Faut-il avoir la foi pour écrire un roman ?

L’histoire d’un écrivain, l’histoire qu’il se raconte, compte pour beaucoup dans sa façon d’écrire.Se lancer dans l’écriture d’un roman relève du mystique. Mais je vous propose un exercice facile pour éviter l’infortune.

Photo Rogier Hoekstra

L’histoire d’un écrivain, l’histoire qu’il se raconte, compte pour beaucoup dans sa façon d’écrire. Lorsqu’il s’assoit pour démarrer une scène, il tombe sous le charme de l’écriture. Vous objecterez sûrement qu’une telle image d’épinal est bonne à donner aux pigeons. Détrompez-vous. Se lancer dans l’écriture d’un roman relève du mystique. Mais je vous propose un exercice facile pour éviter l’infortune.

Le mythe personnel, un processus d’envoûtement

le mythe personnel
"L’aventure se trouve là, au fond des abysses..." Photo de Stefan Keller

Le processus d’écriture romanesque est une quête. L’histoire écrite n’est que la partie émergée de l’iceberg, reliée au mythe de sa propre histoire, celle qu’il se raconte pour endosser sa responsabilité d’écrivain. L’aventure se trouve là, au fond des abysses, dont il faudra extraire les pièces les plus précieuses et reconstituer l’enchaînement des faits. C’est de lui, et c’est de nous dont il parle. Car il devra, pour écrire, retracer le récit de sa vie. C’est le prix à payer pour aboutir au roman.

Nous procédons tous à ce processus d’envoûtement. Mais, pour beaucoup d’entre-nous, ce mécanisme induit reste inconscient. Il est alors scabreux, voire dangereux pour accéder à sa vocation, pour parvenir à ses rêves. Et si parmi eux, vous caressez l’espoir d’écrire un roman, vous devez plonger dans les profondeurs sauvages de la forêt ensorcelée. Et personne n’y coupe, croyez-moi.

Rendez-vous compte du fascinant voyage à accomplir pour devenir écrivain. Pour s’asseoir où bon vous semble, avec désinvolture, il vous faut traverser les paysages les plus insolites, errer dans votre passé aussi bien que dans le futur incertain de l’humanité. Mais, je ne vous entraîne pas plus loin dans un soliloque infernal, non. J’aimerais au contraire vous partager la simplicité de l’exercice.

L’histoire inversée, un exercice accessible à tous

"L'histoire qu'on se raconte peut se retourner contre nous" Photo d'Anja Cocoparisienne

J’ai souvent parlé du rôle que je me suis assigné pour devenir écrivain. Pour en arriver là, c’était un jeu de clés qui ne rend pas justice à la fable que je me suis racontée. Elle est pourtant l’assise indispensable au rôle que j’interprète aujourd’hui. Chacun d’entre nous vivons notre vie en fonction de l’histoire qu’on se raconte (Derren Brown en parle très bien dans son reportage : voir mon article sur la question ici). Pour se jouer d’elle, je fais un exercice ludique que j’appelle « l’exercice de l’histoire inversée ».

Je vous explique. On s’aperçoit rarement de la puissance de cette fable autobiographique. Elle construit notre parcours jalonné de croyances, méthodiquement construites,  pièce par pièce, avec les années. Notre histoire, socle mouvant de notre personnalité, est pourtant variable à volonté. Aussi, le plus captivant est son architecture modulable.

Le mieux, pour le comprendre, est de faire un petit exercice facile et ludique, celui de réécrire votre histoire. Oh, ne vous mettez pas martel en tête. Il ne s’agit pas d’écrire un roman. Prévoyez une pause agréable au bord de l’eau et reconsidérez votre histoire, celle que vous vous racontez si souvent, ayant trait à tel ou tel événement de votre vie. Des souvenirs d’enfance, par exemple, qui vous font croire que « vous êtes comme ça ».était

Redistribuez les cartes de votre destinée

votre destin
"J’ai un jour découvert que pour forger sa destinée, il fallait l’ériger en foi" Photo Igor Ovsyannykov

Je conçois que vous puissiez avoir du mal à me suivre. Alors voilà l’astuce : repensez à un épisode de votre vie qui remonte parfois à votre esprit. Il trouve souvent sa place pour justifier d’un trait de caractère qui vous embarrasse de temps à autre… Vous y êtes ? Prenez votre temps… Parfait, celui-ci fera l’affaire. Maintenant, racontez-le sous un angle totalement différent. Un angle nouveau qui reconstruit votre regard sur le futur. Car, le prisme du passé planifie toujours votre avenir.

Cet exercice est une bonne façon de redistribuer les cartes pour avancer vers ses rêves. En effet, j’ai un jour découvert que pour forger sa destinée, il fallait l’ériger en foi. Sans basculer dans l’exubérance ou le scepticisme grégaire dont Balzac se fait un malin plaisir à dépeindre les effets (« L’illusion est une foi démesurée » *), prendre la foi pour ce qu’elle vaut est sain et salutaire.

La foi n’est autre que la fidélité à remplir ses engagements. Construire une foi en son avenir, y placer précisément son rêve ; l’épurer des fantasmes qui ne sont bien souvent qu’un agrégat de pensées toutes faites, et qui appartiennent pour une bonne part aux illusions consuméristes de notre société, assure à celui qui se prête au jeu un voyage exaltant. Faites-moi confiance.

* « Le surnuméraire est à l’Administration ce que l’enfant de chœur est à l’église, ce que l’enfant de troupe est au Régiment, ce que le rat est au théâtre : quelque chose de naïf, de candide, un être aveuglé par les illusions. Sans illusion, où irions-nous ? Elle donne la puissance de manger la vache enragée des Arts, de dévorer les commencements de toute science en nous donnant la croyance. L’illusion est une foi démesurée ! » Honoré de Balzac – Les Employés ou la femme supérieure -1838