pouvait les surveiller à loisir sans pour être responsable des agissements de la fillette. Elle éprouvait pourtant une certaine angoisse dans son rôle d’observatrice. D’autres enfants jouaient dans le sable et, dès que Line était à proximité de ses congénères, il se passait toujours quelque chose.

Élise se remémorait le pire moment vécu dans ce même parc. Un ballon arrivait droit sur Line. Il fonçait comme un bolide ; il allait forcément heurter son dos ou son crâne. Mais, il stoppa net alors qu’Élise était sur le point de réagir avant le point d’impact. Il rebondit plusieurs fois à quelques centimètres de la gamine qui ne semblait s’être aperçue de rien. Élise vit pourtant que Line avait cessé d’effeuiller les pétales de sa fleur (activité que Lise affectionnait par-dessus), son regard perdu dans le vide et ses mains en suspens. Le ballon rebondit une fois, deux fois, trois fois et, tout à coup, se propulsa dans la direction inverse, avec l’élan d’un tir au pied. Il frappa de plein fouet le garçon qui, visiblement, l’avait lancé et courait vers elles pour le récupérer. L’enfant se le prit en plein visage et s’étala par terre en hurlant. Élise était médusée mais se dit aussi qu’il valait mieux ne pas traîner dans le coin. Line reprenait déjà son effeuillage sans s’être retournée une seule fois. Les adultes affairés autour de la victime jetaient des regards inquisiteurs dans leur direction. Ils pensaient forcément qu’elle était coupable. Comme s’il lui était un jour arrivé de relancer un ballon ! Elles s’éclipsèrent sans faire d’histoire et, depuis ce jour, Élise évitait les parcs préférant se promener avec Line au bord de la rivière que la petite adorait, dans des lieux isolés ou au contraire très peuplés, évitant au maximum tous les espaces dédiés aux enfants.

La scène qui te fait penser que « tu tiens quelque chose » avant même d’écrire le roman

l'élément déclencheur du roman


Line n'est pas seule...

Suis-nous !
unique !

Elle voyait Cécile sur l’un des rares bancs placés à bonne distance de l’espace de jeux, comprenant des balançoires et un grand bac à sable. Elle savait que Cécile n’aimait pas ce genre d’endroits remplis de saletés et de microbes, et qu’elle devait faire un effort pour supporter voir sa fille s’y vautrer. Elle tapotait furieusement sur son téléphone, évitant à dessein de regarder Line qui entamait méthodiquement l’excavation d’un cratère. Élise s’en inquiéta mais n’osa les rejoindre de peur de paraître impolie. Comme la majeure partie des enfants présents jouaient près des balançoires, le bac à sable était quasiment désert. Seules deux autres fillettes se trouvaient près de Line. Élise vit l’une d’elles se rapprocher pour lui dire quelque chose. Elle avait un petit râteau à la main qu’elle commença à gratter sur les bords du trou, qui était suffisamment grand pour que Line ait pu s’installer dedans.

Le cœur d’Élise cessa de battre. Line s’était levée et arrachait le râteau des mains de la gamine qui cherchait déjà à lui reprendre. Élise jeta un œil à Cécile toujours absorbée par son écran. Elle se leva immédiatement, sentant la catastrophe arriver, et se précipitait vers l’espace de jeux. À peine s’était-elle mise en mouvement qu’un tourbillon de sable se souleva autour des deux fillettes. Cécile leva enfin les yeux vers sa fille et se rua sur elle. Élise courait aussi vite qu’elle pouvait mais, lorsqu’elle arriva à leur hauteur, le soulèvement de sable avait pris des proportions irréelles. Elles étaient littéralement soumises à un champ de force, comme prises dans une tempête de sable. D’autres parents s’étaient lancés dans le tourbillon aveuglant, fouettant la peau avec une violence inouïe. Des cris affolés parvenaient maintenant aux oreilles d’Élise, malgré le sable qui s’infiltrait partout ; il s’introduisait dans le nez et dans la bouche. On pouvait à peine ouvrir les yeux !

Cécile s’était déjà échappée du terrain. Élise les rejoignit aussitôt et comprit que Cécile avait instinctivement cherché à calmer la colère de sa fille, avant même, peut-être, d’en comprendre les corrélations avec le phénomène dont ils étaient victimes. Cécile avait-elle saisi que sa fille en était responsable ? Le tourbillon se calma d’un coup, faisant retomber le sable dans toutes les directions. Le bac était pour ainsi dire vidé de son contenu, touchant le reste du parc. On aurait dit un champ de bataille. Cécile ne fit aucun cas d’Élise. Elle serrait sa fille dans ses bras et courut jusqu’à leurs affaires. Là, elle chercha Élise du regard et, quand elle la vit, elle attrapa son sac et lui ordonna de s’occuper de ramener le reste. Cécile disparut sans autre explication, laissant la nourrice en plan.

La transformation d’un personnage clé commence

Cécile avançait d’un pas sûr, tenant fermement sa fille dans les bras, le sac en bandoullière. Elle avait une expression déterminée, son doux visage durci par la colère, les sourcils  froncés et les lèvres pincées. Elle marchait vite et sentait les soubresauts de Line qui pleurnichait. Cécile ne disait rien, regardant droit devant, s’agrippant à la gamine comme si elle pouvait lui échapper. Arrivée à la voiture, elle installa Line sur le siège enfant, l’harnachant avec une dextérité inhabituelle, et, refusant de jouer le sempiternel conflit d’égo au moment de l’attacher à l’arrière, elle la regarda droit dans les yeux.

— Line, je suis là, je sais ce qui t’arrive, n’aie pas peur, je suis là, dit-elle d’un ton assuré. D’accord ?

La petite resta muette, dévisageant sa mère les yeux ronds, emplis d’émotion, que ses mots semblaient pénétrer d’une lueur d’espoir.  Cécile referma doucement la portière, prit une grande inspiration, s’installa au volant et posa son sac sur le siège passager avant d’en sortir son portable.

— Docteur Jay ? J’ai besoin de vous voir immédiatement. Bien sûr que non, sinon je ne vous appellerais pas ! Je suis avec ma fille, c’est maintenant… D’accord, je suis chez vous dans un quart d’heure.

 Le docteur Jay est un personnage dont les contours restent flous. Dans les prochains épisodes la notion de groupe se précise. J’y travaille suite à mon analyse de la série « La Casa de papel », dont je vous ferai un compte rendu prochainement. Le rôle des personnages et l’évolution de leurs interactions est passionnante. Le positionnement d’un groupe d’appartenance s’opère face à un ennemi dont je dessine les contours en m’inspirant d’un de mes romans favoris : « Malhorne », de Jérôme Camus.

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Trois déclics qui changent une vie

Quels sont les trois déclics qui ont changé ma vie ? Changer sa trajectoire pour suivre ma vocation d’écrivaine a nécessité, au préalable, un grand plongeon dans le vide

Cet article participe à l’événement inter-blogueurs « Les 3 déclics pour changer de vie » du blog
 « Fais briller tes étincelles », pour mieux vivre dans sa maison et se sentir mieux connecté à soi

Un déclic est une décision provoquée par un puissant sentiment d’urgence, une décision qui met en route une machinerie intérieure changeant irrévocablement le cours de notre vie. C’est comme si on lançait un harpon et qu’on se laissait tirer vers sa destination, sans lâcher, avec une détermination animale. Et, lorsqu’on se retourne enfin, on s’aperçoit qu’on a changé de cap. Ces déclics-là, on s’en souvient pour toujours. J’en nommerais trois, puisque c’est la règle du jeu de ce carnaval d’articles, et, aussi, parce qu’en raconter plus diminuerait l’importance de ce qu’on s’apprête à dire.

Pendant le déclic, on répond à l’appel dans un sentiment d’urgence extrême

tomber dans le précipice Heather Plew - photo de
"J’avais déjà tiré le harpon avec un tel sentiment d’urgence, que j’avais l’impression très nette de vaciller au bord du précipice" - Photo de Heather Plew

Avancer jusqu’au bord de notre propre tombe

Le plus mémorable des trois est bien évidemment le moment où j’ai décidé de devenir écrivaine, mais cette décision (dont je me souviens parfaitement) n’est que l’atterrissage ; le vrai déclic s’est produit plus d’un an auparavant. J’avais déjà tiré le harpon avec un tel sentiment d’urgence, que j’avais l’impression très nette de vaciller au bord du précipice. L’impérieuse nécessité de survivre s’imposait de toutes parts. À l’époque, mes enfants étaient si petits, si fragiles… alors que ma vie tournait au cauchemar. Aldo assumait difficilement son statut de père, et encore moins son statut d’animal social. Sa psychose minait notre moral, notre joie de vivre, nos certitudes même d’être en vie. Je m’agrippais à tout ce qui pouvait m’éviter d’être emportée par la tempête. Sa violence allait tous nous tuer. Nous avions enfin décidé de nous séparer, mais la passion qui nous liait avait construit d’invisibles fils qui nous tenaient encore prisonniers, malgré la distance qu’une survie primaire parvenait à nous imposer.

Écouter les fils invisibles qui nous relient à la vie

Je me rappelle exactement le jour où j’ai ressenti une étrange exaltation ; une pensée qui se transforme en appel venu de l’intérieur, connecté quelque part à une force invisible. C’était comme un appel, venu de loin, bien loin du petit appartement où se jouait une vie ordinaire, loin du temps présent, dans un « ici-maintenant » transcendant la réalité immuable du quotidien, suspendu par des fils si fins qu’ils étaient à peine visibles. Pourtant, je ressentais leur dimension démesurée. Étonnamment, c’est sur le web que je cherchais fébrilement l’origine de cet appel. J’étais persuadée que je pouvais… Non ! Je sentais que je « devais » trouver une solution maintenant ! Une aide qui nous sauverait tous. Je ne me souviens plus combien de temps ça m’a prit mais, quand je suis tombée dessus, j’ai su sans l’ombre d’un doute que je l’avais trouvée.

Faire confiance à l’inconnu qui sommeille en nous

À mille kilomètres de chez moi, dans le Var, une inconnue nommée Martina Jade proposait un stage d’une journée pour « parler aux arbres ». D’une éducation universitaire et anticléricale convaincue, je n’étais pas encore bien consciente que mon intérêt pour l’art, la nature et les mystères de la science me portaient inéluctablement vers les secrets de l’anima. Une force inconnue me somma de contacter Martina Jade, ce que je fis sur-le-champ pour réserver une place à son stage. J’étais bien décidée à lui demander de me sauver ! J’avais également réservé cinq jours sur place dans une location de vacances dans la région montagneuse du Castellet. Ceci fait, j’embarquais les enfants, et enjoignais leur père de nous accompagner. Nous nous devions de faire cette traversée. Le trajet fut un enfer ! Et, ce qui devait arriver arriva. Aldo a pété les plombs sur la route. J’arrivais dans le Var avec des contusions au visage, le tube d’argile que j’avais emporté fit son effet et je me présentais au stage à peu près présentable. À l’intérieur, je n’étais plus moi-même. L’avais-je jamais été ? Bien plus tard, Martina m’avoua qu’elle et ses amies m’avaient prise pour une véritable allumée. De la part de nanas rassemblées pour parler aux arbres, c’était fort de café !

savoir écouter les arbre
"Elle m’a déracinée, apporté du terreau, rempotée et enjoint à écrire" - Savoir écouter les arbres de Bela Geletneky

Trouver le messager malgré l’obscurité

Le lendemain du stage, pleine d’espoir, j’appelais Martina pour solliciter un entretien. Elle me rembarra comme il faut, prétextant mille et une choses à faire. J’en déduisis qu’elle n’avait pas le temps de s’occuper de tous les chiens errants qui passaient par là, et je coupais court à son avalanche de justifications. Mais, dix minutes plus tard, c’est elle qui rappelait, me demandant si j’étais libre le lendemain (évidemment, j’étais venue pour ça, patate !) Et voilà comment, ce jour-là, ma vie a basculé. Nous avons parlé deux bonnes heures, je prenais des notes avec frénésie, ça la faisait rire. J’y notais les premiers conseils de survie pour entamer le plus grand et le plus important changement de cap de toute ma vie. Nous avons correspondu pendant plusieurs années. Martina est aujourd’hui une amie chère qui m’a relevée de terre. Elle m’a déracinée, apporté du terreau, rempotée et enjointe à écrire. J’ai donc fini par me relever complètement.

Après le déclic, on ne se retourne pas avant d’avoir atteint le rivage

le grand plongeon
"Lorsque mon père mourut, ce fut le déclic : je sautais sans filet." - Le grand plongeon par free photos

Suivre sa vocation nous oblige à tracer notre chemin

L’erreur serait de croire qu’on s’est miraculeusement sorti d’un cauchemar. En effet, il est précieux de comprendre que ce « cauchemar » vécu n’est autre que notre appel à l’aventure, orchestré par nous-mêmes pour sortir de ce que Steven Pressfield nomme « notre vie fantôme ». Le cauchemar est souvent un passage obligé pour répondre coûte que coûte à notre appel intérieur. En fin de compte, je suis devenue l’écrivaine que j’étais et que j’avais passé ma vie à fuir. Six ans de bonheur solitaire, me délestant de mon passé, de mes amis, de mes élans inopportuns vers l’extérieur. Pendant toutes ces années, j’ai appris à me taire, à laisser parler notre voix intérieure, à travers les fils qui nous relient à l’invisible. Après cela, il était temps de revenir à la réalité sociale et de vendre mes livres. C’est là que le deuxième déclic se produisit. J’avais une pensée, de celles qui montrent le bout de leur nez uniquement lorsque la table est mise et le repas servi.

Le premier vrai déclic en entraîne forcément d’autres

L’envie impérieuse de créer un site internet me relançait, sans discernement, en direction de tous les possibles. Pourtant, j’étais cette fois à l’écoute des autres et de moi-même, et prête à me réinventer sans la nécessité d’être sauvée. Ça, c’était déjà fait. L’écoute est une matière difficile qui ne s’apprend pas à l’école. L’écrivaine doit sortir de sa grotte pour exister. L’envoi aux éditeurs, l’autoédition, la vente-test d’une nouvelle dans les concerts, et même dans la rue, les projets fous avec de grands rêveurs… tout cela n’atteignait pas le stade du système économique viable et indépendant. L’appel de l’aventure se fit donc entendre. À ce moment là, le nombre d’écrivains publiés qui ne vivent pas de leur plume me laissait pantois. Et je suivais les vidéos d’Oliver Roland sur youtube. Ses propos faisaient échos à une idée qui sommeillait en moi : « N’attendez pas l’assentiment d’autrui, prenez votre carrière en main, devenez indépendant ! »

Apprendre à s’écouter est une formation continue

Olivier Roland proposait une formation que je considérais hors de portée de ma bourse mais, lorsque mon père mourut, ce fut le déclic. Je sautais sans filet, je m’inscrivis à « Blogueur Pro », me disant que je trouverais un moyen, mois après mois, de payer mon investissement. Évidemment, c’est ce qui arriva. Je trouvais des ménages à faire dans un hôtel, et je débutais l’aventure du blogging. La route est longue. Je mets une année entière à définir qui je suis, ce que j’ai à dire, à écrire, et même à penser. Sortir l’écriture de sa grotte n’est pas une mince affaire. Toutes sortes de questions existentielles surgissent comme des bêtes sauvages incapables de contrôler leur faim. Je m’enferme de plus en plus dans la vision étriquée de « gagner de l’argent avec son blog » ‒ slogan si cher à mon très estimé formateur. Je perdais donc l’essentiel : apprécier le processus.

Écouter feedback - Gerd Altmann
"L’écrivaine devait sortir de sa grotte pour exister" - Savoir écouter de Gerd Altmann

Comment sait-on qu’on a atteint notre destination ?

À l’heure où je vous parle, je n’ai pas encore terminé ma formation de bloggeuse. Mais, j’ai dépassé toutes mes résistances. L’horizon s’est éclairci. C’est un troisième déclic qui a soulevé le voile de mes incertitudes. Il survint en écoutant une conférence de David Laroche. Lui, il sait parler à notre voix intérieure. C’est sa vocation. C’est peut-être ça une vocation, d’ailleurs. Bref, « tous les champions ont besoin d’un coach ! ». Assénée par quelqu’un d’autre, cette phrase m’aurait parue surfaite, voire absurde. Malgré tout, j’entendis l’appel et y répondis sur le champ. J’en avais terminé avec les rames, un moteur ferait l’affaire. Six mois de formation en ligne, une vidéo par jour, une tonne d’exercices pratiques afin d’être « entraînée pour réussir ». C’était pas toujours fun mais, avec un moteur à propulsion, je me suis acharnée à transformer mes croyances, à déterrer mes plus précieuses valeurs, à exhumer mes rêves les plus profonds.

Qu’est-ce que j’ai trouvé ?

Si je n’ai pas atteint la nouvelle terre, j’ai l’horizon dégagé et de nouveaux instruments de navigation. La tête sortie des nuages, les doigts du cul, soyons clairs ! J’aime mon métier, j’en apprends les règles avec une délectation nouvelle et j’en crée chaque jour de nouvelles. J’assume mes pensées, je n’ai plus peur de qui je suis et de qui je veux être. Non plus de ce qu’il en ressort de l’extérieur. La vérité, c’est que, moi aussi, j’ai trouvé mon propre slogan : « Inspirer pour agir ! »

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Écrire un roman c’est comme partir en voyage

En pratique, je décrirais notre itinéraire comme suit : d’abord, une idée, une scène clé qui frappe notre esprit et qui nous laisse un effet waouh ! Pour le projet Line, c’était la scène du bac à sable (promis, elle arrive dans l’épisode suivant). Voilà donc comment le véhicule démarre

J’ai déjà rempli la moitié d’un nouveau carnet quand je m’aperçois que je n’ai encore rien partagé de ce qui est écrit dedans. Les pages se noircissent chaque matin. Environ une demi-heure suffit pour avancer. Mais, pour écrire un roman en 3 mois, je ne pourrai m’en contenter. D’expérience, je sais qu’à l’approche de l’échéance, les heures d’écriture s’enchaînent avec frénésie. Écrire un roman, c’est comme partir en voyage vers une destination plus ou moins précise. À chacun sa méthode.

Faut-il suivre un itinéraire déjà balisé pour écrire son roman ?

world-carte Europe - TheAndrasBarta
"Pour moi, interroger nos propres pouvoirs et les enjeux de leur maîtrise, me précipite sur une piste comme un chien renifleur." - Photo de Andras Barta

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

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On trouve d’abord une idée de voyage qui nous emballe

En pratique, je décrirais notre itinéraire comme suit : d’abord, une idée, une scène clé qui frappe notre esprit et qui nous laisse un effet waouh ! Pour le projet Line, c’était la scène du bac à sable (promis, elle arrive dans l’épisode suivant). Voilà donc comment le véhicule démarre : une image choc (une gamine de trois ans qui provoque une tempête dans le bac à sable !) et une intention. Tout voyageur a bien une intention derrière la tête, une passion à partager, un fantasme à assouvir, c’est selon. Pour moi, interroger nos propres pouvoirs et les enjeux de leur maîtrise, me précipite sur une piste comme un chien renifleur.

On cherche une annonce de voyage conforme à nos désirs

Une super-héroïne qui naît avec des pouvoirs, c’est un peu comme parler de nous tous. Nous, les humains, disposons de la machine la plus perfectionnée au monde : un corps associé à un esprit. Malheureusement, nous sentons que nous n’aurons pas assez d’une seule vie pour en découvrir tout le potentiel. D’un côté c’est frustrant, de l’autre, ça nous pousse à faire le maximum pour explorer les pouvoirs qui nous sont conférés. On flaire un bon slogan ! Non pas du type « Tous à la plage ! » mais plutôt du style « Accrochez-vous ça va être du sport ! ». À ce stade, l’annonce manque de précision, mais on est exalté et prêt à s’engager.

On se décide à partir en notant d’examiner la carte en chemin

On démarre ! Sans attendre, le véhicule s’engage sur la chaussée. Malgré l’excitation du départ, on y va lentement. On prend la route vers une destination qui donne envie sans toutefois être sûr d’y arriver. On se dit juste qu’elle a un potentiel touristique encore inexploité. En plus, on croise des voyageurs perdus qui n’ont visiblement pas planifié leur parcours. En effet, « Comment élever un super-héros » est une série qui vient de sortir sur Netflix. Et, l’avantage d’un titre qui se révèle trompeur (car la série passe allègrement sous silence la difficulté d’éduquer un enfant aux superpouvoirs embarrassants), c’est que ça donne envie de redresser les tords. Bref, je suis maintenant persuadée que mon idée de départ a de la ressource.

comment-elever-un-super-heros

Faut-il écrire son roman en planifiant les grandes étapes du voyage?

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"Tout en parcourant chaque matin les petites routes, je cherche les indices qui me mèneront sur la route principale. Un conflit central, voilà de quoi notre histoire a besoin !" - Photo de Eli Grek

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
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Je me pose en chemin pour évaluer les distances

Je démarre donc avec l’écriture des scènes qui m’aident à découvrir le sens que je veux donner à mon histoire. Je pense parfois à notre slogan (le pitch, en fait) qui nous donnera la force d’avancer. Car, je l’avoue, si le conflit de départ réside dans l’adaptation d’une gamine extraordinaire dans un monde ordinaire, l’origine de ses pouvoirs est forcément la clé du mystère qui en fera fonctionner les rouages. Tout en parcourant chaque matin les petites routes, je cherche les indices qui me mèneront sur la route principale. Un conflit central, voilà de quoi notre histoire a besoin ! Nous avons donc besoin d’élaborer des histoires dans l’histoire. C’est leur imbrication qui forgera notre intrigue.

Trouver le point de jonction est une étape importante du voyage

L’articulation des faits, présents, passés et à venir, s’élabore parallèlement au plaisir de voyager. Je vous rappelle que la carte n’est pas le territoire. Et rien ne nous empêche d’aller à la rencontre de nos personnages et de créer l’ambiance avant de découvrir l’envers du décor. Cependant, pour respecter les délais impartis, j’ai quand commencé à dérouler le fil. Je cherche sur la carte les points-relais les plus évidents et commence à réfléchir au point de jonction crucial de notre histoire : les origines des pouvoirs de Line. Ils passent forcément par sa mère qui, je vous le rappelle, a été adoptée (voir l’épisode 2 où la mère, encore nommée Sarah, devient Cécile dès l’épisode 3).

Demander sa route est parfois judicieux : une aide précieuse arrive

Par chance, chers abonnés, l’un de vous a eu la gentillesse de m’envoyer sur une piste intéressante. J’en profite pour vous remercier de suivre cette aventure exaltante et pleine de rebondissements grâce à vos aiguillages pertinents. Onsfride m’a donc lancé sur la piste de la mère. Voici ce qu’il écrit : « Après maintes réflexions sur les pouvoirs de Cécile et Line au cours des épisodes précédents et à venir, j’entrevois un dualisme de pouvoir. Et je peux dire que Cécile, pour renouer avec ses pouvoirs, il faut la mettre face à un dilemme, et Line devant le fait accompli. Soit provoquer une situation de rivalité, soit créer une fusion des forces dans un duel, pour voir la bestialité des démons qui sommeillent en elles. »

Les secrets de Line s’éventent doucement aux oreilles de l’ennemi

Les démons de Line - Stefan Keller
Onsfride, abonné au blog, propose de "créer une fusion des forces dans un duel [entre Line et sa mère] pour voir la bestialité des démons qui sommeillent en elles" - Photo de Stefan Keller

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
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Le voyageur peut tomber sur un os, forcé d’élaborer un meilleur scénario

La proposition d’Onsfride est d’autant plus intéressante que je visionnais cette semaine la série « Batwoman ». D’un manque d’originalité navrant, cette série a pourtant l’immense avantage de découper les éléments scénaristiques essentiels qui structurent une histoire et, parmi eux, justement, la rivalité affective entre l’héroïne et le parent, responsable du merdier ambiant. C’est un conflit qui permet de balancer le spectateur entre les ressorts affectifs et les dessous de l’intrigue. Pour nous, le conflit entre la mère et Line doit être inventé ! Le passé de Cécile va bientôt les rattraper et ça va faire mal ! Onsfride, je te donne entièrement raison sur ce point et je te remercie d’en souligner l’importance à venir. Ces perspectives scénaristiques étant entendues, je vous partage aujourd’hui la suite de l’histoire.

Super-héroïne Batwoman
La rivalité affective entre l’héroïne et son père, responsable du merdier ambiant, est bien représentée.


Line n'est pas seule...

Suis-nous !
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L’importance de l’élément déclencheur

Vous allez découvrir aujourd’hui l’épisode 5. J’ai, depuis, avancé l’enchaînement des faits, et l’épisode 6 relatera l’élément déclencheur le plus marquant. La fameuse scène choc qui m’a convaincue de me lancer dans l’écriture de ce roman. Un élément déclencheur pousse le protagoniste dans une spirale infernale. Comme son nom l’indique, il déclenche véritablement le point de non retour pour les protagonistes. Il invoque l’enchaînement des actions ultérieures et, surtout, engage le héros à faire un choix décisif et à s’engager dans l’histoire en « déclarant consciemment son objectif ». Ce point est déterminant pour assurer la qualité d’un récit. Line et sa mère seront forcées d’agir, d’entrer en action dès l’épisode suivant, tandis que les autres personnages seront obligés de se positionner.

Épisode 5 : les conséquences du premier élément déclencheur

Maintenant, la suite du récit ! Souvenez-vous que l’héroïne n’est pas seule. Les personnages secondaires sont comme les pièces maîtresses du jeu, elles mettent en conflit deux volontés divergentes. Alors, où en étions-nous ? Ah oui, souvenez-vous, dans l’épisode précédent, Victoire, la cuisinière, se rend compte que Line a vraiment un truc pas net. Elle a une révélation. Complètement retournée, Victoire entrevoit les possibles implications pour la sécurité même de l’enfant. Christophe, l’apprenti du père Borro, promet de revenir après son service…

— Tu vas me dire ce que tu sais, mon garçon.

Christophe ne su que répondre. Il était inutile de nier que Line avait causé la folie passagère du petit gamin. Victoire en avait été le témoin direct. Une vraie scène d’horreur… Quoi dire ? Line finirait bien par se trahir toute seule. Victoire était peut-être la mieux placée pour l’aider, après tout.

— Line a… comment dire… Elle peut nous faire voir des choses. Pas n’importe quoi ni n’importe quand. Elle n’en fait pas exprès. C’est quand elle a peur, je crois. C’est pas facile à expliquer. Et, ça lui plaît pas du tout, tu sais, c’est pas exprès qu’elle fait ça.

Les premières confrontations, prélude aux réglements de compte

Au cœur de l'intrigue - Photo de Stefan Keller
"Line a… comment dire… Elle peut nous faire voir des choses..." - Photo de Stefan Keller

Placer doucement ses personnages sur l’échiquier

Victoire regardait Line endormie dans ses bras. Sa beauté métissée lui conférait une délicatesse particulière, une préciosité qui faisait fondre la cuisinière. Elle adorait cette enfant, sa peau presque nacrée, ses yeux en amande et son intelligence si peu ordinaire… Victoire se sentait brisée. Elle redoutait plus que de raison que la fragilité de Line était exposée à un danger imminent et ne comprenait pas les propos de Christophe. La sonnerie du téléphone mural de la cuisine retentit. Pour des raisons pratiques, elle était réglée à son volume maximal. Victoire en fut toute ébranlée. Christophe paniqua :

— C’est Borro, il va me tuer ! Victoire je dois y aller, s’il te plaît invente quelque chose de crédible.

— Je vais lui dire que j’ai fait tomber le carton de bouteilles, répondit-elle dans un éclair de lucidité, que tu m’as aidé à nettoyer et que tu reviens en rapporter un. Va vite !

Christophe partit sur le champ, courant comme un dératé rejoindre le restaurant de l’hôtel Chantaco. Line ne s’était pas réveillée. Elle dormait si profondément qu’elle semblait s’être réfugiée dans un monde inaccessible au commun des mortels. La tenant fermement, Victoire décrocha et calma le père Borro.

Lorsque Christophe revint chargé d’un nouveau carton de lait, Victoire n’avait pas bougé, portant toujours Line dans ses bras. Elle avait dû rembarrer la nourrice qui s’était pointée pour récupérer la gamine. Mais, Victoire n’avait rien voulu entendre. Élise avait dû capituler face au comportement inhabituel de la cuisinière. À sa connaissance, elle n’avait jamais laissé traîner les restes du petit-déjeuner sur la table, même au bénéfice du sommeil sacré de l’enfant. Déroutée et intriguée, elle était repartie avec plus de questions que de réponses. Christophe, quant à lui, était si agité que Victoire ne pu le convaincre de rester.

— Tu vas m’expliquer ce que ça veut dire ?

— Je dois repartir tout de suite, insista-t-il. Borro m’a dit que si je ne rentrais pas immédiatement, c’était pas la peine de revenir. Je vais perdre mon travail, Victoire !

— Va Christophe, repasse ce soir, nous en discuterons à ce moment là.

— Tu sais, Line est une fille super, elle mérite qu’on garde son secret mais, la vérité, c’est qu’elle ne peut pas le garder, elle ne maîtrise pas.

— Je sais, oui, je sais. Allez ! Reviens me voir tout à l’heure, tu m’expliqueras tout.

— Ok ! lança-t-il en repartant en courant

Victoire ne put s’empêcher de sourire, il avait le sang chaud celui-là et le cœur sur la main. À ce moment-là, elle perçut comme une présence derrière la porte entrouverte qui donnait sur le couloir de l’entrée. « Il y a quelqu’un ? » demanda-t-elle sans y croire. Élise apparut dans l’embrasure de la porte, les bras croisés, une expression narquoise au bord des lèvres.

Alors, Victoire, on a des secrets à partager ?

Faire que les langues se délient quand la ruse prend le dessus 

Victoire sentit son sang bouillir.

— On écoute aux portes maintenant ? C’est sûrement habituel chez vous.

— Oh, ne montez pas sur vos grands chevaux ! Depuis le temps que je vous répéte que cette enfant a un problème. Elle a le diable dans le corps, c’est moi qui vous le dis. Et, j’ai bien l’impression qu’elle va vous en faire voir de toutes les couleurs à vous aussi. L’état de grâce est terminé.

— Dites-moi, Élise, quand vous êtes venue voir Cécile, l’autre jour dans la cuisine, vous vous souvenez ? Vous parliez d’une chose bizarre… je ne sais plus vraiment. Que Line avait cherché à vous faire perdre la tête. Vous avez, je crois, employé le mot « humilier ».

— Je me le rappelle parfaitement. Comment oublier ? Cette petite a cherché à m’humilier, oui.

— Que voulez-vous dire ?

— Ah, ça vous intéresse maintenant. Je ne retirerai pas ce que j’ai dit. Pas un mot, non !

— Accepteriez-vous de me raconter ce qui s’est passé ?

Élise hésita quelques secondes, regarda Line endormie dans les bras de Victoire et s’assit à bonne distance, enhardie par l’intérêt soudain de la cuisinière qui s’était jusque-là moquée de ses allégations, levant les yeux aux ciel ou lançant des remarques acerbes à ce qu’elle qualifiait d’élucubrations, son mot favoris.

Élise savourait ce moment tant espéré d’être prise au sérieux par Victoire. Elle prenait enfin sa revanche sur cette Madame je-sais-tout, cette cuisinière aux airs rustiques, que Monsieur d’Haranguier estimait tant, allez savoir pourquoi ! Élise hésita pourtant à se lancer, réprimant un sentiment de honte à l’idée d’avouer ses faiblesses à Victoire. Mais, l’espoir de voir la fermière frémir d’horreur la décida finalement à entamer son récit sur un ton dramatique.

"Élise apparut dans l’embrasure de la porte, les bras croisés, une expression narquoise au bord des lèvres." - dessin OpenClipart-Vectors

Faire comprendre ce qui se joue plus que ce qui se dit

— J’étais avec Line dans la nurserie, c’était l’heure de sa leçon d’écriture. J’avais écrit au tableau tous les mots correspondant à l’univers du cheval. Ce que nul n’est censé savoir, reprit-elle après un silence de scène, c’est que j’ai une sainte frayeur de ces bêtes-là. Mon père avait des chevaux. Il les élevait pour les courses, principalement. Sans rentrer dans les détails, j’ai eu une très mauvaise expérience qui a faillit me coûter la vie, j’avais sept ans. Vous me connaissez, Victoire, je ne suis pas femme à raconter des anecdotes sur ma vie. Vous non plus, d’ailleurs. Bref, vous me croirez si vous voulez mais je vous assure que Line m’a obligée à revivre cet événement traumatique de mon enfance. Et elle y prit un malin plaisir, je vous le garantis.

— Mais, Élise, qu’est-ce que vous me chantez-là, c’est abracadabrant !

— Oh ne recommencez pas avec vos grands airs. Je vous dis qu’elle l’a fait !

— Alors, expliquez-moi comment…

— Vous voulez des détails, des preuves, c’est ça ? Quelle perversité vous pousse à me demander d’en parler plus que je ne puis le supporter.

— Voyons, Élise, ne croyez pas que je cherche à vous faire du mal, j’aimerais simplement comprendre.

— Et bien, soit. J’avais écrit « cheval », « selle », « étriers » et « sabot ». J’avoue que ce dernier mot m’avait ramenée en pensées à ce coup de sabot qui avait bien faillit me fendre le crâne et m’avait plongée plusieurs mois dans le coma. Line m’a alors demandé si le sabot d’un cheval ça faisait mal. Elle me regardait avec une telle intensité ! Comme si elle me voyait pour la première fois, comme si j’étais une bête curieuse ou un monstre. Puis, j’ai éprouvé une violente douleur au niveau de ma tempe.

Entre indignation et stupéfaction, la déraison sonne aux portes

"Victoire n’en revenait pas. Cette femme a le ciboulot complètement détraqué. C’est honteux de la laisser s’occuper encore de Line !"

La réalité s’impose au-delà de l’extravagance

Élise souleva ses cheveux et obliqua la tête pour montrer à Victoire une vilaine cicatrice, souvenir d’un traumatisme ancien.

— Je sentais une pression insupportable à cet endroit précis, repris Élise en arrangeant sa coiffure toujours impeccablement laquée. Line me demandait sans discontinuer pourquoi le cheval était fâché, pourquoi il m’avait cassé la tête, pourquoi, pourquoi ! Line était entrée dans ma tête, Victoire, elle a le diable en elle. Quel enfant de cet âge serait capable de connaître un événement de mon passé ? Elle a deviné mes pensées ! Elle a saisi ce qui s’est passé dans ma vie il y a plus de vingt ans.

Devant l’air dubitatif de son interlocutrice, Élise enchaîna.

— S’il n’y avait que ça, je me serais dit que j’avais pensé tout haut, que je devenais folle. Mais, il y a tant de signes qui ne trompent pas. Oh, je ne serais pas prête à perdre ma place si je n’étais pas sûre de ce que j’avance. Je ne suis pas folle ! Et je vous avoue sans honte que je veux démissionner. Je n’en peux plus.

— Ces signes dont vous parlez… qu’est-ce que ces signes, Élise, dites m’en plus je vous en prie.

— Si cet incident ne vous convainc pas, je vous dirais une chose, Line est capable de sentir sans voir. Elle a l’obsession des objets. Chaque chose doit être à sa place. Sinon, elle fait une crise. Et je vous assure qu’elle n’a pas besoin de voir l’objet pour savoir qu’il n’est pas là où il doit se trouver. J’espère que vous vous rendez compte !? Je m’occupe d’elle depuis maintenant trois ans, vous n’allez pas me faire croire qu’en allant quelques fois au marché avec elle vous avez pu la connaître mieux que moi, n’est-ce pas ?

Malgré l’offense, Victoire devait bien avouer qu’Élise était ici à plein temps depuis que Line avait trois mois. Ça lui donnait un net avantage, incontestablement.

Les erreurs sont toujours là pour être commises

— Le pire, continua Élise, c’est dans le parc, quand un enfant a décidé de passer là où il ne faut pas. J’évite les endroits de ce genre, voyez-vous, quand elle se retrouve en compagnie d’autres enfants. La dernière fois, le ballon d’un gamin a atterri derrière elle. Il allait la percuter, c’est sûr, il lui arrivait droit dans le dos. Hé bien, non seulement le ballon perdit son élan, mais il rebondit plusieurs fois avant de repartir en sens inverse. Line ne s’est pas retournée une seconde alors que le projectile faucha le malheureux lanceur avec une force inouïe. Oh, je n’ai pas cherché à m’enquérir de son état. Je suis partie sans attendre. J’avais trop peur qu’on vienne nous accuser d’un meurtre. J’en ai encore des frissons.

Victoire en resta baba. Comment aurait-elle pu imaginer… « En avez-vous parlé à Winston ? »

— Et comment ! Il n’a pas été tendre avec moi. Je dirais même qu’il m’a menacée. Oh pas de façon nette et tranchée mais, ses propos ne laissent aucun doute : si je ne la boucle pas, j’aurais de sérieux problèmes. Depuis, je retourne ça dans ma tête. Je suis coincée, Victoire mais, je dois tout de même trouver une solution. Je n’en peux plus.

Victoire était atterrée. Hésitant entre l’indignation et la stupéfaction, elle restait muette, les sourcils froncés, et serrait Line de plus en plus fort sans s’en rendre compte. Lorsque la petite remua, Élise tressaillit, se leva en silence et regarda l’enfant avec une appréhension évidente. Victoire n’en revenait pas. Cette femme a le ciboulot complètement détraqué. C’est honteux de la laisser s’occuper encore de Line ! Victoire était furieuse contre Winston qui aurait dû prendre des mesures immédiates. Comment a-t-il pu confier Line à Élise ? Ses bigoteries n’ont plus rien de cocasse. Line est en danger auprès d’elle. Pas étonnant que la situation prenne une tournure aussi inquiétante. Elle discutera avec Winston dès qu’elle aura éclairci le mystère de ce matin avec Christophe. C’est un monde quand même !

La combinaison des pièces est en marche

— Qu’en pense Madame d’Harrangier ? reprit Victoire alors qu’Élise se dirigeait à reculons vers la porte, les yeux fixés sur Line (complètement toquée cette nourrice).

— Elle m’écoute. Elle tente de contrer mes arguments mais, sans conviction. Je suis sûre qu’elle est d’accord avec moi sans vouloir se l’avouer.

— Je vois, répondit Victoire de plus en plus imperméable aux raisonnements de la nourrice. Écoutez, Élise, je vais en discuter avec Winston et, s’il est d’accord, je lui demanderai de convaincre Monsieur et Madame d’Haranguier de vous laisser partir.

— Vous feriez cela pour moi ?

Placer ses pions avant de sortir la reine

Cécile revient de son rendez-vous mystère quand Victoire lui annonce que la nourrice a eu un malaise. En réalité, Élise s’est disputée avec elle au sujet de la petite Line. D’humeur généreuse, Cécile propose d’accompagner la nourrice au parc pour faire prendre l’air à Line. C’est là que les événements vont s’accélérer pour la famille d’Haranguier. Mettre les différents points de vue en porte-à-faux va permettre de mettre en place une combinaison de conflits poussant Line et sa mère vers l’inéluctable. Maintenant, comme nous avons décidé dès le début que le père imposerait sa volonté avec une détermination sans appel, Cécile aura bientôt un choix difficile à faire. La suite au prochain épisode…

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Les espaces-temps de l’écriture romanesque enfin révélés

Comment inventer l’enfance d’une super-héroïne qui rivalisera avec les plus célèbres personnages des comics américains ? J’y réponds en live et en 3 mois. Dans l’écriture d’un roman, il existe des espaces-temps où l’imagination s’emballe, mais que nulle trace écriture ne porte habituellement à l’attention du lecteur. J’y remédie à l’instant.

Un mois s’est écoulé depuis mon annonce d’écrire un roman en trois mois avec mon fils. Comment inventer l’enfance d’une super-héroïne qui rivalisera avec les plus célèbres personnages des comics américains ? Je nous donne encore deux mois pour y répondre en live ! Aujourd’hui, l’hiver nous plonge dans une période d’incertitudes et de défis, alors que nous suivons ensemble l’évolution de cette histoire. Une certaine fébrilité nous gagne. Il est donc temps de vous divulguer l’existence d’espaces-temps dans l’écriture d’un roman, dont on ne trouve habituellement nulle trace écrite. Ces phases de flottement où l’imagination s’emballe, de création latente que je souhaite ici porter à l’intention du lecteur.

Grâce à vous l’écriture de ce roman prend une dimension fantastique !

Les rouages de l'écriture-Photo de Kellepics
Les Rouages de l'Écriture : "L’expérience de la partager au fur et à mesure nous embarque dans une dimension vraiment fantastique !" - Photo de Kellepics

L’écriture hivernale

L’hiver me ramolli, pas toi ? Ce matin, ma séance d’écriture fut courte, comme celle d’hier. Avec ce froid, les doigts gèlent vite et j’ai beau avoir cherché toute l’année un lieu plus inspirant, le bar de mon quartier est celui où j’écris le mieux. À L’intérieur, il y a même une petite pièce arrière pour m’accueillir en cette période de froid mais, je ne m’y résous pas. Non, il n’y a que la terrasse, la pénombre du matin (un ciel rose me regardait écrire ce matin), et mon café-crème fumant que Jimi s’escrime à faire mousser rien que pour moi (avec un bruit de percolateur horripilant) pour me mettre en train.

Inventer une super-héroïne qui rivalise avec les géants américains...

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Les personnages se baladent dans mon quotidien

Même si mes deux dernières séances d’écriture furent abrégées par le froid, les personnages de mon roman m’habitent de plus en plus (voir notre défi « J’écris un roman en 3 mois avec mon fils »). Depuis que la cuisinière se dessine, avec ses blessures et ses espoirs, ses cheveux roux et ses taches de rousseur, son sourire franc, sa langue bien pendue et ses sentiments, je fais plus volontiers la cuisine. Je pense à elle, je comprends mieux ce qu’elle a vécu, j’imagine son enfance dans un trou paumé près de la forêt d’Irati, où elle cueillait des cèpes avec sa grand-mère.

Partager cette écriture en live est une expérience inouïe !

Depuis que Cécile se révèle, je l’aime de plus en plus, elle m’impressionne. D’ailleurs, j’ai lu à Anton les dernières scènes que je ne vous ai pas encore mises en forme. L’histoire nous happe un peu plus chaque jour. L’expérience de la partager au fur et à mesure nous embarque dans une dimension vraiment fantastique ! Le prochain épisode que je vous livrerai passera directement au deuxième incident déclencheur. Sinon, on ne tiendra pas la cadence. En plus, mieux vaut vous partager les scènes d’action. Vous y voyez une lenteur passagère ? Oui et non… je vais vous expliquer.

L’univers d’un roman contient forcément l’identité culinaire de ses habitants

La réécriture d’une scène peut prendre du temps

J’écris mes textes à la main. Je les tape ensuite, titillant chaque mot, soupesant leur pertinence, fouinant aussi la cohérence de mes descriptions. Par exemple, dans le prochain épisode, Victoire se souvient de sa rencontre avec Antoine, son patron. Elle n’avait que 17 ans, lui n’en avait que 25. Il dirigeait déjà plusieurs grosses entreprises et se retrouva par hasard dans le restaurant miteux où elle bossait.

Et voilà que je me perds, à la recherche d’un bord de route où il pourrait être posé, ce restaurant. En parcourant la carte, j’imagine ce qu’Antoine pouvait bien faire dans un trou paumé des Pyrénées. Plusieurs scénarios tournent dans ma tête, mais l’omelette aux cèpes de Victoire revient à mon intention et je laisse mes hypothèses en suspens.

l'identité culinaire du roman - Photo de Pexels
l'identité culinaire est une dimension intéressante dans la création d'un univers romanesque - Photo de Pexels

La création culinaire, bien souvent, vient pimenter le récit

 Ah, la cuisine dans les romans ! Elle a parfois une place qu’on ne lui attendait pas ! C’est cette omelette-là qui sauve Victoire d’un destin peu enviable. Antoine, de son côté, devait être là pour des raisons peu orthodoxes, comme il s’en trouve beaucoup dans son business de l’industrie énergétique. Mais le bien et le mal n’est qu’une affaire de rhétorique. Chez l’homme, la réalité complexe est à servir bien chaude. Et c’est pourquoi la cuisine de Victoire aura toute sa place dans ce roman. Pour réchauffer les cœurs et rappeler qu’un homme contient en lui toutes les facettes de l’humanité.

L’univers d’un roman a besoin de corps

Je pense aux « Nicolas Le Floch », la série des romans policiers de Jean-François Parot. Ses épisodes sont toujours agrémentés de recettes fameuses de l’époque (Nicolas Le Floch est un lieutenant de police au service de Louis XV et de Louis XIV). Je ne raffole pas des romans policiers, mais j’aime ceux qui présentent des personnages fouillés, à la psychologie originale. Bref, tout ça pour dire que l’écriture du roman avance à petits pas et, qu’avec ce froid, mon esprit se réfugie dans la chaleur d’un univers bouillonnant, traînant à s’exprimer tout entier sur la page.

Les profondeurs psychologiques de l’écriture de roman

machinerie de l'esprit-Photo de Kellepics
La Machinerie de l'esprit : "Le lecteur se dira même, logiquement, que la mère doit être dotée de certains pouvoirs, non ?" - Photo de Kellerpics

L’écrivain se questionne pour répondre au lecteur

C’est amusant quand j’y pense. Vous me demandez la suite, et voilà que je vous fais attendre. Je ne sais pas ce qui me pousse le plus dans mes retranchements. Seraient-ce mes propres questionnements de plus en plus pressants sur les personnages, sur leur enfance, sur leur caractère, sur leurs valeurs et sur leurs aspirations les plus secrètes ? Ou serait-ce l’avancée de l’intrigue qui me presse tout autant de l’écrire d’une seule traite ? Après l’épisode 4, un autre événement déclencheur pousse la mère (Cécile) à agir. Nous soupçonnons alors que Cécile sait que sa fille n’est pas comme les autres. Le lecteur se dira même, logiquement, que la mère doit être dotée de certains pouvoirs, non ?

Rendre l'aventure fantastique...

Tu me suis, là ?
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Le romancier se confronte à tous les points de vue

À la lecture des dernières scènes, Anton confirme cette hypothèse. Je lui explique que la famille est au pied du mur, et que ses membres vont devoir bientôt se réunir pour trouver une solution au « cas Line ». Ils vont devoir mettre les choses au clair, bien que chacun ait une vision différente de la situation. Anton exprime alors une envie bien légitime. Qu’un autre personnage possède les mêmes pouvoirs que Line. La nourrice, par exemple. Je lui réponds que ce ne serait pas logique. Par contre, je pense que Cécile, la mère de Line, a des pouvoirs similaires, mais qu’elle ne les a pas développés de la même façon.

Comparer ses héros à d’autres caractères

Contrairement à Line, Cécile a cherché à cacher ses pouvoirs pour ne pas faire de tord à ses parents adoptifs. « Oh ! s’exclame Anton. La mère a développé ses pouvoirs pour être super intelligente ! Dans Heroes, il y a une meuf qui sait refaire n’importe quel truc, juste en regardant quelqu’un le faire. » Je me souviens effectivement d’un personnage de la série qui a juste à regarder un cours de karaté pour savoir le refaire à la perfection. Intéressant ! J’ai justement commencé à peindre le portrait de mes personnages, et Cécile a développé une force de caractère hors du commun, assurément.

heroes série tv culte de super-héros
"Heroes" ! La série tv culte de super-héros en nombre croissant

Les dimensions parallèles dans le processus d’écriture

Connexions psychologiques - photo de Kellepics
"Je réfléchis à la manière dont chacun des personnages sont connectés aux pouvoirs de Line" - Photo de Kellepics

Comprendre les connexions psychologiques entre les personnages

Luttant seule dès son plus jeune âge contre la manifestation de ses pouvoirs, Cécile a dû cacher les symptômes physiques liés à cette résistance. L’idée d’Anton permettra de mieux imaginer comment elle y est parvenue. Aujourd’hui, Cécile est mère. Elle espérait probablement que Line n’ait pas à vivre les mêmes difficultés. À tel point qu’elle s’est peut-être voilé la face. Avant d’aller plus loin, je réfléchis à la manière dont chacun des personnages sont connectés aux pouvoirs de Line. Je veux dire, leur manière de les interpréter, de les comprendre. Leur manière de voir la réalité en face, ou bien de l’occulter.

C'est quoi son nom, déjà ?

LINE D'HARANGUIER
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S’inspirer d’autres lectures c’est entrer dans des univers parallèles

Depuis deux jours, j’écoute « Voyage au-delà du corps, l’exploration de nos univers intérieurs » de William Buhlman. Il décrit ses sorties de corps et propose des exercices pour inviter le lecteur à expérimenter l’affaire. À suivre… Ah oui ! s’exclame Anton. Comme les personnes au bord de la mort et qui ont des hallucinations ! Ou alors, c’est vrai… » On verra si c’est vrai, en effet. J « Voyage au-delà du corps » est un livre audio que j’écoute en m’endormant, pour trouver des idées. Je dois absolument décrire ce que vit et ressent notre petite Line. C’est un bon moyen d’alimenter l’inspiration du matin, je vous le conseille.

Apprivoisez le livre audio, un objet fascinant !

Le livre audio, c’est bizarre. Au début, quand je me suis abonnée chez audible, j’ai eu beaucoup de mal. Je m’endormais systématiquement à l’écoute d’un livre. Alors, j’ai surtout choisi des essais sur l’entrepreneuriat, et je prenais des notes. J’ai trouvé ça merveilleusement efficace ! Plus besoin de tenir le livre tout en notant. En plus, j’ai lu un article dans Science et Vie qui affirme que le cerveau traite lecture et écoute exactement de la même façon. Je ne sais pas s’il faut en conclure que nous le digérons tout aussi bien, mais je pense que s’il y a une différence d’assimilation, les deux sont à tester. Bref, pour moi, le livre audio est devenu un objet fascinant !

L’écrivain engage sa propre vie dans le travail d’écriture

L’écrivain engage sa propre vie dans le travail d’écriture
"L’écriture de fictions nous ramène forcément aux dures réalités de la vie en société." - photo de Gellinger

Tout artiste devrait penser à son indépendance

À ce propos, je viens de trouver le livre le plus formidable qui soit pour tous ceux qui veulent se lancer dans le monde des affaires. Personnellement, je pense que les artistes et tous ceux qui aspirent à vivre de leur art devraient prendre leur carrière en main et se former pour être indépendant. Ce blog a aussi vocation à inviter les artistes à vendre leurs œuvres eux-mêmes, mais pas comme des commerçants indépendants, plutôt comme des créateurs de systèmes. La route est longue, mais s’il y a bien un livre que je conseillerais désormais c’est « La prodigieuse machine à vendre » de Chet Holmes.


Line n'est pas seule...

Suis-nous !
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L’écriture de fiction est une véritable incursion dans la réalité

Comme il est dit dans la préface, cet auteur est un conteur hors pair. Chet Holmes nous explique de la plus merveilleuse, de la plus évidente des façons, comment je dois présenter mon roman pour le vendre, comment je dois me préparer à être la chef éclairée de ma future entreprise, et comment je suis assurée de la faire grandir. J’en oublierais presque l’écriture ! Non, je plaisante, mais c’est dur de garder la tête dans les nuages quand un tel livre vous ramène si bien les pieds sur terre. D’ailleurs, soyez sûr d’une chose : l’écriture de fictions nous ramène forcément aux dures réalités de la vie en société.

L’auteur vient à interroger les mécanismes de pensée de ses personnages

Cet article n’est pas là pour justifier le retard de l’épisode 5 de notre défi « Un roman en 3 mois avec mon fils », mais bien pour rappeler que l’écriture d’un roman n’est pas linéaire. Après l’avancée passionnante de notre histoire, je m’engage, ces derniers jours, dans les rouages de la vie. Pour chacun des personnages mis en scène, je suis à l’affût de réponses. Quelles sont les valeurs pour lesquels ils se battraient jusqu’à la mort, pour lesquelles ils seraient prêts à trahir ou à tuer ? Quels sont les actions qu’ils sont forcés de faire, de cacher, et qui les obligent à mentir ? Quelle est la réalité même de leur système de vie ? Qu’est-ce qui les fait souffrir ou vibrer ? Qu’est-ce qui les anime vraiment ?

La fiction est le miroir étincelant de la réalité sociale

Les revers de la réalité – Photo de Geralt
Les revers de la réalité : "Alexandre Langlois décrit ici un système de corruption généralisé de l’État français" - Photo de Geralt

Les informations extérieures nourrissent la compréhension de son propre récit

Ces derniers jours, toute information qui m’interpelle me transpose dans l’écriture du « Projet Line ». Je vous donne un exemple très concret. J’écoutais Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat de police Vigi, sur Thinkerview. Cet entretien date de janvier dernier (presque un an, donc). Entre temps, ce policier spécialisé dans le renseignement est actuellement suspendu de ses fonctions pour avoir systématiquement attaqué la politique répressive du gouvernement. Un lanceur d’alerte au sein de la police, en somme. Au cours de cet entretien, il évoque l’histoire d’un commissaire de police qui, sous l’emprise de l’alcool, prend sa voiture et tue un enfant. L’affaire, loin d’être jugée, est vite « arrangée ».

La réalité est un puits d’invraisemblances

L’homme est promu et la famille de la jeune victime reçoit 300.000 euros pour le prix de son silence. Alexandre Langlois décrit ici un système de corruption généralisé de l’État français, ni plus, ni moins. Cette histoire me fait imaginer dans quel monde vit le père de Line, Antoine d’Harranguier. Quelles décisions doit-il prendre pour couvrir ses PDG, pour étouffer des accidents de travail dus à des failles de sécurité, ou encore pour soudoyer des agents de l’État afin d’avoir un permis de polluer ? L’Homme est socialement assujetti à un groupe. Ce  qui l’amène souvent à agir pour défendre son appartenance, sans même y penser.

L’écrivain cherche le mensonge dans une toile tissée de vérités

Cette histoire, rappelle Alexandre Langlois, a été relatée dans la presse, mais nous sommes trop occupés à gérer les invraisemblances du quotidien pour relever la tête. La loyauté envers la hiérarchie ou la responsabilité envers le maintien d’un système pousse chacun d’entre-nous à fermer les yeux sur les conséquences probables des « obligations » exigées par cet invraisemblable système. Ainsi, si nous agissons conformément à nos propres valeurs, nous apprenons à occulter les dommages collatéraux que nous causons, et nous respectons en priorité la loyauté envers le groupe. Nos propres valeurs sont donc soumises à des distorsions inconscientes pour paraître respectées. La frontière entre le bien et le mal est floue. L’écrivain cherche pourtant à en déterminer la nature.

L’écrivain de fictions ouvre les boîtes noires pour dérouler toute l’histoire

Je suis convaincue d’une chose : s’il y a bien, sur cette Terre, un animal capable de se mentir à lui-même, c’est l’homme. Si je vous dis tout ça, c’est pour éclairer le parcours. Je voulais vous décrire ces périodes de flottement qui arrivent sans prévenir dans l’écriture d’un roman. Les infos s’accrochent aux neurones et se déroulent comme des fils, pêle-mêle, pour décortiquer les réalités d’une vie pas aussi fictionnelle qu’on aimerait le croire. L’écrivain de fictions a tendance à éplucher l’information pour la ranger dans des boîtes. Des boîtes noires jalousement gardées par les personnages. Certains donneraient cher pour les enterrer à tout jamais. Mais voilà ! L’écrivain a besoin de les ouvrir toutes, et de connaître l’envers du décor où se jouent les plus belles scènes.

"J’ai l’impression d’être une espionne. Pire ! J’ai l’impression d’être un mouchard ou un calomniateur. J’ai donc à rééquilibrer rapidement ma relation avec nos personnages." - Photo de Kellerpics

Vous comprendrez, je l’espère, que l’écriture de roman comprend donc des temps de latence où l’auteur cherche à se positionner. C’est une façon engagée de trouver le message caché dans le roman qu’il s’encourage à écrire, pour transmettre son point de vue sur la réalité qui nous entoure. Mais, après tout, pendant ces trois mois de création intensive, vous attendez de comprendre comment se débrouille un auteur pour écrire une histoire, tout autant que d’en connaître l’issue. C’est bien l’intérêt de ce passionnant défi. Je tente donc d’aborder toutes les dimensions du travail. Ici, je dirais donc que les temps de latence, de réflexion, de mise en perspective psychologique, s’apparentent à une guerre des nerfs entre les personnages et moi. J’ai l’impression d’être une espionne. Pire ! J’ai l’impression d’être un mouchard ou un calomniateur. J’ai donc à rééquilibrer rapidement ma relation avec nos personnages en écrivant plus vite, plus fort, et sans retenue. Comment ? Paradoxalement, en prenant de la distance, tout en les rassemblant au plus vite. Peut-être me dédoubler aussi… Oui, c’est une idée. D’un côté je jouerai les enquêtrices méticuleuses et impartiales, doublée d’un profileur pervers. D’un autre côté, je jouerai les artistes inspirées, rendant fidèlement la lumière qui apparaît chaque matin au lever du rideau.

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Au cœur de l’écriture, l’émotion

Pour ce quatrième épisode du Projet Line, je lance enfin une scène où les pouvoirs de notre petite héroïne se manifestent. Place à l’intrigue, au début d’émotions fortes qui devront aller crescendo.

Bonjour tout le monde ! Pour ce quatrième épisode du Projet Line, je lance enfin une scène où les pouvoirs de notre petite héroïne se manifestent. On est encore dans le flou mais, comme je vous l’expliquais au précédent épisode, Christophe apparaît bien comme un personnage qui en sait plus que je ne l’imaginais en l’introduisant dans le récit. Cette fois, place à l’intrigue, au début d’émotions fortes qui devront aller crescendo tout du long jusqu’à la grande scène finale, ce fameux climax dont Yves Lavandier parle dans « Construire un récit » (édition nouvelle).

L’écriture d’un récit est une suite de recherches surprenantes

Le chat est un lion Photo de Leandro De Carvalho
"Au lieu de crier, elle regarda le gaillard droit dans les yeux, serra les poings et cracha comme un chat. Le gamin hurla." - Photo de photo de Leandro De Carvalho

Victoire arriva sur ces entrefaites, chargée comme une mule, avec le jeune apprenti du crémier de la rue de…

Là, je dois m’arrêter et revoir le plan de Saint Jean de Luz. Et voilà que je tombe sur un os ! Je suis face à une incohérence flagrante : comment Victoire peut-elle revenir des courses à pied avec l’apprenti du crémier pour l’aider à ramener les provisions ? La maison est isolée, et je ne vois aucune boutique sur google map à des kilomètres à la ronde. Finalement, je repère un bel hôtel restaurant qui, ma foi, donnerait un décor supplémentaire à l’histoire. Victoire peut parfaitement entretenir une relation avec le cuisinier, suffisamment intime pour avoir négocié un moyen de remplir aisément le garde-manger des d’Haranguier. Excellent ! Le chemin coupe par les bois, ce qui alimente les idées que j’ai trouvées en écrivant l’histoire que voici :

Victoire arriva sur ces entrefaites, chargée comme une mule, avec le jeune apprenti du cuisinier de l’hôtel Chantaco. Elle connaissait bien le jeune Charles Borro, étoile montante de la gastronomie basque, et n’avait eu aucun mal à s’arranger avec lui pour assurer l’approvisionnement de la maison des d’Haranguier.

— Oh ! s’exclama-t-elle en constatant sa cuisine envahie d’intrus. Quelle bonne surprise ! C’est une réunion de famille ou je ne m’y connais pas. Regardez-moi cette petite qui mange un livre au petit déjeuner. Il n’y a donc que moi qui penserais à nourrir cette enfant ? Neskato pobrea !

Elle déposa les provisions sur la table et indiqua au jeune garçon qui l’accompagnait, où ranger le carton de lait qu’il portait.

— Reste là toi, tu vas boire un chocolat chaud avec des tartines avant de repartir.

— Mon patron m’attend, il ne va pas être d’accord, mais alors pas du tout !

— Je m’en occupe, moi, du petit père Borro. Tu ne repars pas de chez moi le ventre vide. C’est comme ça ici. N’est-ce pas, Monsieur d’Haranguier, on ne laisse pas les enfants mourir de faim dans cette maison ?

— Absolument, Victoire, nous ne sommes pas des monstres tout de même ! Bon, Winston, ajouta-t-il en jetant un œil à sa montre, nous partons dans un quart d’heure.

— C’est un vrai courant d’air, soupira Victoire en rangeant les courses avec une rapidité stupéfiante. Allez, à nous maintenant ! Élise, voulez-vous petit-déjeuner en notre compagnie ?

— À cette heure ? Voyons, vous savez bien que je me suis sustentée d’un fruit et d’une infusion de thym à six heures précises comme chaque jour que Dieu fait.

— Hé bien, s’il pouvait aussi faire les courses celui-là, il arrangerait bien mes affaires !

— Vous ne cesserez donc jamais de blasphémer !? s’offusqua la nourrice.

— Je vous taquine, Élise. Écoutez, si vous n’avez besoin de rien, laissez-moi de la place. Cette cuisine est si petite que vous risquez de m’encombrer. Le jeune Christophe doit vite retourner travailler.

Line n’avait pas bougé, elle restait plongée dans son livre comme si rien d’autre n’existait. Pourtant, à l’instant où Élise s’éclipsa, elle leva le nez de l’ouvrage et sourit de toutes ses dents à la cuisinière.

— Tu fais des madeleines, Victoire ?

— Je t’en ferai au goûter ma douce.

— Chris, tu as vu le chat dans le jardin ?

(Là, je dois vous dire qu’en intégrant un chat dans l’histoire, je n’avais pas idée qu’il déclencherait l’histoire pour de bon. C’est la magie des séances d’écriture, je pense. On intègre un élément vivant, il prend naturellement sa place. On continue le tricotage et le motif prend vie ! C’est beau, non ?)

— Salut Line, non j’ai vu personne en arrivant.

— On était chargés comme des mulets, on n’aurait pas vu un éléphant passer !

— Je veux aller voir les éléphants !

— Mais, c’est une façon de dire, voyons. Il n’y a pas d’éléphants dans les parages.

— Ça c’est sûr ! C’est en Afrique qu’on en voit, pas à Saint Jean, s’esclaffa Christophe.

Victoire plaça le livre sur le buffet pour poser les bols de chocolat fumant et les tartines grillées. Line ne prit pas la peine de se servir, elle était déjà descendue de sa chaise pour coller son visage aux carreaux de la porte donnant sur le jardin.

— Line, mais qu’est-ce que tu fais ? Viens manger !

— J’appelle le chat.

Christophe s’était levé, intrigué, pour suivre la direction de son regard. Il vit le chat descendre d’un arbre pour se précipiter vers la porte.

— Hé, Victoire, c’est vrai ! Le chat est là.

—Oh, cette sale bête ne mettra pas les pattes dans ma cuisine. C’est un monde quand même ! On dirait qu’il a élu domicile ici. Mais, enfin, à qui peut-il bien être ?

— Il n’a plus de maison, répondit Line. Il s’est enfui parce qu’on était méchant avec lui. C’est un garçon qui lui fait du mal. J’ai dit à Monsieur Chat qu’il pouvait rester ici, et que je lui donnerai à manger tous les jours.

— Mais où vas-tu chercher toutes ces histoires ? Et puis il ne manquait plus que ça ! Je vais devoir acheter des croquettes aussi ? Il n’a qu’à chasser les souris !

— Non, il ne mange pas les souris.

— Bah voyons, ça m’aurait étonnée.

 Victoire coupa de petits morceaux de rôti froid et tendit une coupelle à Line. Tiens ! Mais, une chose est sûre, Line. Il ne mettra pas les pattes dans cette maison.

— D’accord ! Line attrapa le festin du chat et se précipita dehors.

— Mange, Christophe, sinon le petit père Borro va m’incendier.

Antoine se dirigeait vers le garage en compagnie de Winston lorsqu’il aperçut sa fille. Elle était en pyjama, en train de caresser un chat.

— Tu as trouvé le chat d’Alice, à ce que je vois, l’interpella-t-il en riant.

— Non, lui, c’est mon chat maintenant.

— Ta mère ne supporte pas les animaux, ça ne sera pas possible, Line.

— Il habite dans le jardin, il ne rentre pas dans la maison. On pourrait lui fabriquer une cabane ?

— Vois ça avec Gilen, il sera là cet après-midi. S’il a le temps, pourquoi pas ? Ce ne devrait pas être bien long à fabriquer, ce n’est pas un lion.

— Je veux aller voir les lions, papa.

— On verra, Line, on verra.

— En Afrique.

Antoine resta interdit quelques secondes et répéta « On verra, ma chère », avant de monter dans la voiture qui démarra.

— Tu entends, Monsieur Chat, tu vas avoir ta maison.

Un jeune garçon se tenait à la hauteur de la petite barrière qui clôturait le jardin et le séparait de la forêt.

— C’est mon chat, cria-t-il en s’approchant rapidement.

Le chat détala, Line se releva et fit signe à l’intrus de partir.

— Tu lui fais peur ! Il ne vient pas avec toi, tu es méchant, tu lui fais du mal.

— Qu’est-ce que tu racontes ? C’est mon chat et je vais le reprendre.

— Non ! Il ne veut pas venir avec toi. Moi, je sais que tu lui fais du mal. Pourquoi tu l’embêtes tout le temps ?

— Pour qui tu te prends, morveuse ?

Le garçon était si près de Line qu’il agrippa son épaule et pressa si fort que Line grimaça de douleur. Mais, au lieu de crier, elle regarda le gaillard droit dans les yeux, serra les poings et cracha comme un chat. Le gamin hurla.

Au cœur de l’émotion : l’événement déclencheur

La conscience d'une menace
"Elle avait l’impression que la terre s’ouvrait sous ses pieds, laissant un gouffre gigantesque près à aspirer sa petite fille chérie." Photo de KELLERPICS

Victoire sortait à ce moment-là, alertée par la piaillerie, et vit Line face à un enfant d’à peine dix ans qui la dévisageait en braillant, les yeux exorbités de frayeur, agitant maintenant les bras qu’il replia sur son visage comme pour se protéger d’une attaque. La scène était surréaliste. Line restait parfaitement immobile. Victoire ne la voyait que de dos, les bras tendus le long du corps, les poings serrés et la tête levée vers le dément. Il n’y avait pas d’autre mot ! Ce gosse semblait se battre avec un essaim de guêpes. Son agitation, ses regards effrayés en direction de Line, ses hurlements ne collaient pas avec l’immobilisme ahurissant de la fillette.  Victoire restait pétrifiée devant ce spectacle surnaturel, incapable de prendre une décision. Quand Christophe sortit à son tour, il s’approcha immédiatement de Line, ignorant l’énergumène, et s’agenouilla devant elle. L’apprenti cuisinier semblait chuchoter à l’oreille de Line alors que le petit garçon continuait de crier.

Line finit par entourer de ses bras le cou de Christophe et y enfouir sa tête. Christophe l’enlaça tendrement et l’emporta sans plus de cérémonie dans la maison. Ahurie, Victoire observait le garçon qui avait enfin cessé de brailler. Il se tenait là, hagard, scrutant fébrilement les environs, la bouche ouverte, et encore éprouvé par un malheur qu’il était seul à avoir vécu. Victoire recouvrait ses esprits et pensa soudain que Line avait besoin d’elle. Elle s’approcha pourtant de l’enfant, aussi crâne qu’un galonnard après la bataille. « Qu’est-ce que tu as mon garçon ? dit-elle doucement. Il ne l’entendait pas. Malgré sa présence, il continuait d’examiner les parages, cherchant tout autour de lui ce qui l’avait tant effrayé, et sans paraître comprendre où il se trouvait vraiment. Enfin, il s’attarda sur Victoire. Il semblait quand même se détendre un peu et murmurait des choses que Victoire n’arrivait pas à entendre, tout d’abord.

— Le lion, le lion, balbutia-t-il. Ses lèvres se mirent à trembler, ses yeux à s’embuer de larmes et, il se retourna d’un coup sec comme si quelque chose avait surgit par derrière. Et quand Victoire posa sa main sur l’épaule de l’enfant pour le rassurer, il émit un cri perçant avant de détaler vers les bois sans se retourner. Victoire le héla. « Attend, attend ! » Mais il avait disparu sous les frondaisons. Elle sonda les sous-bois encore quelques instants avant de retourner vers la maison d’un pas incertain. Elle sursauta à la vue d’Élise. Raide comme un piquet à la fenêtre de sa chambre, elle semblait observer la scène depuis un bon moment, à peine visible derrière le voilage en mousseline de soie blanc. Victoire sentit des frissons lui parcourir le corps. Cette femme allait lui provoquer une crise cardiaque un de ces jours.

Victoire s’adossa au chambranle de la porte, observant Line et Christophe. Lui, parlait à la petite assise sur le rebord de la table. Il se tenait en face d’elle, ses mains posées sur les genoux de Line dont les jambes se balançaient doucement dans le vide. Elle baissait la tête, obligeant Christophe à obliquer la sienne pour capter son attention à travers le rideau opaque de ses cheveux noir de jais. Christophe semblait lui enjoindre quelque chose tandis qu’elle fuyait son regard, refusant manifestement de lui obéir. Victoire n’en était pas sûre, elle n’était plus sûre de grand-chose d’ailleurs. Elle tentait de rassembler ses idées et d’en tirer une pensée cohérente. Pourtant, la logique des événements lui échappait encore. Elle restait donc sur le pas de la porte, bercée par le chuchotement des enfants. Victoire était une femme de forte corpulence. Ses cheveux roux étaient coupés à la garçonne, et son visage rond et avenant, habituellement coloré par le soleil, était parsemé de taches de rousseur. Pour le coup, sa pâleur avait quelque chose d’inquiétant. Elle sentait à peine ses jambes la porter et finit par s’appuyer plus fortement contre le châssis de la porte. Elle prit une grande inspiration. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, Christophe la regardait intensément.

— Victoire, ça va pas ?

— Oui, je crois que ça va, souffla-t-elle. Aide-moi à m’asseoir, tu veux.

Christophe se précipita pour attraper le bras qu’elle lui tendait et la soutint jusqu’au siège le plus proche et s’y effondra de façon spectaculaire, au point d’en ébranler toute la carcasse.

— Donne-moi un peu d’eau, tu veux ?

Line reniflait. Victoire constata qu’elle pleurait en silence depuis tout ce temps, et put enfin comprendre que ce qui se passait ici n’était pas anodin. C’était même parfaitement anormal. Line avait toujours été une énigme, mais Victoire ne s’en laissait pas conter. Elle aimait s’amuser de tout et la vie lui avait montré que les gens se faisaient des montagnes pour de petits riens. Jusqu’à présent, elle aimait voir chez cette enfant le prodige d’une merveille en devenir, reléguant les sarcasmes d’Élise et les craintes de Cécile au rang de tracasseries inutiles. Mais, en cet instant,  elle ressentait dans ses tripes les répercussions possibles de ce qu’elle avait entrevoir des capacités surprenantes de Line. Elle avait l’impression que la terre s’ouvrait sous ses pieds, laissant un gouffre gigantesque près à aspirer sa petite fille chérie. Cette image, si réelle, lui asséna une telle claque, qu’elle se ressaisit sur le champ.

Voilà donc notre épisode 4 terminé ! À sa lecture, j’étais satisfaite de l’effet qu’il produisit sur Anton. Il s’est exclamé de surprise au moment où Victoire posait la main sur l’épaule de ce pauvre garçon, qui partit sans demander son reste. Mes séances d’écriture avancent plus vite que les épisodes et c’est tant mieux ! Vu qu’il ne me reste qu’un mois et demi avant d’achever ce roman (bah oui, compter un mois pour le mettre en forme est déjà une gageure !), il faut maintenant que je m’immerge plus avant dans l’univers de Line. Ce matin, j’arrivais enfin à la première image apparue dans ma tête et qui fit « tilt » (j’en parle dans ma méthode d’écriture en 3 clés). Quand on tient quelque chose… Voyez aussi ma vidéo « La naissance de Carrie d’après Stephen King ». Dans  » Mémoires d’un écrivain » Stephen King, explique comment l’idée de « Carrie » lui est venue.

L’émotion était-elle au rendez-vous ?

Exprimez vos ressentis juste en-dessous !

Après la mise en forme du roman il sera trop tard

Comment aimer ce qu’on écrit ?

Avant d’explorer ce rapport à notre écriture qui nous pousse à un examen critique, je veux remettre en question notre vision de nous-mêmes et, par ricochet, de notre écriture. Une relecture qui se conclue par « c’est pas bien, c’est nul, c’est pas intéressant » n’est qu’un auto-sabotage en règle.

Bonjour tout le monde ! Aujourd’hui j’aimerais répondre à une question qui m’a été posée et qui me trotte dans la tête depuis quelques jours. En effet, si je préconise les séances d’écriture quotidiennes où on écrit sans réfléchir (voir ma méthode d’écriture en 3 clés), il est légitime de se demander : « Et, si on n’aime pas ce qu’on écrit, qu’est-ce qu’on en fait ? » On reprogramme son mental !

 Reprogrammez votre mental et dégagez le gremlin !

Magie intérieure-Leandro De Carvalho
"Explorez la vision que vous avez de vous-même !" Oeuvre de Leandro De Carvalho "Magie intérieure"

Remettez en question votre propre jugement

Avant d’explorer ce rapport à votre écriture qui vous pousse à un examen critique, remettez en question la vision que vous avez de vous-même. Et, par ricochet, la valeur portée à ce que vous écrivez. Une relecture qui se conclue par « c’est pas bien, c’est nul, c’est pas intéressant » n’est qu’un auto-sabotage en règle. Instaurer des séances d’écriture quotidiennes vous permettra de maintenir votre mental, votre énergie et votre vision dans une même direction. Pour garder le cap, il est indispensable de faire taire cette petite voix qui vous dit : « c’est nul, je n’y arriverai jamais ».

Nous avons tous notre petit gremlin qui se tient derrière nous, penché au-dessus de notre épaule, à lire notre travail en grimaçant de dégoût. Le mien ne cessait de répéter « Beurk ! C’est de la merde, non mais regardez-moi ça ! » L’étape fondamentale à dépasser, c’est de dégager le gremlin. Le faire disparaître demande du temps et de l’endurance, mais il y a de nombreux exercices qui pourront vous y aider. Je vous partagerez au fil du temps tout ce que j’ai appris pour ce faire. En attendant, suivre mon défi « J’écris un roman en 3 mois » vous montrera, en pratique, comment concilier vos séances avec le travail d’écriture proprement dit.

 Libérez votre créativité

Avant de commencer mes séances d’écriture, j’avais lu le livre de Julia Cameron, « Libérez votre créativité ». L’auteure nous propose un processus d’exercices pratiques sur 12 semaines. Ce livre m’a beaucoup inspirée. À l’époque j’ai compris que nos habitudes de pensée pouvaient être revisitées par des mécanismes d’actions quotidiennes. Alors, j’ai décidé de prendre des cours de peinture pendant un an. Mon objectif était de répondre au gremlin. À ce problème de jugement intérieur sans fondement, je décidais d’aller chaque semaine, avec une régularité de métronome, m’assoir devant une toile blanche, exécuter une peinture sans réfléchir ni me juger, et sortir un résultat à l’issue du temps imparti. Pas de jugement, pas d’autre enjeu que de « faire » un travail artistique sans le juger au moment de son exécution.

L’avantage ? Si je me permettais d’avoir un œil critique sur mes peintures, je réitérais pourtant chaque semaine le même processus de création. Et alors ? Hé bien, j’ai appris à émettre une critique sur mon travail sans que ça ne m’empêche de revenir à ma table de travail pour en exécuter une nouvelle sans juger la création en cours. Résultat ? Le gremlin s’est évanoui dans la nature, la queue entre les jambes, incapable de supporter ce nouveau jeu de dupes. Au bout d’un an, ce mécanisme de séances m’a permis de travailler ce rapport au jugement qui casse le souffle de notre création. Ma devise était : « C’est pas parfait, mais c’est fait ! »

Lancez-vous des défis extravagants

Cette année-là annonçait ma décision d’être écrivain. J’étais prête à dompter le gremlin. J’ai alors décidé de m’installer à la terrasse du café de mon quartier pour jouer le rôle de l’écrivain. On dit souvent que, pour se forcer à adopter un nouveau comportement, le mieux est de faire semblant, de se mettre dans la peau de ce nouveau personnage auquel on s’identifie. Pour devenir écrivaine, me suis-je dit, autant jouer le rôle maintenant. Voilà maintenant 6 ans que je me suis un jour assise à cette terrasse en m’imaginant entourée d’une équipe de cinéma avec le réalisateur criant : « ça tourne ! » Je m’en souviens encore. Me voilà scribouillant avec frénésie sur mon cahier. Cherchant à jouer mon rôle avec le plus de crédibilité possible, j’étais entourée d’une tribu de bonshommes étonnés et inquiets.

Ils se demandaient si je n’étais pas un agent des Renseignements Généraux. Moi, les joues en feu et la main tremblante, n’osant relever la tête, je refusais mordicus de me demander ce que je foutais là ! Allez, ça tourne ! Tu es dans un film, Alice, assure ! Sachez bien que c’est en relevant ce genre de petits défis qu’on s’aperçoit par la suite l’importance qu’ils ont eue. On se remercie de s’être alors pris au sérieux. On rit de ses hontes puériles et on se remercie encore et encore d’avoir trouvé dans le jeu le meilleur moyen de se libérer de nos mécanismes enfantins. Ces mécanismes inconscients pourrissent notre vie d’adulte qui ne correspond pas à nos rêves d’enfant.

Comment jouer le jeu de l’écrivain ?

un écrivain écrit forcément pour les autres Photo de Leandro De Carvalho
Comment vous permettre d’émettre un jugement sur ce que vous écrivez sans d’abord travailler sa structure et sa mise en forme ? Photo de Leandro De Carvalho

Changez le rapport que vous entretenez avec vous-même

Vous éprouverez donc peut-être de l’inconfort au cours de vos premières séances d’écriture. C’est une excellente chose ! Accrochez-vous à elles dans un premier temps jusqu’à ce que vous constatiez qu’elles vous sont aussi nécessaires que l’air qu’on respire. Le jeu de l’écrivain est également important pour se mettre dans la peau de celui qui raconte. Sous entendu : un écrivain écrit forcément pour les autres, ses lecteurs. Le jeu de rôle que je vous propose a donc un double intérêt.

Se prendre pour un écrivain c’est :

  • Faire confiance à l’exercice d’écriture en sortant de soi-même. Littéralement, vous n’êtes plus là ! Vos pensées introspectives ou nombrilistes se sont fait la malle.
  • Raconter une histoire, c’est donc naturellement écrire pour les autres, pour être lu.

Vous avez ici les deux piliers fondateurs qui vous assurent d’être l’écrivain rêvé sans plus vous poser de questions. Il ne vous reste plus qu’à écrire… Maintenant, LA question relevant de la construction de l’édifice vous demandera de nouvelles compétences à acquérir et à expérimenter, ou beaucoup de chance. Appréhender l’architecture d’un roman, ça s’apprend. S’arrêter au jeu de l’égo qui pousse à se demander si ce que vous écrivez vaut la peine d’être « aimé » est prématuré.

Comment, en effet, vous permettre d’émettre un jugement sur ce que vous écrivez sans d’abord travailler sa structure et sa mise en forme ? Pensez-vous qu’un architecte incapable de mesurer son talent en travaillant à ériger des édifices habitables se sentirait architecte ? Il pourrait dessiner des bandes dessinées formidables, peut-être, mais il chercherait à vivre de son art d’une manière ou d’une autre. Il y a quelques années, un pont tout neuf s’est écroulé près de chez moi. Dans l’écriture, les erreurs sont moins fatales, c’est une bonne chose quand on y pense, non ?

 Changez surtout la vision que vous avez de l’échec

La reconnaissance socioprofessionnelle est pour moi une question tout aussi essentielle que la première, mais elle arrive en deuxième temps. Je pense en effet qu’un écrivain heureux est un écrivain reconnu, capable de vivre de son art.

Être un écrivain reconnu c’est :

  • Se confronter à la critique, quelle que soit la manière dont vous vous y prendrez. C’est accepter les compliments, les flatteries, comme les dénigrements, les reproches ou les moqueries.
  • Chercher à promouvoir ses textes en découvrant la stratégie qui vous convient, échouer ou réussir et continuer à écrire avec une régularité vraie (on ne fait pas semblant d’écrire en se plaignant que le travail n’avance pas).

Quand je parle d’échec, je ne parle pas du sentiment d’échouer. Tester une stratégie, c’est s’assigner un objectif et en mesurer la réussite ou l’insuccès en fonction du résultat visé. C’est clair. Des critères précis doivent l’accompagner. Là, on avance et on continue, le gremlin n’a rien à faire dans les parages. Le « J’aime ou j’aime pas » n’est pas un critère professionnel de sélection. Refusez de vous fourvoyer dans le sentimentalisme trompeur pour vous donner des excuses.

Le métier d’écrivain est un métier comme un autre dès lors qu’on décide de se confronter aux obstacles que tout professionnel rencontre au cours de sa carrière. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! Si vous lisez cet article c’est que vous aimeriez écrire et faire découvrir votre talent à vous-même, comme aux autres. Le plaisir d’écrire est là, c’est évident, mais le travail nécessaire pour aller au bout d’un projet exige de débloquer certains mécanismes de croyance et d’auto-sabotage qui nous empêchent d’avancer.

En pratique, comment aimer ce qu’on écrit ?

Livre rêvé
Ces séances d’écriture sont une matière mouvante, vivante, en apparence déstructurée, mais qui me rapprochent de la création d’un organisme qui, bientôt, sera solidement ancré dans la vie - Photo de Leandro De Carvalho

Amassez du texte sans vous arrêter

Pour commencer, soyez sûr d’une chose : tout passe par la régularité de vos séances d’écriture (que vous optiez pour des séances de travail acharné ou des séances d’écriture libre). Plus on écrit et plus on augmente le pourcentage de « waouh ! », c’est mathématique. Si vous vous imposez votre quart d’heure quotidien, vous vous approprierez votre travail d’écriture. Vous casserez le mécanisme de jugement qui vous empêche d’aller loin et d’accomplir votre propre chemin vers l’excellence. Si c’est trop douloureux, choisissez sans hésitez le quart d’heure de plaisir que je vous prescris et ne ratez pas une séance !

Une fois la mécanique bien huilée, qu’est-ce qui vous garantit que vous allez aimer ce que vous écrirez ? Dans mon défi « J’écris un roman en 3 mois », il y a beaucoup de dialogues et de scènes que j’écris et qui ne sont que des pistes pour la suite, elles sont mal placées, ne présentent pas un intérêt dynamique immédiat dans le récit en cours, et ne seront peut-être même pas reprises. Pourtant, elles servent à me faire avancer, à me questionner et à me donner des idées. J’en tire des éléments précieux, de minuscules images qui alimenteront les scènes futures et qui, elles, auront toute leur place dans l’histoire. Ce fonctionnement est possible uniquement parce que je crois dur comme fer que j’arriverai au bout d’un récit complet.

Apprenez à vous détendre sur le résultat escompté.

Ces séances d’écriture sont une matière mouvante, vivante, en apparence déstructurée, mais qui me rapprochent de la création d’un organisme qui, bientôt, sera solidement ancré dans la vie. Durant mes séances où j’écris sans m’arrêter, en réfléchissant à peine, je m’offre une possibilité de me plonger dans une histoire qui tire sa cohérence dans les jours qui passent, dans une régularité. Des séances quotidiennes, certes imposées, mais dont la règle est de se faire plaisir.

Lors de ces séances, je suis libre de m’emballer, de me tromper, de ne pas me juger, de ne pas écrire comme je le voudrais. Des fois, on se laisse aller, on a l’impression d’être l’instrument d’une force invisible qui nous dicte et nous rend inventif, on vit « l’effet waouh ! », des fois oui, mais pas toujours. Cette réalité triviale, de ne pas écrire comme on rêverait toujours de le faire, est inhérente au travail d’écriture, qu’on se le dise ! 

Alors, c’est bien joli, ça, de vous exhorter à écrire sans réfléchir et sans vous juger mais, « qu’est-ce qu’on fait quand on n’aime pas ce qu’on a écrit ? »

devise apprécie le processus
Accrochée à mon bureau, ma devise de l'année est : "apprécie le processus" !

Quand le pas est franchi, l’aventure ne fait que commencer. Les difficultés seront nombreuses. Pour moi, les séances d’écriture s’apparentent au gouvernail de mon navire. Je m’accroche à lui pour traverser l’océan jusqu’à la terre promise. Ces séances d’écriture m’ont également permis d’apprécier le processus d’écriture, même quand les terres rencontrées n’étaient que de simples escales. Je parle ici de l’écriture de nouvelles. Ces petites histoires que j’écrivais en une ou deux semaines ont été un entraînement bénéfique pour appréhender la construction d’un récit. J’avance désormais plus sûrement vers un continent inconnu, sans savoir si je le trouverai, mais j’ai appris tant de choses en matière de navigation, que je me sens aujourd’hui plus légitime à tenir la barre, confiante, sereine, et sans gremlins sur le pont.

Pour vous partager mon expérience je vais décortiquer tous les exercices qui m’ont appris à écrire libre et confiante. En attendant, mon défi « Un roman en 3 mois » fera très bien l’affaire pour observer en live cette mécanique d’écriture. Terminées donc les apartés ! Place à la suite de notre roman qui, je vous le rappelle, doit se terminer dans 9 semaines.